John Cecil Clunies-Ross est décédé à Perth. L’ancien roi déchu est mort nonagénaire en Australie, pays auquel ses sujets avaient voté l’annexion en 1984. Les Clunies-Ross ont régné pendant 5 générations sur les îles Cocos, un archipel à plus de 1000 kilomètres de Java. La famille Clunies-Ross a souvent été décriée pour avoir vécu entourée d’esclaves à son service dans le plantations de cocotiers. Celui que l’on surnommait le «roi aux pieds nus» était le cinquième de la dynastie.
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John Clunies-Ross s’installe sur une Terra nullius dans l’océan Indien
En 1825, John Clunies-Ross, un marin écossais de près de 40 ans jette les amarres dans un petit archipel de l’océan Indien, à 2700 km au nord-ouest de Perth, en Australie. Il revenait d’un voyage d’affaires dans les Indes orientales et pensait explorer l’île Christmas mais il amarra à 980 km au nord-est, à cause du mauvais temps.
En 1827, après avoir vérifié que ces îles étaient habitables, John Clunies-Ross y installe sa famille. Il y plante des centaines de cocotiers et va chercher des esclaves malais pour travailler dans les plantations. Les îles étaient à l’époque Terra nullius. Alors que le marchand commerçait avec l’Australie et Java (Indonésie) pour sa production de coprah, il tenta une annexion avec les Britanniques et les Néerlandais.
John Clunies-Ross s’autoproclama souverain des îles Cocos. Son fils John George Clunies-Ross lui succéda à sa mort en 1854 sous le nom de règne de Clunies-Ross II ou Ross II. Le souverain reçut aussi le titre local de Tua. Clunies-Ross II épousa une Malaisienne de la noblesse locale et vit en 1857 un bateau britannique arriver sur ses îles. Le capitaine Stephen Grenville Fremantle déclara les îles appartenir au gouvernement de Sa Majesté. Après quelques temps sur l’île, Fremantle part et la vie sur ces îlots ne change guerre. On n’entendra plus parler des Britanniques avant quinze ans.
Ross II meurt en 1871 et son fils, George Clunies-Ross lui succède. Ross III avait été envoyé en Écosse durant son enfance pour étudier. De retour dans les îles Cocos, il avait épousé, comme son père, une Malaisienne de haut rang. À partir de 1885, les Clunies-Ross recevront une visite annuelle de représentants britanniques. En 1886, la reine Victoria donne formellement les îles Cocos à la famille Ross «à perpétuité». Le règne féodal des Ross sur les îles Cocos fait l’objet de nombreuses critiques, principalement à cause de la traite d’esclaves dans les plantations de cocos.
Les Britanniques commencent à s’intéresser aux Cocos
En 1903, les Britanniques considèrent les îles Cocos comme faisant partie des Établissements du détroit, et donc des îles indonésiennes. Les décisions et les réaménagements administratifs des Britanniques à l’autre bout du monde ne modifient pas la vie aux îles Cocos et n’affectent aucunement le règne de la dynastie Clunies-Ross. En 1909, les îles connaissent leur plus grand désastre économique suite au passage d’un cyclone qui a emporté les arbres et les maisons avec lui.
En 1910 meurt Ross III. Son fils, John Sidney Clunies-Ross lui succède. Il connaitra la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle les îles serviront de base militaire aux Britanniques. Ross IV mourra d’une crise cardiaque lors d’un bombardement japonais sur l’île.
John Cecil Clunies-Ross, fils de Ross IV reviendra dans les îles Cocos peu de temps après la fin de la guerre. Ross V est le dernier roi des Cocos. En 1954, la reine Elizabeth II visite les îles et en 1955, celles-ci tombent sous un contrôle plus important des Australiens, qui établissent une présence permanente sur le territoire.
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Le référendum des îles Cocos et Ross V en exil
En 1965, un rapport secret du gouvernement australien compare la vie des travailleurs malais de l’île à celle d’esclaves qui travailleraient sur «la propriété d’un propriétaire d’esclaves bienveillant en Amérique du Sud». Le rapport secret a été rendu public en 1972 par le Daily Telegraph, dans un article qui avait pour titre « La vie de l’esclavage sur l’île ».
En 1974, les Nations Unions écrivent un rapport pour faire part de leur inquiétude quant à la souveraineté du territoire et aux libertés des habitants. En 1978, le gouvernement australien de Malcom Fraser oblige la famille à vendre les îles pour 6,25 millions de dollars australiens (environ 3,9 millions d’euros) ou à faire face à une acquisition forcée. Ross V accepte de vendre ses îles et il obtient toutefois le droit de rester propriétaire de sa maison et de ses terrains.
En 1984, un référendum est organisé dans les îles Cocos. Il est considéré comme le plus petit acte d’autodétermination du monde. Sur les 261 personnes ayant voté, 88,4% ont indiqué vouloir être annexées à l’Australie. Ross V avait fait campagne pour voter l’indépendance de ses îles. Seules 9 personnes ont voté pour l’indépendance.
En 2015, le roi déchu vend son palais, connu comme Oceania House. Le gouvernement australien acquiert le palais des Clunies-Ross pour moins d’un million d’euros. Une fois Oceania House vendue au gouvernement australien «John Clunies-Ross a quitté Cocos et s’est exilé à Perth, brisé et appauvri», écrit The Sydney Morning Herald.
Décès de John Cecil Clunies-Ross
Le journal The Australian annonce la mort de Ross V, dernier roi des îles Cocos, repérant une publication Facebook de son fils. John Cecil Clunies-Ross est décédé à Perth à près de 93 ans. Il y vivait en exil depuis 2015. «John Cecil “Tuan of Cocos” vient de décéder. Veuillez transmettre cette triste nouvelle à ses nombreux amis et à sa famille», a écrit ce lundi 13 septembre 2021 Johnny sur son profil Facebook.
Johnny Clunies-Ross, le fils du dernier roi, vit à nouveau dans l’archipel, sur l’île West. En 2007, l’héritier du royaume de corail répondait aux questions de la BBC. Il se souvenait du jour où son père avait dû céder son trône : «J’avais 21 ans et j’avais été élevé pour faire le travail. Mais même à l’époque du vieil homme, c’était devenu anachronique. Il fallait que ça change». Johnny et ses quatre frères et sœurs ont grandi dans la prestigieuse Oceania House, mais il vit maintenant dans un bungalow donnant sur la piste d’atterrissage. Ses ancêtres ont fait fortune grâce au commerce de la noix de coco, Johnny lui, gagne sa vie plus modestement en vendant des palourdes géantes. Le dernier roi avait 5 enfants et 12 petits-enfants.
Le fils du dernier roi a déclaré à The Australian que les affirmations répétées que son père était apparenté à un esclavagiste étaient absurdes. Il a dit que son père ne s’était jamais remis d’avoir été forcé de quitter Cocos. «Cela l’a brisé, il n’est jamais vraiment rentré à la maison», a déclaré John. « C’était le pouvoir du gouvernement contre une seule personne. Il y avait une précipitation pour changer les choses mais aucun plan, et Cocos doit toujours faire toujours face à ça, y compris un chômage massif.»
Malgré les critiques internationales quant aux conditions de vie des Malais sur l’île, les ancêtres ayant connu le règne de la dynastie Clunies-Ross sont plus partagés et moins critiques envers l’ancien roi et sa famille. Les salaires étaient bas, mais l’eau, l’électricité et la scolarité étaient gratuits. Certains anciens considéraient le roi déchu comme une figure paternelle bienveillante.
Les îles Cocos, parfois appelées Keeling pour les distinguer des autres îles Cocos dans le monde, totalisent un territoire de 14 km2 répartis sur 27 îles qui forment deux atolls principaux. Seules les îles Home et West sont habitées. Le territoire compte un peu plus de 600 habitants qui font administrativement et politiquement partie des Territoires extérieurs de l’Australie. Les îles Cocos ont connu un regain de popularité pendant la crise sanitaire, l’Australie ayant mis au point un pont sanitaire pour que les citoyens puissent y passer des vacances.