Qui pourra remplacer Charles III pendant son traitement ?

L’annonce du cancer du roi Charles III a soulevé beaucoup de questions au Royaume-Uni et dans le monde entier. Si le roi Charles devait se trouver temporairement en incapacité de régner, qui pourra le remplacer ? Faut-il instaurer une régence ? Quel est le rôle des Conseillers d’État ?

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Que dit le Regency Act de 1937 ?

Jusqu’en 1937, la régence du trône se faisait au cas par cas, en fonction de la configuration de la famille royale et de la gravité de l’incapacité du souverain. En 1937, un an après être monté sur le trône, le roi George VI a promulgué le Regency Act, la première loi qui détermine de façon permanente les conditions spécifiques de la mise en place d’une régence. La loi, amendée à plusieurs reprises, sert toujours de base aux règles en vigueur aujourd’hui.

Le roi Charles III devra-t-il désigner des Conseillers d’État pour le remplacer durant son traitement ? (Photo : Samir Hussein/PA Wire/Handout)

Le 5 février 2024, le palais de Buckingham a annoncé que le roi Charles III, 75 ans, avait appris qu’il était atteint d’un cancer. Il a également débuté son traitement dans la foulée. Le palais n’a pas communiqué sur la forme de cancer ni sur sa gravité. Selon des sources proches, le diagnostic est relativement précoce, ce qui permet d’espérer un traitement plus rapide. Toutefois, le roi Charles a annulé tous ses engagements publics. Il maintient ses obligations administratives constitutionnelles et ses rendez-vous privés, notamment ses entretiens hebdomadaires avec le premier ministre.

Qu’adviendrait-il si le roi Charles III se trouvait en incapacité d’assister à un événement public obligatoire, par exemple l’ouverture de l’année parlementaire ? Le Regency Act prévoit la mise en place d’une régence dans deux cas : la minorité du souverain ou son incapacité totale à régner. La règle simple est la suivante : le régent est la première personne qui figure dans l’ordre de succession, donc l’héritier. Si l’héritier est mineur, le régent est le 2e dans l’ordre de succession, et à défaut le 3e, ainsi de suite jusqu’à la première personne majeure dans l’ordre de succession. Il faut que trois des cinq personnes suivantes déclarent le souverain inapte pour mettre en place une régence : l’épouse du souverain, le Lord grand chancelier (soit en réalité le ministre de la Justice), le président de la Chambre des communes, le Lord juge en chef d’Angleterre (qui est le président des tribunaux du pays), et le Master of the Rolls (qui est le président de la division civile de la Cour d’appel).

En 1953, un amendement avait été voté afin d’exceptionnellement autoriser le prince Philip, duc d’Édimbourg, d’agir en tant que régent durant le règne de la reine Elizabeth II. Le couple avait alors encore des enfants en bas âge. Cette particularité a pris fin lorsque les enfants du couple ont atteint leur majorité. Il n’y a donc pas de place prévue pour l’épouse du souverain.

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Qui sont les Conseillers d’État ?

Dans le cas actuel, le prince William serait donc le régent, étant majeur et le premier dans l’ordre de succession. Si lui-même venait à décéder ou à se retrouver en incapacité, puisqu’aucun de ses enfants n’est majeur, ce serait son frère, le prince Harry qui deviendrait régent. La régence n’est mise en place que lorsque le monarque est jugé en incapacité définitive par trois des cinq personnes habilités à prendre cette décision. Le roi Charles est toujours capable de suivre les affaires courantes et de faire passer les lois.

Si le roi Charles se trouvait en incapacité d’assurer un engagement public obligatoire, en raison de son traitement ou de sa santé fragile, il devrait alors se faire remplacer. C’est ici qu’interviennent les Conseillers d’État. La formation d’un Conseil d’État est prévue depuis le Regency Act de 1937. Il s’agit d’un groupe de cinq personnes qui peuvent agir temporairement à la place du souverain, en raison d’une maladie temporaire ou d’un déplacement à l’étranger par exemple. Les Conseillers d’État sont cependant limités dans leurs fonctions. Ils ne jouissent pas de toutes les prérogatives du chef d’État. Ils remplissent uniquement la mission qu’il leur est donnée. Un ou deux Conseillers d’État peuvent être désignés en même temps.

Le prince de Galles devrait assurer la régence en cas d’incapacité définitive de son père et il fait aussi partie de la liste des sept personnes qui peuvent être désignées comme Conseiller d’État pour le remplacer temporairement (Photo : Geoff Robinson/Splash News/ABACAPRESS.COM)

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Les cinq Conseillers d’État sont automatiquement les quatre premières personnes dans l’ordre de succession, qui soient majeures et citoyens britanniques, ainsi que l’épouse du souverain. La reine Camilla peut donc agir en tant que Conseillère d’État, puis suivent les quatre personnes majeures dans l’ordre de succession au trône. À l’heure actuelle, il s’agit du prince William, du prince Harry, du prince Andrew et de la princesse Beatrice.

