Louis XIV et sa folie des petits pois

« Le chapitre des pois dure toujours : l’impatience d’en manger, le plaisir d’en avoir mangé, et la joie d’en manger encore, sont les trois points que nos princes traitent depuis quatre jours. Il y a des dames qui, après en avoir soupé chez le Roi, et bien soupé, trouvent des pois chez elles pour en manger avant de se coucher au risque d’une indigestion (…) » ; tantôt attribués à la plume de Madame de Maintenon et tantôt à celle de Madame de Sévigné, ces mots de l’une des si grandes et si talentueuses dames de la cour confirment que la mode des « petits pois verts » fait fureur au siècle de Louis XIV !

Le roi Louis XIV, son fils, petit-fils et arrière-petit-fils, avec la gouvernante. (Image : domaine public)

Qu’a-t-il pu arriver à la table du Roi Soleil ? Louis XIV croque la vie à pleines dents, les plaisirs de la chair – dont la bonne chère fait partie – sont une évidence pour ce roi glorieux, du moins avant que l’âge et la ferveur religieuse ne le rattrapent. Manger est devenu un rituel hautement symbolique, au même titre que ceux qui enserrent la vie de cour à Versailles. La haute gastronomie à la française doit elle aussi son acte de naissance à cette période de faste et de codification, le Roi ayant su élever le repas à la hauteur d’un rite monarchique.

Louis XIV avait un appétit d’ogre et avait une passion pour les petits pois. Ici à table avec Molièr e(Photo : Heritage Image Partnership Ltd / Alamy Banque D’Images)

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Le petit pois, roi du …palais de Louis XIV

Mais le petit pois, pourquoi diable le petit pois ? Ce légume d’apparence si anodine aujourd’hui apparaît pour la première fois à la cour en 1660, lorsqu’un officier de bouche, à l’occasion d’un voyage en Italie, rapporte un cageot de petits pois dans leurs cosses. Louis XIV est séduit, demande qu’on les cuisine immédiatement (à l’époque, ils se consommaient volontiers sucrés) et une véritable folie s’empare alors de la cour : l’obsession du petit pois, dernier cri de la mode.

Le jardinier royal La Quintinie devra acclimater sa culture dans les serres du Potager du Roy – l’extraordinaire création encore en service aujourd’hui à Versailles –, afin de fournir en toute saison la table du souverain. La cour en raffole, des petits grains verts tout frais sortis de leur cosse, elle s’en repaît jusqu’à l’indigestion, jusqu’à la mort parfois, en raison des quantités ahurissantes ingurgitées !

Le potager du roi à Versailles, ici le carré des potirons (Photo : WikiCommons)

On dépense sans compter pour les servir en toutes occasions. Quant au roi, tout en sacrifiant au nouveau petit légume, il ne perd pas l’appétit, puisque, selon sa belle-sœur, la vigoureuse princesse Palatine, il peut en un repas ingurgiter « quatre pleines assiettes de soupes diverses, un faisan entier, une perdrix, une grande assiette de salades, deux grandes tranches de jambon, du mouton au jus et à l’ail, une assiette de pâtisserie, et puis encore du fruit et des œufs durs ».

Le verger au pied de la cathédrale Saint-Louis (Photo : WikiCommons)

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Le petit pois, une folie parmi d’autres du Roi Soleil

Les médecins de Louis XIV, eux, ne voient pas les petits pois d’un bon œil, pas davantage que les fraises ou les glaces, considérant que ces aliments causent à leur royal patient, qui en use et en abuse, les pires maux digestifs. Au plus près du Roi-Soleil, les médecins qui se sont succédé ont eu fort à faire avec le légendaire appétit du roi, son goût passionné pour certains aliments dont, malgré les souffrances de la maladie, les indigestions répétées et l’absence des dents qu’il perd en totalité, il n’a jamais pu se départir tout à fait.

Il faut dire que l’on apprend beaucoup sur la santé du Grand Roi grâce au journal de ses médecins, scrupuleusement tenu depuis sa naissance, avec un souci du détail qui ne laisse rien ignorer des manifestations de tous les organes royaux… On découvre que chacune des selles royales faisait l’objet d’un examen approfondi et quotidien, donnant lieu à autant de commentaires bien fournis.

Guy-Crescent Fagon fut le dernier médecin du Roi-Soleil, jusqu’à sa mort (Image : Domaine public)

On lit ainsi dans le Journal de la santé du roi Louis XIV de l’année 1647 à l’année 1711, écrit par Vallot, d’Aquin et Fagon (médecins attitrés du monarque) : « Son ventre est resserré, quelquefois très constipé et jamais lâche (…) par le trop d’aliments, par leur mélange et par leur qualité. » En 1706, on attribue au petit pois une grave indigestion royale et, dans le même journal, on lit que le roi, ayant abusé des petits pois, eut « vapeurs et étourdissements .»

Aujourd’hui, on verrait sans doute en Louis XIV un précurseur de la santé par les plantes ; n’appliquait-il pas à la lettre la maxime au moins « cinq fruits ou légumes par jour », mantra de notre quotidien ? Personne ne pourrait songer cependant à se rendre malade de légumes et surtout de petits pois. Mais qui sait ? Le petit grain vert n’a peut-être pas fini de nous surprendre !

Sources : France TV, histoires-en-question.fr

Sylviane Lamant

Sylviane est diplômée en Littérature française. Biographe et professeur, elle partage avec Histoires Royales sa passion pour l'histoire.