Ce 12 mai 2025, dans la salle du conseil municipal de Tbilissi, d’éminents historiens, académiciens et religieux s’étaient réunis à l’initiative de la famille royale de Géorgie pour reconnaître la princesse Anna Bagration-Gruzinski en tant que nouvelle cheffe de la famille royale. Cette cérémonie confirmait sa succession aux prétentions royales de son défunt père, le prince Nugzar, ce qui l’oppose à présent à son ex-époux, qui est le prétendant au trône de Géorgie de la branche opposée.
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La princesse Anna Bagration-Gruzinski reconnue par le patriarche locum tenes à la tête de la famille royale de Géorgie
Le 1er mars dernier, le prince Nugzar Bagration-Gruzinski décédait à 74 ans. Le descendant du roi George XII de Kartl-Kakhétie était le chef de la famille royale de Géorgie. Une prétention qui l’opposait à son ex-beau-fils, le prince Davit. Depuis le décès du prince Nugzar, sa fille aînée, la princesse Anna, revendique dorénavant la tête de la famille royale. Cette prétention a été confirmée la semaine dernière, lors d’une célébration académique à Tbilissi, la capitale de la Géorgie.

Le 12 mai, jour de la commémoration de saint André le Premier-Appelé, une conférence consacrée à la région historique du Lazistan s’est tenue dans la salle du conseil municipal de Tbilissi. « L’événement a réuni d’éminentes figures spirituelles et académiques pour rendre hommage au patrimoine géorgien et affirmer la continuité de la tradition royale », explique la Maison royale dans son communiqué. Parmi ces personnalités se trouvait Roin Metreveli, président de l’Académie nationale des sciences de Géorgie.

Les plus hautes autorités religieuses étaient représentées, en la présence du patriarche locum tenes, le métropolite Shio Mujiri. Le catholicos-patriarche de toute la Géorgie est Élie II, depuis 1977. Toutefois, le primat de l’Église orthodoxe géorgienne a nommé patriarche locum tenens Shio Mujiri en 2017. Le patriarche locum tenens est le patriarche intérimaire qui fait fonction durant la période de transition après le décès du patriarche. Il s’agit de la première fois de l’histoire que le patriarche désigne de son vivant celui qui assurera l’intérim après sa mort. Le métropolite Daniel du diocèse de Tchiatoura et Satchkhéré était également présent à cette séance ainsi que le métropolite Anania du diocèse de Manglissi et Tetritskaro.

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La guerre dynastique aura lieu dorénavant entre ex-époux
« Dans une déclaration historique, Son Éminence le métropolite Anania a officiellement réaffirmé le Décret n°2, émis en 2009 par feu le prince héritier Nugzar Bagration », explique la Maison royale. « Ce décret désigne sa fille aînée, la princesse Anna, comme héritière légitime et successeure en tant que cheffe de la Maison Royale. Cette annonce solennelle marque une pleine reconnaissance du rôle de la princesse Anna par les milieux ecclésiastiques et scientifiques de Géorgie. »

La princesse Irina et le prince Giorgi, deux des trois enfants de la princesse Anna, étaient présents. La princesse Irina est l’aînée, âgée de 22 ans, et est issue du premier mariage de la princesse Anna avec l’architecte Grigoriy Malania, lui-même un descendant du roi George XII par ses ancêtres maternels. Les deux filles issues de ce mariage portent le nom Bagration-Gruzinski de leur mère. Le prince Giorgi, 13 ans, est l’unique fils issu du deuxième mariage d’Anna. « La conférence s’est conclue dans une atmosphère paisible et respectueuse, soulignant le rôle unificateur de la Maison Royale dans l’histoire géorgienne et le soutien renouvelé à la direction de la princesse Anna ».

Pour de nombreux observateurs, le décès du prince Nugzar viendrait mettre un terme à la guerre dynastique entre les deux branches de la famille royale de Géorgie, pensant que le prince Giorgi succéderait à son grand-père, celui-ci étant le fruit de l’union de la princesse Anna Bagration-Gruzinski et du prince Davit Bagration-Moukhrani. Deux ex-époux qui se disputent dorénavant la prétention au trône.

La princesse Anna est une descendante des rois de Kakhétie et des rois de Karthli. Les deux royaumes géorgiens ont fusionné en 1762, sous Héraclius II. Son fils, Georges XII sera le dernier souverain du royaume de Kakhétie-Karthli (Géorgie), avant son annexion à l’Empire russe en 1800. La prétention au trône de Géorgie est disputée depuis longtemps entre la branche Gruzinski, descendante du dernier roi Georges XII et la branche Moukhrani, descendante d’une branche cadette des princes de Moukhran. Bien qu’étant une branche cadette, les Moukhrani sont devenus la branche sénior de toute la dynastie Bagration au début du 20e siècle. Cette branche descend aussi du roi Héraclius II par son fils cadet.

Le prince Nugzar n’ayant eu que deux filles, la succession dynastique était une préoccupation au sein de la famille. La princesse Anna, alors divorcée et mère de deux filles, a épousé en 2009, son cousin de la branche Moukhrani, le prince Davit, qui est l’autre prétendant au trône de Géorgie. Anna et Davit ont eu un fils, le prince Giorgi, né en 2011. Au baptême de Giorgi en 2013, dirigé par le patriarche Élie II de Géorgie, à la cathédrale de Mtskhéta, son grand-père, le prince Nugzar était présent, ce qui poussait à croire qu’il considérait son petit-fils comme son héritier dynastique. Anna et Davit ont divorcé en 2013.
Depuis l’indépendance de la Géorgie en 1991, les tourments politiques du pays ont réveillé des intentions monarchiques, ce qui a également cristallisé la querelle dynastique, dans l’éventualité d’un retour à la monarchie. En octobre 2007, le patriarche Élie avait prononcé un important sermon à la télévision, dans lequel il s’était prononcé en faveur de la restauration de la monarchie, prenant pour exemple la réussite espagnole. Comme le rapporte Eurasianet, le patriarche avait déclaré que « les monarchies constitutionnelles occidentales agissent comme des garanties de stabilité et d’unité nationale. Le roi régnera, il ne gouvernera pas ». La querelle dynastique entre les deux branches a jusqu’ici empêché d’avoir un consensus sur le candidat au trône qui satisfasse les deux parties.
Le royaume de Géorgie en tant que tel est un royaume médiéval ayant existé de 1010 à 1490. Par la suite, le territoire s’est divisé en plusieurs autres royaumes, principalement l’Iméréthie, le Karthli et la Kakéthie. Hiéraclius II, roi de Kakhétie depuis 1744, devient aussi roi de Karthli en 1762. Il régnera ainsi sur les deux territoires de Géorgie orientale, à présent réunis sous une même couronne, raison pour laquelle ce royaume est parfois simplement appelé royaume de Géorgie, bien qu’il s’agisse officiellement du royaume de Kartli-Kakhéthie. Son fils, Georges XII, fut le dernier roi de ce royaume annexé à l’Empire russe en 1800, et donc le dernier souverain de l’illustre dynastie des Bagrations.