Le 5 février 2025, cela fera 175 ans que le prince Henri des Pays-Bas devint le lieutenant-représentant du souverain au Luxembourg, durant le règne de son frère, Guillaume III. Le 3 octobre 2025, Guillaume de Luxembourg succédera à son père, le grand-duc Henri, après avoir occupé durant un an la fonction de lieutenant-représentant. Voici l’histoire du lieutenant-représentant Henri, gouverneur du Luxembourg de 1850 à 1889.
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Il y a 125 ans le roi grand-duc Guillaume III confiait la lieutenance du Luxembourg à son frère Henri
Le 3 octobre 2025, le grand-duc Henri de Luxembourg abdiquera en faveur de son fils Guillaume, perpétuant la tradition des abdications de monarques luxembourgeois depuis 1919. Autre tradition, avant son abdication, le souverain met en place une régence, quelques années avant de passer la main. Habituellement, le Grand-Duc donne alors le titre de lieutenant-représentant durant cette période de transition. Le grand-duc Henri a transmis la lieutenance à son fils Guillaume en octobre 2024, tout comme Henri fut lieutenant-représentant de son père Jean, avant de lui succéder définitivement en 2000.

La lieutenance existait déjà au Luxembourg, durant la période des rois des Pays-Bas. La lieutenance sert aujourd’hui à remplacer le souverain afin d’assurer une transition de règne en douceur, là où autrefois cette lieutenance servait à représenter localement le souverain dans la gestion des tâches quotidiennes. Ce 5 février 2025, cela fera 175 ans que le prince Henri des Pays-Bas, frère du roi grand-duc Guillaume III, fut nommé lieutenant-représentant. L’actuel grand-duc est donc le deuxième Henri à diriger le Luxembourg depuis le prince Henri au 19e siècle.

Le prince Henri des Pays-Bas, né en 1820, était le troisième et plus jeune fils du roi Guillaume II des Pays-Bas, grand-duc de Luxembourg. Le prince Henri était un aventurier et un grand navigateur. À l’adolescence, il rejoint la Marine et voyagera autour du monde, notamment dans les Indes orientales néerlandaises sur lesquelles régnait son père. Son frère, Guillaume III, succéda à leur père en 1849. Le 5 février 1850, Guillaume III confia la lieutenance du grand-duché de Luxembourg à son frère Henri, faisant de lui un gouverneur ou régent de ce territoire. Le prince Henri assura cette fonction jusqu’à sa mort à 58 ans en janvier 1879, au château de Walferdange au Luxembourg. Henri mourut peu de temps avant son frère aîné, Guillaume III, dernier roi grand-duc.

Le prince Henri, en plus d’être lieutenant-représentant de son frère, avait endossé de plus en plus de responsabilités durant les dernières années de sa vie, en raison des morts successives des princes de la famille. En effet, le roi Guillaume III avait eu trois fils de son premier mariage qui ont tous eu une courte vie. L’aîné, le prince Guillaume, qui était l’héritier du trône, vivait une vie de débauche en exil à Paris. Il est mort à l’âge de 39 ans en 1879. Le deuxième fils du roi Guillaume III, le prince Maurice, est mort d’une méningite à l’âge de 6 ans en 1850. Enfin, le troisième fils du roi Guillaume III, le prince Alexandre, devenu l’héritier du trône après la mort de son frère aîné, est lui-même mort du typhus à 32 ans en 1884.

Depuis la mort de Maurice en 1850, le prince Henri, lieutenant-représentant du Grand-Duc, était aussi 3e dans l’ordre de succession au trône, derrière le prince Guillaume et le prince Alexandre. Le remariage en 1879 de Guillaume III, devenu veuf en 1877, lui permit d’avoir une dernière enfant, Wilhelmine, née en 1880, qui lui succédera à l’âge de dix ans sur le trône néerlandais.
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La lieutenance luxembourgeoise du prince Henri des Pays-Bas
Durant sa lieutenance au Luxembourg, le prince Henri dut gérer quelques épreuves. La nouvelle constitution luxembourgeoise mise en place par le roi grand-duc fut adoptée en novembre 1856, comme l’avait annoncé quelques jours auparavant le lieutenant-représentant Henri dans son discours du Trône du 7 octobre. Cette constitution élargissait considérablement les pouvoirs du roi grand-duc. Scandale et protestation ont provoqué un putsch, permettant aux Libéraux de la Chambre des représentants de présenter une nouvelle version de la constitution, que le roi grand-duc et son gouvernement ont acceptée pour calmer la révolte.

Autre crise traversée par le lieutenant-représentant Henri, celle de 1867. Napoléon III démarcha personnellement le roi Guillaume III dans l’espoir de lui racheter le Luxembourg pour 3 millions de florins. Rencontrant des difficultés financières, Guillaume III fut séduit par cette offre mais le contexte de tensions avec la Prusse et les États allemands vont compliquer la transaction. La population luxembourgeoise, ayant eu vent des tractations, a elle-même fait entendre sa gronde. La crise s’est terminée au cours d’une réunion internationale à Londres, décidant alors de maintenir le roi des Pays-Bas à la tête du Luxembourg et refusant l’idée de le céder à la France. Cette crise a engendré l’écriture d’une nouvelle constitution luxembourgeoise en 1868, qui sert encore de base à l’actuelle constitution.
En 1853, le prince Henri avait épousé Amélie de Saxe-Weimar-Eisenach, fille du duc souverain Bernard, qui fut lui-même brièvement gouverneur du Luxembourg en 1831. Une fois veuf, Henri a épousé la princesse Marie de Prusse en 1878. Malgré ses deux mariages, Henri n’eut pas de descendance. Henri fut le premier lieutenant-représentant du Luxembourg, nommé parmi les princes de la famille du souverain. La fonction existait depuis des siècles mais elle fut habituellement assurée par des hommes de confiance du souverain et ceux-ci étaient appelés gouverneur. La Maison du Grand-Duc considère que le prince Henri des Pays-Bas fut le premier lieutenant du grand-duché de Luxembourg. Aujourd’hui, une douzaine de rues et avenues ont été nommées en sa mémoire, dans plusieurs villes du pays.
Les Nassau à la tête des Pays-Bas et du Luxembourg
Les comtes de Nassau-Weilburg, souverain de ce territoire depuis 1344, sont devenus princes de Nassau-Weilburg lorsque le comté fut élevé en principauté en 1688. En 1806, différents territoires appartenant aux Nassau sont réunis pour former le duché de Nassau, un État indépendant qui sera aboli en 1866, après la guerre austro-prussienne qui aura pour conséquence la dissolution de la Confédération du Rhin. Le duché de Nassau sera annexé au royaume de Prusse. C’est le duc Adolphe, petit-fils du premier duc souverain, qui fut le dernier souverain duché lorsqu’il fut annexé en 1866. Le pays comptait alors 466 000 habitants.
Au même moment, un extrêmement lointain cousin, issu d’une autre branche de la famille de Nassau, régnait sur les Pays-Bas et le Luxembourg. Les princes d’Orange de la famille de Nassau régnaient ou dirigeaient les différents territoires néerlandais depuis le 16e siècle. C’est en 1581, que Guillaume de Nassau dit le Taciturne, devint stathouder des Pays-Bas, à l’origine de la révolte des Néerlandais contre la dynastie habsbourgeoise. Les stathouders sont les souverains de la république des Provinces-Unies, régime particulier en place aux Pays-Bas jusqu’à la révolution en 1795. La période napoléonienne a suivi durant une dizaine d’années. Ensuite, à la fin de cette période, les Pays-Bas sont devenus une principauté de 1813 à 1815. Les Pays-Bas ont été élevés au rang de royaume en 1815 et le souverain, Guillaume 1er, devient le premier roi des Pays-Bas, un vaste pays qui couvraient les Pays-Bas actuels mais aussi la Belgique et le Luxembourg. En 1830, la Belgique prit son indépendance et nomma un nouveau roi, tandis que le Luxembourg prit son indépendance en 1839 mais le roi des Pays-Bas resta le souverain luxembourgeois.

Les Pays-Bas et le Luxembourg se partageaient le même souverain, toutefois les deux pays étaient totalement indépendants et leur constitution était différente. Au Luxembourg, la loi salique était d’application, ce qui n’était pas le cas aux Pays-Bas. Le roi Guillaume III mourut en 1890 sans descendance masculine vivante et sa fille, Wilhelmine, seule survivante de ses quatre enfants lui succéda sur le trône néerlandais. Au Luxembourg, où la loi salique était en vigueur, il fallut désigner un nouveau souverain. Par un pacte au sein de la famille de Nassau, ce fut Adolphe, ancien duc de Nassau déchu en 1866, qui fut désigné pour devenir le nouveau grand-duc de Luxembourg. Adolphe était issu de la branche Weilburg de la Maison de Nassau et partageait avec le roi Guillaume III un ancêtre en commun plus proche, le stathouder Guillaume IV, par son arrière-grand-mère Caroline.