Le discours de Willem-Alexander des Pays-Bas à la 74e Assemblée générale des Nations Unies

Le roi Willem-Alexander a participé, tout comme la reine Mathilde de Belgique, à la 74e Assemblée générale des Nations unies à New York. Comme de nombreux chefs d’État, il y a rencontré António Guterres, secrétaire général des Nations unies et il a prononcé un discours dans lequel il a notamment souligné l’importance de la coopération multilatérale entre les États membres des Nations Unies pour la paix, la justice et le développement. Le roi Willem-Alexander était accompagné de son épouse, la reine Máxima et du Premier ministre néerlandais Mark Rutte.

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Le discours intégral du roi des Pays-Bas lors de la 74e Assemblée générale de l’ONU

(Traduction personnelle et libre. Le discours original en anglais est disponible ici.)

Monsieur le Président, Vos Excellences, Mesdames et Messieurs,
Au cours de cette Assemblée générale, tous les États membres des Nations Unies se font entendre. Je suis fier d’être dans cette salle, représentant le royaume des Pays-Bas. Un royaume qui comprend quatre pays autonomes situés dans la région européenne et dans les Caraïbes: les Pays-Bas, Aruba, Curaçao et Saint-Martin.
Nous connaissons à la fois les alizés des tropiques et les vents froids de la mer du Nord. Toute personne qui souhaite comprendre notre personnalité doit commencer par un concept qui touche le cœur de chacun dans notre royaume : la liberté. Au cours de la prochaine année, nous célébrerons le 75e anniversaire de notre libération de l’oppression et de la tyrannie. De la ville d’Amsterdam aux plus petits villages, il y aura des commémorations et des célébrations, de la part des jeunes et des moins jeunes.

La partie caribéenne du royaume se penchera également sur sa propre contribution à la lutte auprès des Alliés. Nous restons à jamais reconnaissants de nos alliés, à la fois en Europe et au-delà, des sacrifices qu’ils ont consentis pour notre bien. Ce souvenir collectif bouge et nous inspire encore aujourd’hui. Pour notre royaume, la liberté est liée à la coopération avec d’autres pays, fondée sur l’égalité, la justice, des relations honnêtes et le droit international. C’est pourquoi, nous avons participé à la construction de l’ONU depuis sa création et nous attendons avec impatience l’année prochaine le 75e anniversaire de l’ONU.

En tant que plateforme de gestion des conflits internationaux et de création d’opportunités pour les populations du monde entier, les Nations Unies n’ont pas de précédent dans l’histoire. Nous croyons en la coopération multilatérale. Le royaume des Pays-Bas est convaincu qu’une étroite collaboration au sein d’un partenariat d’États constitue la meilleure garantie de liberté, de sécurité et de prospérité pour tous.

La lutte contre la pauvreté et les inégalités se fait mieux en unissant ses forces au niveau international. Nous pensons qu’il est essentiel de le dire clairement à l’Assemblée générale, compte tenu des pressions qui pèsent sur cette coopération. Nous devrions chérir le système multilatéral et ses accords et règles internationaux comme une réalisation précieuse. Laissez-nous apprécier la valeur de ce qui a été soigneusement construit au fil des ans. Reconnaissons que nous avons besoin les uns des autres, comme nous le faisions il y a 75 ans. En fait, nous avons besoin les uns des autres plus que jamais. “L’avenir que nous voulons, l’ONU dont nous avons besoin”. C’est la devise de la session de l’année prochaine. Une devise qui donne matière à réflexion. Quel genre d’avenir voulons-nous?

Quiconque pose cette question à ses enfants obtiendra une réponse claire. Nos jeunes veulent un monde juste, propre et durable. Un monde qui leur donne la liberté de se développer individuellement et de découvrir qui ils sont. Un monde où personne n’est laissé pour compte et où personne ne doit craindre la violence, le besoin ou l’oppression. Si nous écoutons la voix des jeunes, il est clair que nous devons rechercher des solutions. Les objectifs de développement durable de l’ONU rapprocheront le monde imaginé par ces jeunes.

C’est pourquoi, il est essentiel de déployer toutes nos énergies pour les atteindre. Nous craignons que, dans plusieurs pays et régions, les jeunes risquent de perdre tout espoir d’un avenir meilleur. Le Venezuela, notre pays voisin de la partie caribéenne du royaume, en est un exemple. Nous espérons ardemment qu’il sera possible de sortir de l’impasse actuelle en organisant des élections libres et équitables.

Dans de nombreux endroits du monde, les gens ne sont pas libres d’être eux-mêmes. Dans de nombreux endroits, il n’ya pas de place pour la diversité. Pas de respect pour les droits et les opportunités des minorités. Pas d’égalité entre hommes et femmes. En conséquence, un terrain fertile pour l’instabilité perdure. Après tout, chaque être humain aspire à être reconnu. Si cette reconnaissance est niée, les tensions et les conflits sont inévitables.

Nous devons nous tenir fermement à la liberté de religion ou de conviction, y compris pour les minorités dans les lieux où la grande majorité professent une religion différente. Personne ne peut prescrire comment une autre personne devrait penser. Les chrétiens, les musulmans, les hindous, les juifs et les personnes sans convictions religieuses devraient pouvoir partout suivre leur propre conscience en paix.

Le royaume des Pays-Bas se félicite du fait que les droits des personnes lesbiennes, gays et transgenres, ainsi que des autres communautés minoritaires, soient légiférés dans de plus en plus d’endroits dans le monde. Nous espérons que cette tendance se poursuivra. Mais finalement, les mots doivent se traduire en actes. La lutte contre les discriminations, qu’elles soient ouvertes ou cachées, doit se poursuivre sur tous les continents.

Si nous voulons atteindre les Objectifs de Développement durable, nous devons protéger les droits de l’homme. Le royaume des Pays-Bas veut travailler avec vous tous pour défendre cet objectif. Nous avons donc annoncé notre candidature à un siège au Conseil des droits de l’homme des Nations unies de 2020 à 2022. Nous espérons avoir votre soutien lors des élections de cet automne.

Les droits de l’homme sont pour tout le monde. Même ceux qui ont commis des crimes et sont punis pour ceux-ci. Les gens ne sont pas infaillibles, ce qui signifie que l’administration de la justice n’est pas infaillible non plus. Une peine irréversible ne peut jamais être justifiée. La peine de mort est une violation du droit fondamental de l’homme à la vie. C’est la raison pour laquelle les Pays-Bas, avec tous les autres États membres de l’Union européenne, préconisent l’abolition de la peine capitale dans le monde.

Nous sommes profondément préoccupés par le sort des victimes de la guerre et de la violence. Tant de réfugiés, tant de personnes qui ont atteint le point de désespoir. Il est essentiel que les personnes dont les droits sont bafoués sachent que l’ONU est à leurs côtés. Le royaume des Pays-Bas participe activement aux efforts du Secrétaire général pour rendre les missions de paix des Nations Unies plus efficaces. L’initiative Action for Peacekeeping est un élément crucial de ce processus. Il est également important que nous prenions des mesures efficaces pour lutter contre le terrorisme et éliminer les facteurs qui l’alimentent. En tant que coprésident du Forum mondial contre le terrorisme, les Pays-Bas sont fermement attachés à cet objectif. Quiconque est coupable de génocide, de crime de guerre, de terrorisme ou de traite des êtres humains doit être tenu pour responsable. Le royaume des Pays-Bas est déterminé à lutter contre l’impunité.

Cette semaine, nous organiserons un événement visant à encourager les poursuites pénales à l’encontre des combattants de l’Etat islamique, de préférence dans la région où ils ont commis leurs atrocités. Nous poursuivrons également nos efforts pour renforcer la Cour pénale internationale, composante indispensable de l’ordre juridique international. Il est inacceptable que des individus responsables de crimes internationaux échappent à leur juste peine. Au sein de cette instance, je tiens à répéter que, aux termes de la résolution 2166 du Conseil de sécurité, tous les pays – y compris la Russie – doivent coopérer pleinement aux efforts visant à établir la vérité sur le vol MH17 qui a eu lieu le 17 juillet 2014. Les familles des 298 victimes attendent la justice, et nous ne nous reposerons pas tant que justice ne sera pas rendue.

Les droits de l’homme, la paix et les opportunités de développement pour tous sont les pierres angulaires de l’ordre mondial que nous cherchons à construire, et ils sont au cœur des objectifs de développement durable. Tout le monde mérite de pouvoir mener une vie décente et de trouver un répit en période d’adversité. À cette fin, les Nations Unies collaborent avec les États membres de différentes manières mais nous ne travaillons pas assez vite. À notre rythme actuel, nous n’atteindrons pas nos objectifs d’ici 2030, par exemple en matière de réduction des inégalités. Nous pouvons et devons accélérer nos efforts. La communauté internationale a montré par le passé qu’elle était capable de grandes choses.

Il y a trente ans, une personne sur trois vivait dans l’extrême pauvreté. Aujourd’hui, ce chiffre est d’un sur dix. Nous avons fait un énorme bond en avant en une génération seulement. Tirons-en le cœur et mettons toute notre énergie pour atteindre les objectifs de développement durable.

Mon épouse, Défenseur spécial du Secrétaire général pour la finance inclusive pour le développement, fait partie des nombreuses personnes qui travaillent à la réalisation de ces objectifs. Depuis dix ans, elle remplit ce rôle avec énergie, passion et plaisir. Tous ceux qui défendent le développement durable doivent également défendre les actions en faveur du climat. Le changement climatique est l’une des principales menaces à la réalisation des objectifs de développement durable. Partout dans le monde, les gens ressentent l’impact. Le changement climatique affecte nos moyens de subsistance. Notre sécurité et notre santé. Notre cadre de vie. Notre futur.

L’Agenda 2030 des Nations Unies exige de tous que nous prenions davantage de mesures pour lutter contre le changement climatique. Le Secrétaire général mérite des éloges pour avoir accordé à cette question une place aussi importante à la présente Assemblée générale. Jamais auparavant la coopération internationale n’avait été aussi urgente pour l’avenir de notre planète. Les gaz à effet de serre ne reconnaissent pas les frontières nationales. Nous ne pouvons lutter contre le changement climatique que si nous travaillons ensemble. Nous sommes heureux de répondre à l’appel à prendre des responsabilités et à faire preuve d’ambition.

La transition vers une économie circulaire durable n’est pas une tâche simple. Tous les États membres luttent contre ce défi, y compris notre Royaume. C’est précisément pourquoi nous avons tous besoin les uns des autres. Nous devons unir nos forces et partager nos connaissances et notre expérience.

Aux Pays-Bas, le gouvernement, les municipalités, le monde des affaires, la société civile et le grand public se sont unis afin de réduire de moitié les émissions d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Dans le même temps, nous travaillons en partenariat avec le Costa Rica pour aider les pays en développement qui souhaitent renforcer leurs ambitions en matière de climat et prendre des mesures. Le partenariat à contributions déterminées au niveau national est une plate-forme essentielle à cet égard. Nous exhortons le secteur privé à jouer son rôle et à faire de l’écologie une priorité.

En tant que pays ayant plus de mille ans d’expérience dans la gestion de l’eau, les Pays-Bas sont également un partenaire expert pour tous ceux qui s’emploient à renforcer la protection contre les inondations. Nous sommes fiers que les ingénieurs et les gestionnaires de l’eau néerlandais jouent ce rôle partout dans le monde.

De plus, nous organiserons l’année prochaine le Sommet international pour l’adaptation au changement climatique. Monsieur le Président, à l’approche des célébrations de l’année prochaine, marquant le 75e anniversaire de l’ONU, le royaume des Pays-Bas y voit un moment propice à la réflexion. Comment pouvons-nous nous assurer que l’ONU, à l’aube du XXIe siècle, reste adaptée à ses objectifs ?

Après les horreurs des deux guerres mondiales, nous avons créé un système multilatéral fondé sur le dialogue et la coopération. Un système qui place les accords et les règles internationaux au-dessus des sphères d’influence ultra-nationalistes et fondées sur le pouvoir. En conséquence, nous avons amélioré la vie de milliards de personnes et rendu notre monde plus sûr. C’est une réalisation unique.

Le royaume des Pays-Bas est convaincu de la nécessité d’un système multilatéral efficace, car il offre la meilleure garantie de stabilité, de paix et de développement durable. Cela ne signifie pas que nous pouvons simplement continuer comme avant. Des réformes sont nécessaires pour éviter que le système ne bouge et ne perde sa crédibilité. Les réformes initiées par le Secrétaire général doivent être mises en pratique de toute urgence. Il a tout notre soutien.

Pour y parvenir, il est essentiel que les États membres respectent leurs engagements financiers. Il est également essentiel que les organisations des Nations Unies améliorent leur coopération et que les ressources financières soient dépensées de manière intelligente et efficace, afin d’obtenir le meilleur rendement possible pour les personnes qu’elles sont censées aider.

Chaque personne compte. Chaque Etat membre compte.

L’ONU aura un avenir inclusif ou aucun avenir. Par conséquent, la voix des petits États insulaires en développement doit être davantage entendue au niveau des Nations Unies. À ce jour, leurs préoccupations sont trop souvent tombées dans l’oreille d’un sourd. Ensemble, nous pouvons rendre notre monde plus grand.

Rappelons-nous où nous avons commencé, il y a 75 ans. Réalisons que la mise en place d’un cadre international de coopération a redonné espoir, sécurité et confiance à des milliards de personnes.

Gardons ces acquis et défendons les valeurs de l’ONU mais parallèlement, rajeunissons notre Organisation des Nations Unies afin qu’elle soit adaptée à notre objectif dans le monde d’aujourd’hui.

Je vous remercie.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr