Ce mercredi 13 décembre 2023 avait lieu la traditionnelle réception du corps diplomatique, organisée par Margareta de Roumanie. Les ambassadeurs étrangers en poste à Bucarest étaient conviés à un événement qui poursuit la tradition initiée au 19e siècle. Durant la réception, la Gardienne de la Couronne a lu son discours, qui cette année abordait les différentes crises politiques et les conflits en cours dans le monde, avec pour sujets centraux : l’adhésion de la Moldavie à l’Union européenne, la sécurité européenne et le soutien à l’Ukraine.
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La Gardienne de la Couronne perpétue la tradition séculaire des réceptions royales du corps diplomatique en poste à Bucarest
En 1866, Carol 1er, souverain de la principauté de Roumanie, a organisé la première réception diplomatique de fin d’année. Le futur premier roi de Roumanie a ainsi initié une tradition séculaire qui sera respectée par ses successeurs. En 1997, le roi Michel 1er, de retour en Roumanie après près d’un demi-siècle d’exil, a rétabli cette soirée mettant à l’honneur les représentants diplomatiques étrangers en poste à Bucarest. Depuis 2016, la soirée du corps diplomatique a lieu dans la salle du Trône du Palais royal.
Ce 13 décembre 2023, Margareta de Roumanie a accueilli les ambassadeurs, accompagnée par son époux, le prince Radu, et par l’une de ses sœurs, la princesse Sofia. Des représentants du bureau présidentiel et du gouvernement, des membres du Parlement roumain étaient présents, tout comme des représentants du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Défense nationale, le chef d’État-major de la Défense, des membres de la Cour Constitutionnelle et les membres de la Maison de Sa Majesté.
Après l’interprétation de l’hymne royal par un détachement de l’orchestre de la Défense nationale, la Gardienne de la Couronne a pris la parole. Lors de cette soirée, deux discours sont prononcés : celui de Margareta de Roumanie et celui du doyen du corps diplomatique. Après les discours, Margareta, son époux et sa sœur ont salué leurs invités.
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La sécurité européenne, l’adhésion de la Moldavie et le soutien à l’Ukraine au cœur du discours de Margareta de Roumanie
Après avoir réitéré son admiration pour le dévouement de chaque ambassadeur dans sa mission de consolidation des relations entre leur pays et la Roumanie, la Gardienne de la Couronne a parlé de ses propres voyages effectués au cours de l’année, qui lui ont permis de constater la place de la Roumanie dans l’Europe. « Mon mari et moi avons effectué de nombreuses visites et missions à l’étranger cette année, notamment des visites clés en Suède et en Espagne, les deux pays qui assumaient la présidence tournante de l’Union européenne, et auprès de l’un de nos plus anciens et plus proches alliés, la Pologne. Partout où nous sommes allés, nous avons souligné la contribution continue de la Roumanie en tant que membre à part entière de l’Union européenne et de l’OTAN et notre détermination à promouvoir l’intégration de la République de Moldavie dans les structures de sécurité de notre continent ».
La Gardienne de la Couronne a assuré qu’elle observait « avec appréhension et tristesse les développements tragiques au Moyen-Orient ». Elle a rappelé que ces événements « affectent profondément la Roumanie, non seulement parce que la sécurité du Moyen-Orient est aussi la sécurité de l’Europe, mais aussi parce que mon pays entretient des liens historiques et émotionnels profonds avec la région. Des centaines de milliers d’Israéliens touchés par les combats actuels font remonter leurs racines familiales à la Roumanie. Et des centaines de citoyens roumains se sont retrouvés pris dans la guerre à Gaza. »
Margareta de Roumanie est ensuite passé au volet européen. Au sujet de la guerre en Ukraine, la fille aînée du roi Michel 1er a souligné que ce conflit n’était seulement une affaire de survie d’un seul pays. « Nos nations soutiennent aujourd’hui les efforts d’autodéfense de l’Ukraine, non seulement parce que cela est moralement juste et juridiquement justifié, mais aussi parce que nous savons qu’une victoire de l’Ukraine est essentielle pour la sécurité de l’ensemble de notre continent. Et la Finlande et la Suède ont décidé de rejoindre l’OTAN parce qu’elles ont compris que ce qui se passe en Ukraine bouleverse toutes nos hypothèses antérieures sur les arrangements de défense européens ».
Margareta de Roumanie a mis en garde les diplomates sur la situation en Moldavie, qui elle aussi est soumise à des pressions de Moscou depuis bien des années, avant même que la guerre n’éclate en Ukraine. « La Moldavie a survécu, mais elle est restée relativement pauvre et très vulnérable. Et juste au moment où elle élisait un dirigeant et un gouvernement pro-occidentaux déterminés à éliminer la corruption et à consolider les institutions démocratiques, l’invasion de l’Ukraine a placé la Moldavie dans une situation extrêmement dangereuse. Le lien entre la guerre en Ukraine et la situation en Moldavie est évident aux yeux de tous et perdure ».