En raison de la configuration actuelle de la famille royale, le roi Charles III a rapidement fait passer un amendement au début de son règne. Le souverain a demandé la permission au Parlement d’ajouter deux personnes supplémentaires à la liste des Conseillers d’État. Permission qui lui a été accordée fin de l’année 2022. En effet, le prince Harry vit aux États-Unis, ce qui l’empêcherait de remplacer au pied levé le souverain. De plus, le duc de Sussex n’exerce plus d’activité officielle au nom de la Couronne. Notons aussi qu’aujourd’hui le prince Harry est toujours officiellement résident britannique, ce qui est une condition sine qua non pour être Conseiller d’État. S’il devient un résident américain, il ne figurera plus dans la liste des Conseillers d’État. Le prince Andrew a été démis de ses fonctions en raison d’affaires judiciaires et sa fille aînée, la princesse Beatrice, ne travaille pas pour la Couronne. C’est pourquoi, le Parlement a accepté la proposition du roi Charles d’ajouter sa sœur, la princesse Anne, et son plus jeune frère, le prince Edward, à la liste des Conseillers d’État.

Le roi Charles peut donc choisir parmi ses sept Conseillers d’État lesquels pourront le remplacer temporairement. La dernière fois que des Conseillers d’État ont assuré leurs fonctions date de mai 2022. En raison de l’état de santé de la reine Elizabeth II, la souveraine avait nommé son fils, Charles, pour la remplacer lors de la traditionnelle cérémonie d’ouverture parlementaire, un acte constitutionnel durant lequel le monarque doit lire un discours devant les deux chambres réunies. Charles, encore prince de Galles, avait donc lu le discours à la place de sa mère. Elizabeth II avait également nommé le prince William comme Conseiller d’État ce jour-là, afin qu’il seconde son père. Habituellement, Charles lui-même secondait Elizabeth II lors de cette cérémonie.

Les amendements au Regency Act sont fréquents, permettant d’ajuster la liste des Conseillers d’État en fonction du nombre de membres au sein de la famille royale. Par exemple, au décès de George VI, le parlement avait accepté que sa veuve, la reine mère Elizabeth, puisse continuer à figurer dans la liste des Conseillers d’État. La loi d’origine ne donne normalement aucun rôle au parent survivant du monarque.

Pour être complet, il existe aussi une différence entre le rôle de régent et celui de gardien légal ou tuteur. Le régent est le remplaçant du souverain en ce qui concerne ses fonctions de chef d’État alors que le tuteur est la personne qui gère les affaires privées d’une personne en incapacité. Si la régence est déclarée en raison d’un souverain mineur, son gardien légal sera son parent survivant (logiquement au moins un des deux parents doit être décédé sinon il ne deviendrait pas souverain). S’il n’a plus aucun parent en vie ou si le parent survivant est lui-même en incapacité, le régent devient aussi le gardien légal du souverain mineur. Dans le cas d’une régence pour incapacité d’un souverain adulte, son gardien légal sera son épouse. Si le souverain est célibataire (veuf) ou si l’épouse est elle-même en incapacité, le régent devient aussi le gardien légal.

Les différents cas de figure en 2024 : Si le roi Charles III décède, son fils, William devient le nouveau Roi. Si le roi Charles III est temporairement en incapacité de régner, il peut nommer un ou deux Conseillers d’État pour le remplacer, parmi la liste des sept Conseillers d’État actuels (à savoir la reine Camilla ainsi que les quatre premiers adultes dans l’ordre de succession, auxquels s’ajoutent le prince Edward et la princesse Anne). Si Charles était déclaré en incapacité à régner de façon définitive, le prince William deviendrait régent. Si au cours de sa régence (avant le 22 juillet 2031), William venait à décéder ou était en incapacité, ce serait son frère, le prince Harry qui serait régent, pour peu qu’il corresponde toujours aux critères de résidence. À défaut, ce serait son oncle, le prince Andrew. À partir de juillet 2031, son fils George pourra devenir régent car il sera majeur. Si George venait à monter sur le trône avant 2031 (suite au décès de son grand-père et de son père), une régence devrait être mise en place et ce serait au prince Harry de l’assurer. La princesse Catherine serait toutefois la tutrice légale de son fils. Autre détail, le régent ou le Conseiller d’État doit avoir au moins 21 ans pour être éligible, sauf si celui-ci est l’héritier direct ou l’héritier présomptif (donc ici, William et George), l’âge est alors de 18 ans.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr