L’argent des Windsor est un sujet qui fait fréquemment la une de l’actualité et attire les curiosités. Bien que le duché de Lancastre et le duché de Cornouailles – des fiducies gérant un portefeuille d’actifs appartenant au souverain et à son héritier – soient des entités transparentes, une récente enquête permet de mieux comprendre comment le roi Charles III et le prince William s’enrichissent en tant que propriétaires. L’année dernière, le père et le fils ont empoché à deux environ 61 millions d’euros grâce à leurs loyers provenant d’écoles, de commerces, de parkings ou encore d’une prison et de péages routiers.
Lire aussi : Voici combien a gagné le prince William pour sa première année complète en tant qu’héritier du trône
Les deux duchés royaux : la mine d’or du roi Charles III et du prince William
Le Duchy of Lancaster (duché de Lancaster) et le Duchy of Cornwall (duché de Cornouailles) sont les deux entités qui gèrent les propriétés acquises par les monarques et les héritiers du trône britannique en 750 ans. Les deux entités, bien qu’appelées des duchés, ne sont pas des territoires mais des gestionnaires d’actifs, à ne pas confondre avec le comté de Lancashire et le comté de Cornouailles qui sont des territoires administratifs. Les deux duchés sont les sources de revenus du roi Charles III, 75 ans, et du prince William, 42 ans. Les autres membres actifs de la famille royale ne touchent pas de revenus.
Lire aussi : La princesse de Galles assure son premier engagement sur le terrain avec le prince William
Une grande enquête de cinq mois, réalisée conjointement par The Sunday Times et Channel 4, donne un aperçu plus précis de la façon dont le souverain et son héritier s’enrichissent chaque année. Le fonctionnement des deux duchés est connu de tous et ses chiffres financiers apparaissent chaque année dans les bilans comptables des deux sociétés. Toutefois, cette enquête permet de s’intéresser plus précisément aux bailleurs du roi Charles et du prince William, soulignant parfois d’étranges coïncidences, notamment entre des locataires qui sont aussi des associations qui bénéficient d’un patronage royal.
Depuis la conquête normande au 11e siècle, les rois anglais ont acquis des territoires et des propriétés dans tout le pays. Au fil des siècles, le souverain a réparti ses biens avec son héritier. La famille royale, qui fut aussi propriétaire des biens de la Couronne et d’un ensemble de châteaux et palais, a cédé une partie de ses biens à l’État au 18e siècle. En 1760, le roi George III – considéré comme un mauvais gestionnaire – céda les propriétés royales à l’État. Cet ensemble d’actifs, appelé le Crown Estate, rapporte des centaines de millions de livres par an au Trésor britannique, qui en échange, rétrocède un pourcentage à la Maison royale, qui s’en sert pour financer les activités officielles de la famille royale. La valeur totale des actifs du Crown Estate avoisinait les 16 milliards de livres sterling en 2023.
La famille royale britannique ne s’est séparée que des principales demeures royales, gérées aujourd’hui par le Crown Estate. Le roi et son héritier sont restés les propriétaires de leur duché respectif, ceux-ci étant considérés comme peu rentables à l’époque. Grâce aux investissements et aux projets immobiliers intéressants, les 5410 propriétés des deux duchés (3536 pour le duché de Lancastre et 1874 pour le duché de Cornouailles) rapportent des dizaines de millions de livres par an à leurs propriétaires. Ainsi, le roi Charles III a empoché 27,4 millions de livres (environ 32,7 millions d’euros) en 2023 grâce à ses revenus locatifs, tandis que le prince William a gagné 23,6 millions de livres (environ 28,1 millions d’euros) avec son duché. Le roi et son héritier sont exemptés d’impôts. Tous les deux ont toutefois choisi de payer volontairement leurs impôts malgré l’exemption à laquelle ils ont droit. La valeur totale des actifs du duché de Lancaster évolue autour des 650 millions de livres (environ 775 millions d’euros) en fonction des années, et la valeur des actifs cumulés du duché de Cornouailles a atteint 1,26 milliard de livres (1,5 milliard d’euros) en 2023.