La Gardienne de la Couronne a mis en garde les représentants étrangers. « Nous devons – oui, nous devons ! – combattre cet air de désespoir qui menace actuellement de paralyser notre réflexion sur les dispositifs de sécurité européens. Et nous pouvons y parvenir en nous concentrant sur trois approches interdépendantes. Oui, la guerre en Ukraine ne montre aucun signe de fin. Et oui, nos espoirs du début de l’été selon lesquels le cours de la guerre tournait en direction de l’Ukraine ne se sont pas concrétisés comme prévu. Mais n’oublions jamais le courage de l’Ukraine et sa capacité à continuer de résister à l’agresseur. Nous devons rester aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps qu’elle le souhaite, car les alternatives sont tout simplement trop terribles pour être envisagées.
Deuxièmement, les tentatives russes visant à déstabiliser la Moldavie continueront de s’intensifier, presque en proportion inverse des combats en Ukraine. Veiller à ce que la Moldavie reste fermement attachée à sa politique d’intégration européenne est un élément indissociable de la garantie que l’Ukraine l’emportera dans sa défense ; les deux sont les faces d’une même pièce. »
Margareta de Roumanie a conclu ce volet en présentant sa troisième approche : « Nous devons nous rappeler que, parallèlement à la lutte contre l’agression russe, la seule façon d’assurer la stabilité et la prospérité est de procéder à l’intégration de l’Ukraine et de la Moldavie et – le moment venu, de la Géorgie également – à l’Union européenne et toute autre structure européenne de sécurité ou de coopération. Si ces structures sont bonnes pour nous, elles leur conviennent aussi ; c’est aussi simple que ça ».
Bien des choses ont déjà évolué dans la région cette année, et en particulier en Roumanie, ce qui rend fière la représentante de la famille royale de Roumanie. « Cette année, nous sommes passés d’une simple discussion théorique sur l’intégration de l’Ukraine et de la Moldavie à la pose concrète des bases de cette intégration. Les différences qui existaient auparavant entre Kiev et Bucarest, dont beaucoup ont été inventées par les despotes communistes de l’Union soviétique, ont désormais disparu. Et même s’il est clair que l’intégration de l’Ukraine et de la Moldavie sera coûteuse et compliquée, la plupart de nos décideurs dans la plupart des capitales européennes ont admis que les alternatives seraient probablement encore plus coûteuses. Nous sommes donc sur la bonne voie. La situation reste néanmoins précaire et dangereuse. Les autorités de Chisinau ne cessent de mettre en garde contre la détermination de la Russie à déstabiliser le gouvernement moldave. Et cela parce que les troubles en Moldavie créeraient un réel danger à l’arrière des principales forces ukrainiennes qui résistent actuellement à l’invasion. »
Très impliquée dans le processus d’adhésion de la Moldavie à l’Union européenne, la Gardienne de la Couronne explique avoir mis en place des solutions, avec le soutien des gouvernements roumain et moldave, qui permettent « de garantir que la République de Moldavie ne soit pas consumée par la tragédie qui frappe actuellement l’Ukraine, que son gouvernement réformateur soit soutenu dans la réalisation de son objectif et que le peuple de Moldavie soit autorisé à décider de son propre avenir, plutôt que de le laisser déterminer par d’autres. »
Bien entendu, il y a des réticences à l’adhésion de la Moldavie à l’Union européenne. Les deux plus gros arguments contraires sont évidemment l’écart de richesse entre la Moldavie et le reste de l’UE, ainsi que les problèmes de gouvernance à Chisinau. « Mais dans le même temps, les Moldaves sont probablement l’un des plus ardents partisans de l’Europe. Et comme la population est modeste, le processus d’intégration et le prix à payer pour cela restent modestes. »
En guise de conclusion, Margareta de Roumanie est revenue sur les difficultés que rencontrent actuellement son pays et la Bulgarie sur la finalisation de leur entrée dans l’espace Schengen. « Il n’y a aucune justification objective pour poursuivre cette discussion. Les contrôles aux frontières et les questions d’immigration comptent en effet aujourd’hui parmi les défis les plus urgents de l’Europe. Toutefois, cela nécessite une coopération adéquate entre tous les États membres de l’UE plutôt que de faire de la démagogie pour des raisons de politique intérieure ». La même logique s’applique lorsqu’il s’agit d’œuvrer à la cohésion au sein de l’OTAN.
« Je sais que de nombreuses autres priorités nous attendent aujourd’hui et qu’elles requièrent toutes notre attention. Néanmoins, au risque d’énoncer une évidence, nous ne choisissons généralement pas les crises ; les crises nous choisissent. Anticipons, pour une fois, la prochaine crise. En faisant tout ce qui est possible pour garantir que l’Ukraine continue de résister à l’agression et que la Moldavie reste entière et libre », conclut ainsi la Gardienne de la Couronne.