Élisabeth de Belgique découvre la tombe de Toutânkhamon

Le 9 février 1923, la reine Elisabeth, accompagnée de son fils Léopold de Belgique, embarqua à bord du train royal pour rejoindre l’Égypte. Son voyage inopiné, qui retiendra la souveraine belge à l’étranger pendant plusieurs semaines, fut organisé dès que Sa Majesté apprit par la lecture d’un article de son ami Jean Capart, que la tombe de Toutânkhamon avait été découverte. La reine Elisabeth, née Elisabeth von Wittelsbach, duchesse en Bavière, était une vraie passionnée d’égyptologie. Au point tel qu’elle fut l’une des premières personnalités à visiter le tombeau du roi d’Égypte.

La reine Elisabeth de Belgique et son ami, Jean Capart, égyptologue belge, qui ressortent du tombeau de Toutânkamon lors de leur première visite le 18 février 1923 (Crédits : Archives du Palais royal)

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La passion de la reine Elisabeth de Belgique pour l’Égypte

Elisabeth de Wittelsbach aimait l’Égypte depuis toujours, passionnée par les histoires des pharaons et des rituels parfois mystérieux et magiques, qui entouraient le culte de la mort de leurs rois. Elle se rendit pour la première fois dans le pays avec sa tante, l’impératrice Sissi. Puis elle y retourna à plusieurs occasions, notamment en 1911 avec son époux, Albert 1e de Belgique, un an à peine après être monté sur le trône belge. Mais c’est très certainement son voyage de 1923 qui restera le plus connu de ses voyages.

La reine Elisabeth photographiée en Égypte lors de son voyage en 1923 (Crédits : histoiresroyales.fr)

La reine Elisabeth sur les traces de Toutânkhamon

Le 4 novembre 1922, l’égyptologue britannique Howard Carter découvre l’entrée de la tombe de Toutânkhamon. Les fouilles, l’excavation et les recherches à l’intérieur de la sépulture durent plusieurs jours, soutenues financièrement par le mécène de Carter, Lord Carnarvon. Ce dernier, averti par télégramme de la découverte se met en route pour rejoindre l’Égypte. Les travaux sont interrompus jusqu’à son arrivée le 23 novembre, puis ils reprennent. Lorsque les fouilles permettent d’arriver jusqu’à la troisième chambre funéraire, le 28 novembre, Carter et Carnarvon rebouchent la porte afin d’attendre l’arrivée de l’inspecteur des Antiquités, qui devait authentifier l’ouverture et procéder officiellement à l’ouverture de la chambre. Cet événement est prévu pour le 17 février 1923. Dès le 29 novembre la nouvelle de la découverte est rendue publique et le 30 novembre The Times y consacre un article. Le monde entier va peu à peu être au courant de la découverte de la sépulture.

En Belgique, c’est l’égyptologue Jean Capart qui écrivit le premier un article dans le journal Le Flambeau. La Reine fut folle de joie en lisant la nouvelle et elle fait bien vite savoir à son ami et aux autorités, qu’elle veut être présente sur place, le 17 février, pour l’ouverture de la chambre. « J’ai toujours été une femme de passions. Certaines sont connues, d’autres moins. Ainsi en va-t-il de ma passion pour l’Égypte ancienne ! Cette passion, je la partageais avec le professeur Jean Capart. Nous avions le même âge et nous nous entendions à merveille », écrira la reine. Les autorités égyptiennes ont eu vent du souhait de la reine des Belges de s’y rendre et le roi Fouad organisa sa venue, avec l’aide du Haut-Commissaire britannique Lord Allenby.

Le 5 février 1923, le journal belge La Libre annonce que la reine va quitter le territoire : « La Reine va entreprendre d’ici quelques jours un assez grand voyage dans l’espoir de rendre visite à un roi. Elle ne le rencontrera d’ailleurs qu’à l’état de momie ». Le 9 février, la reine embarque à bord du train royal à Bruxelles. Elle est accompagnée du prince Léopold, futur Léopold III, et bien sûr de Jean Capart. Le trajet dura 6 jours.

Le 18 février 1923, Elisabeth de Belgique pénètre dans la chambre sépulcrale de Toutânkhamon

À Louxor, la Reine résida au Winter Palace et les délégations belge et égyptienne s’affairent à organiser la démolition officielle de la porte de la troisième chambre le 17 février, en présence de l’inspecteur et de Sa Majesté la Reine. Sauf qu’une fois le grand jour arrivé, la Reine se porta malade, pour cause de migraine, et ne se rendit pas dans la Vallée des Rois. Le mystère plane encore sur la raison officielle qui poussa Elisabeth à ne pas assister à l’ouverture de la chambre, elle qui venait de traverser une partie du monde à la hâte pour vivre cet instant.

L’une des théories dit que la Reine voulait échapper à la malédiction de Toutânkhamon, qui s’abattrait sur tous ceux qui auraient violé sa sépulture. L’autre théorie est celle que la Reine voulait vivre ce moment privilégié de façon plus intimiste, loin de l’agitation médiatique et des cérémonies officielles prévues pour le jour-J. Malgré ce petit malaise diplomatique, le choix de la Reine fut respecté et c’est dès le lendemain, le 18 février, qu’elle pénétra dans la sépulture du pharaon Toutânkhamon, mort à 18 ans après dix ans de règne, il y a plus de 3000 ans.

Photo prise à la sortie de la gare de Louxor, le 18 février 1923. La reine Elisabeth et son fils, le prince héritier Léopold, rejoignent le tombeau de Toutânkhamon avec un jour de retard (Crédits : Collection privée via histoiresroyales.fr)

Concernant la malédiction, la Reine écrira plus tard que c’est Lady Allenby, épouse du Haut Commissaire britannique qui l’alertera du danger mystérieux. « (Elle) nous apprit que Lord Carnarvon était atteint d’un “mal mystérieux”. Se tournant vers Léopold, elle lui fit cette étrange prédiction : “Tous ceux qui ont pénétré dans le tombeau de Toutânkhamon – vous compris – connaitront une mort rapide”. Avec le recul, je concède que mon fils et mois avons connu des vies bousculées. Au moins nous n’avons pas connu une mort rapide. La Malédiction de Toutânkhamon nous aurait-elle épargnés ? ». Lord Carnarvon mourut, lui, le 5 avril 1923, soit moins de deux mois après l’ouverture du tombeau.

Dans la Vallée des Rois, la Reine Elisabeth vécut son rêve. Son séjour s’est prolongé afin de continuer ses visites en Égypte mais aussi de retourner à plusieurs reprises sur le site, quitte à parfois agacer les chercheurs par son intérêt insistant. Elle retourna dans le tombeau le 21 et le 25 février, puis le 9 mars.

La reine Elisabeth photographiée lors de l’une des visites de février 1923. Elle est assise devant l’escalier du tombeau. Debout à sa droite, Lady Evelyn Herbert, et à sa gauche Jean Capart. Le prince Léopold est dos tourné, sur les marches (Crédits : Archives du Palais Royal)

Elle recevra en cadeau un fragment découvert sur le site et repartira finalement en train, quelques jours plus tard. Le 27 mars 1923, soit 7 semaines après son départ de Bruxelles, elle quitte Thèbes pour rejoindre Le Caire. Le 28 mars, elle effectue Le Caire-Alexandrie.

Livret du train spécial de la reine Elizabeth lors de son trajet de retour, entre Le Caire et Alexandrie le 28 mars 1923 (Crédits : Archives du Palais royal via histoiresroyales.fr)

De retour en Belgique, la Reine continua à suivre l’avancement des fouilles à distance. Un ensemble d’échanges épistolaires entre la Reine et Capart prouve l’intérêt que Sa Majesté a continué à porter aux fouilles. En septembre 1923, elle créa la Fondation égyptologique Reine Élisabeth, avec à sa tête Jean Capart. Aujourd’hui, cette entité existe toujours sous le nom d’Association égyptologique Reine Élisabeth.

La reine Elisabeth prolonge son séjour en Égypte pendant plusieurs jours (Crédits : histoiresroyales.fr)

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Le voyage en Égypte des souverains belges en 1930

Il faudra attendre 7 ans pour que la Reine Élisabeth remette les pieds dans la tombe du jeune pharaon. Cette fois-ci, elle prend avec elle son époux. Le roi Albert 1e et sa femme embarquent à Gênes, en mars 1930, afin de commémorer l’anniversaire de la présence de la Reine lors de l’ouverture de la chambre. Lors de ce voyage, les souverains belges effectueront de nombreuses visites officielles au Caire, puis ils participeront à différentes fouilles archéologiques et bien évidemment, ils retourneront dans la chambre de Toutânkhamon. Albert et Elisabeth visitent la tombe de Ramsès 1e, Elisabeth continue plusieurs visites pharaoniques tandis que son époux a droit à un programme plus protocolaire et politique avec le Premier ministre Paul Hymans. La Reine visite Karnak, Memphis, toujours accompagnée de sa dame de la cour, la comtesse de Caraman-Chimay et de Jean Capart, qui était aussi du voyage.

Comme en atteste le journal de la Reine, qui prend note de toutes ses visites, le 24 mars 1930, elle pénètre à nouveau dans le tombeau de Toutânkhamon : « Lundi 24 mars 1930, après-midi, Vallée des Rois. 1. Tombe de Tout-ankh-Amon avec Mr Carter. 2. Laboratoire dans la tombe de Sethi II. Le beau couvercle en ivoire, le roi et la reine dans un jardin, les petits instruments en métal. 3. Tombe de Ramses I, escalade de la montagne ».

Notes personnelles de la reine Elisabeth lors de sa journée du 24 mars 1930 (Crédits : Archives du Palais Royal via histoiresroyales.fr)

De cette visite commémorative, le 24 mars 1930, la Reine reçut un petit cadeau. Il s’agit de deux minuscules répliques d’instruments aratoires en bronze, retrouvés dans le trousseau funéraire de Toutânkhamon.

Répliques miniatures en bronze d’outils aratoires en bronze trouvés dans le tombeau, offerts à la reine en cadeau, lors de sa visite commémorative dans le tombeau de Toutânkhamon. (Crédits : Musée du Cinquentenaire via histoiresroyales.fr)

Sources : Jean Capart, Toutankhamon, Vromant, 1923. Photos et informations prises lors de la visite de l’exposition « Toutankhamon, à la découverte du pharaon oublié », à la gare des Guillemins, à Liège.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr