L’Italie refuse de rendre au prince Emmanuel-Philibert les bijoux de la Couronne : le prince de Venise se tourne vers la Cour européenne des droits de l’homme

Le prince Emmanuel-Philibert de Savoie a perdu son procès contre l’État italien. Le petit-fils du dernier roi d’Italie n’a pas obtenu gain de cause devant le tribunal civil de Rome. Le prince et ses tantes souhaitaient récupérer les bijoux de la famille royale que le roi Humbert II avait confiés à la Banque d’Italie avant son exil. L’avocat du prince Venise annonce qu’après cette défaite juridique, la famille royale est prête à se tourner vers la Cour européenne des droits de l’homme.

Lire aussi : Le prince Emmanuel-Philibert de Savoie aux funérailles du pape François avec le prince Charles de Bourbon des Deux-Siciles

Le tribunal de Rome ne considère pas les bijoux comme des joyaux personnels de la famille de Savoie

C’est une terrible – mais prévisible – déconvenue pour la famille royale italienne, aujourd’hui représentée par le prince Emmanuel-Philibert de Savoie, 52 ans, fils unique du seul fils du roi Humbert II d’Italie. Le prince Emmanuel-Philibert et ses tantes, la princesse Marie-Gabrielle, la princesse Marie-Pia et la princesse Marie-Béatrice s’étaient tournés vers la justice pour récupérer les trésors que le roi Humbert II avait confiés à la Banque d’Italie en 1946, après l’abolition de la monarchie par référendum.

Le prince Emmanuel-Philibert de Savoie et ses tantes ont perdu leur procès en Italie, suite au verdict rendu par le tribunal de Cour le 15 mai 2025 (Photo : Marco Piovanotto/ABACAPRESS.COM)

Lire aussi : Le prince Emmanuel-Philibert veut rapatrier ses grands-parents, le roi Humbert II et la reine Marie-José, en Italie

Dans les jours qui ont suivi le référendum, le roi Humbert II avait apporté les joyaux de la Couronne à la Banque d’Italie. Depuis lors, les bijoux sont gardés dans un caveau du palais Koch, le siège de la Banque d’Italie, situé au numéro 91 de la Via Nazionale à Rome. Ce coffre est ultra-protégé, scellé par 11 sceaux différents. Ironie du sort, Humbert II a remis les bijoux à Luigi Einaudi, gouverneur de la Banque d’Italie, qui sera le futur président de la République italienne.

Les bijoux sont conservés au palais Koch, le siège de la Banque d’Italie à Rome (Photo : Wikimedia Commons)

Ce 15 mai 2025, le tribunal de Rome a rejeté la demande de la famille royale, appuyant sa décision sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’objets personnels mais de « joyaux de la dotation de la Couronne ». Me Sergio Orlandi, qui représente la famille royale dans cette affaire, déplore la décision de la justice qui n’a pas tenu compte des propos que le gouverneur de la Banque d’Italie de l’époque écrivait lui-même dans son journal. « On peut considérer que les bijoux n’appartiennent pas à l’État, mais à la famille royale », écrivait le gouverneur de la Banque d’Italie et futur président dans un document écrit.

Lire aussi : Emmanuel-Philibert et Vittoria de Savoie réunis en mémoire du prince Victor-Emmanuel à la basilique de Superga

La famille de Savoie compte se tourner vers la Cour européenne des droits de l’homme

La famille de Savoie, ayant régné sur le royaume d’Italie de 1861 à 1946, souhaite toujours récupérer les 6732 pierres précieuses et 2000 perles de ce trésor. « Les héritiers de Sa Majesté le roi d’Italie Humbert II s’attendaient à ce verdict », explique l’avocat des Savoie. Me Sergio Orlandi annonce donc que ses clients vont à présent se tourner vers la Cour européenne des droits de l’homme pour faire entendre leurs droits.

Luigi Einaudi, gouverneur de la Banque d’Italie et président de la République italienne à partir de 1948 (gauche), et Humbert II, dernier roi d’Italie (droite) (Photos : Wikimedia Commons/Domaine public)

Lire aussi : Le prince Emmanuel-Philibert perpétue des siècles de traditions en tant que nouveau grand maître des ordres dynastiques à Rome

En 2021, l’ancienne famille royale a fait pour la première fois une demande officielle de restitution des bijoux, qui a été immédiatement rejetée. En 2022, la véritable bataille juridique a donc commencé. Les descendants du dernier Roi ont attendu plusieurs décennies avant de réclamer la restitution du coffre, par peur de compromettre leurs relations avec l’État italien. Rappelons que la famille était contrainte à l’exil jusqu’en 2003. Cependant, plusieurs de ces bijoux étaient des biens personnels, soit des cadeaux reçus soit des biens achetés avec leur propre argent et non des bijoux obtenus par l’argent affecté à l’exercice des fonctions du roi. Le roi Humbert II a indiqué textuellement dans l’accord passé avec la Banque d’Italie que ses bijoux reviendraient « à qui de droit », une mention qui porte aujourd’hui à interprétation.

Que contient réellement ce coffre à la Banque d’Italie ? La reine Margherita (1851-1926), photographiée ici, est connue pour sa somptueuse collection de bijoux (Photo : ARCHIVIO GBB / Alamy / Abacapress)

Un des arguments non négligeables de l’histoire est qu’actuellement, et depuis 75 ans, ces joyaux sont cachés dans un coffre et que personne ne peut en profiter. Une tentative de les exposer à l’occasion des Jeux olympiques de Turin avait échoué. Les scellés ont été brisés, en 1976, à la demande d’un procureur de Rome qui souhaitait réaliser un inventaire et vérifier qu’aucun bien n’était manquant. Des informations se contredisent ensuite. Corriere della Sera avait publié un article en 2021 qui avait été ensuite corrigé par un droit de réponse de Gianni Bulgari en personne. Selon le dirigeant de la maison Bulgari c’est dans les années 60 qu’il a été réquisitionné pour expertiser les bijoux et non en 1976.

En novembre 2021, Gianni Bulgari a écrit au Corriere della Sera pour apporter sa version et corriger ainsi les estimations trop généreuses. « Dans les années 1960, j’ai été convoqué à la Banque d’Italie pour voir ce qui était considéré comme le trésor de la Maison de Savoie. Aucune évaluation ni catalogage n’ont été effectués, mais l’impression que j’ai eue de cette visite était celle d’objets d’une qualité et d’une valeur étonnamment modestes », écrivait alors le dirigeant de la célèbre maison Bulgari. « Il n’y avait pas de pierres de couleur, d’émeraudes, de rubis, de saphirs ou même de diamants de quelque valeur que ce soit. Je ne suis pas au courant que Bulgari ait fait une évaluation en 1976. Je suis incapable de donner des chiffres par cœur mais je peux confirmer que leur valeur actuelle ne pourrait pas dépasser au maximum quelques millions d’euros ».

D’autres experts évaluent le trésor à 300 millions d’euros, si on se base sur la vente récente d’autres anciens diadèmes de la famille royale, dont les prix se sont envolés et qui étaient nettement supérieurs aux prix de la mise en vente. Par exemple, en mai 2021, un diadème appartenant à la Maison de Savoie, composé de onze perles naturelles et de diamants, avait été vendu aux enchères par Sotheby’s. Ce bijou appartenant à l’épouse d’Amédée 1er de Savoie, qui avait donc échappé au dépôt à la Banque d’Italie, avait atteint la somme d’1,6 million de dollars.

Avatar photo
Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr