La principauté de Liechtenstein reste un petit paradis niché dans les Alpes, malgré les grands bouleversements politiques internationaux qui redistribuent les cartes et menacent l’ordre mondial. À l’occasion de la fête nationale du Liechtenstein, le régent de la Principauté a prononcé son discours annuel, dans lequel il a tout de même souligné les défis importants auxquels sera prochainement confronté son pays, notamment en matière démographique et concernant sa position dans le monde.
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Discours du prince héréditaire Alois de Liechtenstein lors de la fête nationale du 15 août 2025
La guerre entre la Russie et l’Ukraine et les conflits au Proche Orient déstabilisent les marchés mondiaux, crispent les relations diplomatiques et plongent le monde dans l’incertitude. Certains pays semblent plus éloignés de ces préoccupations que d’autres, comme le Liechtenstein. Ce territoire de 161 kilomètres carrés, est relativement épargné par les tumultes internationaux. Ce fut encore le cas il y a quelques jours, lorsque Donald Trump a pris la décision d’appliquer des taxes douanières de 39% à la Suisse, contre seulement 15% au Liechtenstein voisin. Les deux pays ayant pourtant entre eux des traités commerciaux établis depuis plus d’un siècle.

Ce 15 août, à l’occasion de la fête nationale, le prince héréditaire Alois, 57 ans, a pris la parole en public. Le fils aîné du prince souverain Hans-Adam II assure la régence de la Principauté depuis 2004 et jouit donc de la totalité de prérogatives du chef d’État. Il lui revient donc la tâche de prononcer l’allocution officielle de la fête nationale sous une tente montée dans la plaine située au pied du château de Vaduz. Les Liechtensteinois sont invités à écouter les discours dans la prairie. Après le discours du prince héréditaire Alois, c’est le président du Landtag, le parlement liechtensteinois qui a pris la parole.

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« La fête nationale est toujours l’occasion de réfléchir aux fondements et aux valeurs sur lesquels reposent notre État et notre société. Cela est particulièrement vrai à l’heure actuelle, où nous sommes confrontés à de nouveaux défis considérables », a admis le prince héréditaire Alois. « Les changements fondamentaux qui se produisent au niveau international constituent l’un de ces défis. Malheureusement, nous pouvons de moins en moins compter sur un ordre mondial fondé sur des règles. Cela entraîne une modification de la situation en matière de sécurité, des conditions-cadres plus difficiles pour nos entreprises et peut donc également avoir des répercussions sur le développement prospère de notre société. Dans le même temps, nous sommes confrontés à une évolution technologique fulgurante, notamment l’intelligence artificielle et les smartphones qui nous accompagnent aujourd’hui partout. Les nouvelles possibilités offertes par cette évolution technologique ouvrent de nombreux avantages et opportunités tant pour nous personnellement que pour nos entreprises. Mais elles s’accompagnent également de défis difficiles, tels que de nouvelles contraintes psychologiques ou des déstabilisations sociales dues à une utilisation problématique des réseaux sociaux. »

Le prince héréditaire Alois a également souligné le problème démographique auquel est confronté son pays. « Le financement de nos retraites et de nos soins de santé restera une préoccupation majeure jusqu’à ce que nous disposions d’un mécanisme permettant de l’adapter automatiquement à l’évolution démographique. Lorsque les générations issues du baby-boom auront pris leur retraite, nous manquerons de main-d’œuvre pour nos entreprises et pour la partie de la population qui dépend de services tels que les soins de santé. La somme de ces évolutions suscite chez beaucoup de gens un sentiment d’insécurité et de perte de contrôle. Dans une telle phase, il est particulièrement important que nous analysions précisément les défis, que nous nous évaluions correctement, que nous continuions à miser sur les fondements et les valeurs qui resteront nos atouts à l’avenir, tout en préparant soigneusement et en mettant rapidement en œuvre les adaptations et les réformes qui s’imposent. C’est dans cet esprit que je voudrais vous faire part aujourd’hui de quelques réflexions sur l’évolution de la situation en matière de sécurité, le développement technologique rapide et l’évolution démographique. »

« La situation en matière de sécurité ayant profondément changé, nous devons également revoir en profondeur notre politique de sécurité. Il n’y a pas si longtemps, notre politique de sécurité était largement axée sur la sécurité intérieure traditionnelle et la protection contre les catastrophes régionales. Plus récemment, nous nous sommes également penchés sur la cybersécurité et avons pris des mesures dans ce domaine. Cela était important car notre État, notre économie et notre société dépendent de plus en plus d’une infrastructure numérique qui fonctionne ».
Pour une sécurité numérique, nous avons besoin non seulement de cybersécurité, mais aussi d’une bonne réglementation, notamment pour garantir la confiance nécessaire grâce à une protection efficace et élevée des données dans des domaines sensibles tels que la santé. Nous avons en outre besoin de sécurité énergétique, en particulier en ce qui concerne le réseau électrique, et d’une société qui, d’une part, sache utiliser les outils numériques, notamment l’intelligence artificielle, et qui, d’autre part, soit capable de gérer les risques qu’ils comportent. C’est pourquoi nous devons revoir en profondeur notre politique de sécurité en associant largement la population et l’économie et en y ajoutant notamment la sécurité extérieure, la sécurité numérique et le renforcement de la résilience sociale.
Le prince héréditaire Alois précise ensuite son projet en détaillant trois domaines d’action qui lui semblent essentiels : des mesures éducatives afin de préparer au mieux toutes les couches de la population à un monde de plus en plus numérique et en particulier à l’intelligence artificielle, une communication adaptée à l’ère numérique entre les organes de l’État, l’économie, les médias et la population dans son ensemble, notamment afin de préserver notre sens particulier de la communauté et notre grande confiance dans nos institutions étatiques. Et enfin des mesures d’intégration visant à accroître la résilience sociale, telles que l’amélioration des conditions-cadres pour le bénévolat et les associations à but non lucratif.
« En ce qui concerne l’évolution démographique, une stratégie pour les seniors a déjà été élaborée, que nous devons désormais mettre en œuvre de manière cohérente. Elle comprend les réformes nécessaires dans les domaines de la santé, des soins et des premier et deuxième piliers de la prévoyance vieillesse. D’autres mesures démographiques telles que des conditions de travail flexibles sont également prévues. Outre l’utilisation judicieuse des nouvelles technologies, des mesures visant à rendre nos emplois plus attractifs, y compris pour les seniors, sont en effet essentielles pour disposer à l’avenir de la main-d’œuvre nécessaire. »
Le régent de la Principauté a terminé par ses mots : « Chères concitoyennes, chers concitoyens du Liechtenstein, nous pouvons être fiers de la manière dont nous avons relevé ces défis ensemble jusqu’à présent. Continuons à trouver le juste équilibre entre orientation à long terme, stabilité, continuité et proximité avec les citoyens d’une part, et développement constant grâce à l’innovation et à l’esprit d’entreprise d’autre part. Nous pourrons alors envisager l’avenir avec optimisme, compte tenu également de notre excellente situation de départ. »