Depuis la signature de la loi de 2015, qui a pour but de clarifier la distinction entre le patronyme des membres de la famille et leur titre, un certain flou planait concernant l’usage des noms de famille des princes et princesses en Belgique. Selon nos informations, en 2022, les membres de la famille royale auraient été priés de faire modifier leur carte d’identité. Les membres de la famille royale retrouvent le patronyme d’origine « de Saxe-Cobourg » à l’État civil.
Après la clarification d’octroi du titre de prince de Belgique, les membres de la famille royale sont priés de régulariser leur identité
Le 21 juillet 1831, le prince Léopold de Saxe-Cobourg et Gotha, né Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld, prêtait serment en tant que premier roi des Belges. Le 14 mars 1891, sous Léopold II, fils du premier roi des Belges, un arrêté royal annonçait la création des titres de prince et princesse de Belgique pour « la descendance masculine et directe de feu Sa Majesté Léopold Ier ». Ces nouveaux titres belges sont portés « à la suite de leurs prénoms et avant la mention de leur titre originaire de duc ou duchesse de Saxe ».
Sous Albert 1e, neveu et successeur de Léopold II, après la Première Guerre mondiale, le souverain souhaite faire disparaître l’origine germanique de sa famille. Comme l’avait fait son cousin George V, au Royaume-Uni, en adoptant le nom de Windsor, Albert 1e décide en 1921 de créer la dynastie « de Belgique ». Bien que cette décision fût importante, elle n’apparaît que dans des notes de comptes rendus du ministre des Affaires étrangères de l’époque et elle n’a jamais été entérinée par un quelconque arrêté royal, par un arrêt de justice ou par une modification de la constitution.
Autrefois, les actes de naissance, de mariage, de décès étaient remplis à la main. Les cartes d’identité étaient moins formalisées et le côté administratif était certainement moins strict, d’autant plus lorsqu’on était un membre de la famille royale. Si bien qu’on observe des écritures très différentes sur les actes de naissance des princes et princesses.
En 1921, lorsqu’Albert 1e a décidé de changer le nom de sa famille, tous ses enfants étaient déjà nés. Leurs actes de naissance font donc encore mention des titres allemands. Il faudra attendre la génération suivante, c’est-à-dire celle des enfants de Léopold III pour qu’apparaisse uniquement « prince de Belgique », sans mention de « prince de Saxe-Cobourg-Gotha, duc de Saxe » dans les actes de naissance. Il y a donc une confusion totale entre le titre, le patronyme, etc. Si on devait se formaliser à ces actes de naissances, le nom de famille serait « prince de Belgique » et pour les filles « princesse de Belgique », ce qui n’est évidemment pas possible. Et pourtant, ça l’était à l’époque !
L’usage a fait que les membres de la famille royale se sont octroyé le nom de famille « de Belgique », sans qu’il y ait eu une confirmation légale du changement de nom. La seule mention officielle du nom de famille d’un membre de la famille royale était jusqu’alors… la constitution. L’article 85 de la Constitution belge régit les règles de succession au trône après le premier roi des Belges qui est identifié comme « S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg ». La mention « de Gotha » est manquante, simplement parce que Léopold lui-même venait tout juste de changer de nom après une énième répartition des territoires sur lesquels régnait sa famille. Son frère Ernest, le souverain du duché de Saxe-Cobourg-Saalfeld, avait perdu le Saalfeld en 1826, au profit de Gotha.
La loi de création du titre de prince et princesse de Belgique, datant de 1891, a connu une révision en 2015. L’arrêté royal du 12 novembre 2015 a pour but de restreindre l’octroi des titres à la branche aînée uniquement. De plus, celui-ci vise à clarifier la distinction entre le patronyme et le titre. La loi indique clairement que le titre de prince de Belgique vient s’accoler après le prénom et le nom de la personne, ainsi que le titre de noblesse, si la personne en possède déjà un ! L’octroi des titres est donc clair, seuls les enfants et petits-enfants du roi Albert II, les enfants et petits-enfants du roi Philippe mais aussi les futurs enfants et petits-enfants de la princesse Elisabeth (héritière du trône) ont le droit de porter le titre de prince et princesse de Belgique. Le nouvel arrêté précise aussi qu’il ne modifie la situation d’aucun membre de la famille. Il n’y a donc pas destitution pour les autres princes de Belgique qui n’entrent pas dans ces critères. Cette nouvelle loi concernera la prochaine génération à naître. Dorénavant, seuls les petits-enfants du roi Philippe et les descendants de la princesse Elisabeth auront le titre de prince et princesse de Belgique.
Concernant le patronyme, les choses étaient moins claires. Officiellement, jusqu’à présent, les membres de la famille royale continuaient à faire usage du nom « de Belgique » ou « van België », en fonction de la région linguistique dans laquelle ils étaient enregistrés. Que ce soit à l’école, dans les administrations, sur leurs documents d’identité, le nom inscrit était bien « de Belgique ».
Laurent de Saxe-Cobourg et les autres membres de la famille royale renouent avec le nom de leurs ancêtres
Selon nos informations, il y a environ un an, l’administration a prié aux membres de la famille royale de faire modifier leurs papiers afin que soit mentionné leur « véritable » patronyme. La mise en règle aurait opéré aux alentours du début de l’année 2022. Les princes et princesses de Belgique ont dû se rendre auprès de l’administration de leur commune de résidence pour faire modifier leurs papiers au début de l’année dernière. On a notamment pu voir il y a quelques mois que le prince Gabriel, fils du roi Philippe, suit sa formation militaire en tant qu’élève-officier « Van Saksen-Coburg ». Il utilise donc son nouveau patronyme officiel.
Cela se confirme notamment en parcourant les documents qui concernent les administrateurs de société, qui sont consultables gratuitement en ligne et accessibles à tous. Le prince Laurent est le fondateur de la fondation sans but lucratif Global Renewable Energy & Conservation Trust (GRECT). La Banque-Carrefour des Entreprises (BCE), qui est le registre central d’identification des entreprises, identifie à présent l’administrateur de cette fondation comme étant « Laurent van Saksen-Coburg ». Le prince Laurent étant domicilié en Flandre, ses documents et son identité apparaissent en flamand. Il en va de même pour ses enfants.
Le prince Laurent est aussi administrateur de la société anonyme Compagnie des Éoliennes depuis 2019, succédant à son épouse, la princesse Claire, qui était l’administratrice depuis 2013. Une fois encore, leur nouvelle identité est confirmée, tout comme auprès de l’association sans but lucratif Environment Network dont ils sont les administrateurs depuis sa création en 2018. Sur les documents notariés d’il y a près de cinq ans, le frère du roi Philippe est encore identifié comme « le prince Laurent de Belgique ». Sur les derniers actes officiels de cette fondation, dont le but est le « développement et la gestion de projets environnementaux ou écologiques », la mention « de Belgique » a disparu. La princesse Claire est aussi officiellement identifiée comme « SAR Claire Coombs, princesse de Belgique », tout comme Laurent est (en français) « SAR Laurent de Saxe-Cobourg, prince de Belgique ».
Le changement d’identité affecte bien évidemment tous les membres de la famille royale. On peut le constater – et cela se confirme – lorsqu’on regarde les statuts de la fondation Friendship Belgium. Cette fondation a été créée en 2018 par la princesse Esmeralda, dernière fille du roi Léopold III et tante du roi Philippe. Lors de sa création, la princesse est identifiée (de manière assez hybride) comme « HRH Princesse Maria-Esmeralda de Belgique ». « HRH » est l’équivalent anglais de « SAR », la princesse étant une résidente britannique. Sa nouvelle identité auprès de la BCE est à présent bien mise à jour comme étant « Maria-Esmeralda de Saxe-Cobourg » avec la mention de « SAR la princesse Maria-Esmeralda » qui suit son patronyme en tant que princesse de Belgique.
Le cas de la princesse Delphine est bien connu. Le 1e octobre 2020, la fille naturelle du roi Albert II, demi-sœur du roi Philippe, a obtenu de la justice le droit de porter le patronyme de son père et le titre auquel elle avait droit, comme le prévoyait la loi de 2015. Par conséquent, la justice lui a permis de se faire appeler « Delphine de Saxe-Cobourg ». Elle bénéficie aussi du prédicat « Son Altesse Royale » (SAR), comme les autres enfants et petits-enfants d’Albert II. Il en va de même pour ses propres enfants, Josephine et Oscar O’Hare, qui gardent leur patronyme mais ont obtenu le titre de prince et princesse de Belgique ainsi que le prédicat d’Altesse Royale.
Enfin, la princesse Astrid de Belgique, sœur du roi Philippe et du prince Laurent, a elle aussi dû changer de nom, bien qu’il n’y ait pas eu de confirmation officielle. Elle devrait être à présent connue comme « Astrid de Saxe-Cobourg ». Concernant ses enfants, qui sont princes et princesses de Belgique et jouissent du prédicat d’Altesse Royale, leur patronyme a toujours été clair puisqu’ils ont adopté celui de leur père, l’archiduc Lorenz d’Autriche-Este, fait personnellement prince de Belgique par un arrêté royal signé par son beau-père en 1995.
Le prince Lorenz, petit-fils du dernier empereur d’Autriche, porte le patronyme de la dynastie impériale, à savoir Habsbourg-Lorraine. La famille a elle-même été intégrée au système nobiliaire belge en 1978 et 1983. Officiellement, sur les papiers belges, ses cinq enfants ont pour patronyme « d’Autriche-Este (Habsbourg-Lorraine) ». Ceci se confirme par l’arrêté royal publié récemment, en 2022, par lequel le roi donne son consentement au mariage de sa nièce. La fille aînée de la princesse Astrid et du prince Lorenz est formellement identifiée comme « Son Altesse Royale la Princesse Maria Laura d’Autriche-Este (Habsbourg-Lorraine), Princesse de Belgique ». La première mention de « princesse » devant son prénom fait référence à son titre nobiliaire hérité de naissance par son père, suite à l’anoblissement de la famille autrichienne au sein du système nobiliaire belge. Le titre d’archiduc étant typiquement autrichien, c’est un titre princier qui fut accordé à la famille lors de son intégration en 1983.
La famille de Habsbourg-Lorraine est princière en Belgique, alors qu’ironiquement, la famille de Saxe-Cobourg n’a jamais été assimilée à la noblesse belge. Par conséquent, l’identité officielle de Delphine, par exemple, est « SAR Delphine de Saxe-Cobourg, princesse de Belgique » et non « SAR la princesse Delphine de Saxe-Cobourg, princesse de Belgique » comme c’est le cas pour la princesse Maria Laura. Si une autre personne titrée (un comte, par exemple) venait à obtenir le titre de prince de Belgique, on pourrait donc avoir une identité du genre : « SAR le comte PRÉNOM NOM, prince de Belgique ».
En 2016, le Palais Royal indiquait au Soir que les futurs descendants de la famille royale, qui n’auraient plus le titre de prince de Belgique, devraient porter un patronyme créé à partir des « titres qui leur reviennent de droit par leur ascendance ». L’administration belge a finalement poussé sa logique jusqu’au bout, allant plus loin que ce que préconisait le Palais à l’époque, puisque le changement de nom ne s’applique pas uniquement à la future génération mais déjà à la génération existante qui a dû faire modifier ses papiers. Les experts en droit affirmaient aussi à l’époque, dans ce même article du Soir, qu’il était peu probable que les membres actuels de la famille retrouvent le nom « de Saxe-Cobourg » car il est interdit de modifier son nom de famille. Sauf que l’administration a visiblement considéré le problème autrement. C’est l’usage du nom « de Belgique » depuis des décennies qui est considéré comme erroné, celui-ci n’ayant jamais été officialisé.
Porter un autre nom que celui attribué par l’État civil est punissable par la loi : « Quiconque aura publiquement pris un nom qui ne lui appartient pas sera puni d’un emprisonnement de huit jours à trois mois, et d’une amende de vingt-cinq [euros] à trois cents [euros] », peut-on lire à l’article 231 du code pénal.