Lire aussi : Le prince William s’engage à construire des logements sociaux dans son Duché de Cornouailles
Le roi Charles et le prince William touchent un loyer des 5410 propriétés qui couvrent 7300 hectares
Cette nouvelle enquête détaille la liste des 5410 propriétés possédées par le monarque et son fils. Outre des forêts, des terrains et des habitations privées, on trouve des bailleurs plus originaux, comme une école de surf, des terrains de cricket et de golf ainsi que diverses sociétés commerciales. La possession des terres permet de tirer des revenus originaux. En plus des divers loyers, Charles et William peuvent tirer des revenus de la gestion des égouts ou encore des péages des routes et des ponts qui traversent leurs terres. En fonction des contrats établis, ils peuvent demander un pourcentage sur les revenus issus de l’exploitation des forêts, des fermes, des terres agricoles, des mines ou de toute activité commerciale qui génère un bénéfice. Certaines lois ancestrales permettent notamment de percevoir un revenu sur les bénéfices réalisés par l’exploitation de certaines côtes. On sait aussi depuis plusieurs années que les revenus les plus importants du duché de Lancastre proviennent de la gestion des parcs éoliens offshore. En effet, grâce à une loi féodale, le duché de Lancastre peut faire payer les câbles traversant l’estran de certaines côtes aux différentes compagnies d’énergie qui exploitent les parcs éoliens.
Selon cette enquête, les 5410 propriétés couvriraient une surface totale de 180 000 acres, soit environ 728 kilomètres carrés. Parmi les bailleurs qui attirent l’attention de la presse, il y a le NHS (le service de santé publique britannique) qui loue un entrepôt d’ambulances. Ce bail, signé pour 15 ans, exige un loyer annuel de 829 000 livres sterling (soit environ 988 000 euros) au duché de Lancastre. Le ministère de la Justice est lui-même un locataire du roi et lui reverse un loyer pour utiliser la prison de Dartmoor. L’enquête parle aussi d’un bâtiment situé à Londres qui abrite plusieurs sociétés, y compris des associations. Les associations Marie Curie et MacMillan, toutes deux locataires de la Camelford House, paient ainsi un loyer au duché. Ce sont aussi deux associations auxquelles le roi Charles apporte son patronage.
Le duché de Cornouailles a facturé à la Royal Navy plus d’un million de livres pour la construction et l’utilisation de certaines jetées et l’amarrage de navires de guerre. Le duché a également gagné plus de 600 000 livres grâce à la construction d’une caserne de pompiers et devrait obtenir près de 600 000 livres grâce à des accords de location avec six écoles publiques. L’enquête souligne aussi qu’environ 14% des logements mis en location par les deux duchés ont une performance énergétique de F ou G. Il est illégal depuis 2020 de proposer en location des biens ayant une cote inférieure à E. The Guardian rapporte la déclaration officielle du duché de Lancastre à ce sujet : « Plus de 87 % de toutes les propriétés louées par le duché sont classées E ou plus. Les autres sont soit en attente de travaux d’amélioration programmés, soit exemptées de cette obligation en vertu de la législation britannique. »
Bien que cette enquête ne fasse pas de révélation fracassante et qu’elle ne révèle aucune suspicion de fraude de quelque nature que ce soit, elle réveille une fois de plus la classe politique qui souhaite réformer ces deux fiducies. Les principales demandes concernent notamment le fait d’imposer les deux duchés car leurs activités sont considérées comme déloyales par rapport à leurs concurrents. Cette demande est soutenue par la baronne Margaret Hodge, ancienne présidente de la commission des comptes publics de la Chambre des communes. L’autre proposition concerne un transfert des propriétés des deux duchés vers le Crown Estate.