Le prince Charles-Philippe d’Orléans, duc d’Anjou, a signé une nouvelle tribune, dans laquelle il s’inquiète du recul de l’usage du français, de certains glissements linguistiques et d’un effacement progressif de la langue de Molière. Le constat dressé par le descendant des rois de France fait écho aux déclarations de Jean-Luc Mélenchon qui souhaite « trouver un autre nom pour qualifier notre langue ».
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Le prince Charles-Philippe dénonce un déclin linguistique révélateur d’un affaissement civilisationnel
Dans une tribune sans appel, le prince Charles-Philippe d’Orléans, 52 ans, co-président du prix Hugues Capet, un prix littéraire qu’il dirige avec son épouse, la princesse Naomi, dresse un triste constat concernant l’usage du français. Les chiffres sont inquiétants. Selon le descendant direct du roi Louis-Philippe 1er, dans les institutions européennes, le français, autrefois langue pivot, ne représente plus que moins de 5 % des textes rédigés, contre 40 % il y a vingt ans. À l’université, l’anglais s’impose : « Il n’est plus rare que les masters s’intitulent en anglais, que les cours se donnent en anglais, et que l’on exige des étudiants français qu’ils rédigent leur mémoire dans une langue qui n’est pas la leur. » Ce phénomène est souvent présenté comme une modernisation, mais le duc d’Anjou y voit une trahison : « Ce n’est pas un progrès : c’est une abdication. »

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La langue française n’est pas seulement un outil de communication. Elle est, selon le prince Charles-Philippe d’Orléans, « un héritage, un trésor, un acte de civilisation ». Elle constitue le socle commun d’un peuple, le cœur battant de son imaginaire collectif, et le reflet de son génie culturel. Pourtant, ce socle vacille. Et face à ce basculement, l’auteur de la tribune appelle à une prise de conscience nationale : « Quand la langue meurt, la France vacille. » Ce point de vue se heurte directement aux propos tenus par le fondateur de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon.
Jean-Luc Mélenchon s’est exprimé à propos de la langue française lors d’un colloque sur la francophonie organisé à l’Assemblée nationale par un député LFI. « Si quelqu’un pouvait trouver un autre nom pour qualifier notre langue, il serait le bienvenu », a déclaré l’homme politique dont la proposition de rebaptiser le français a provoqué des vives réactions dans les médias. « La langue française n’appartient plus à la France depuis fort longtemps », a-t-il souligné. Le leader du front d’extrême gauche a ajouté : « Si nous voulons que le français soit une langue commune, il faut qu’elle soit une langue créole ».
Les propos de Jean-Luc Mélenchon sont perçus par le duc d’Anjou comme une trahison du contrat républicain car « la République française s’est construite par la langue, autour de la langue, grâce à la langue ». Elle a permis d’unifier le territoire, de transmettre les lois, de construire l’école. La réduire à un simple outil colonial, c’est méconnaître son rôle émancipateur.

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Un monde du travail colonisé par l’anglais
De son côté, le prince Charles-Philippe dénonce aussi l’anglicisation du vocabulaire professionnel. « Il ne suffit plus de parler un français impeccable : il faut aujourd’hui “pitcher”, “manager”, “networker”. » Ces termes, devenus courants, véhiculent l’idée que seul l’anglais serait capable de capter les subtilités du monde contemporain. Pourtant, la langue française fut, et demeure, le vecteur d’une pensée exigeante, précise, nuancée : « Comme si notre langue — celle de Pascal, de Montesquieu, de Hugo, de Senghor ou d’Albert Camus — était devenue obsolète. » Il ne s’agit pas d’un simple glissement linguistique, mais d’un effacement progressif. Le prince Charles-Philippe en veut pour preuve le rapport remis au Parlement par la Délégation générale à la langue française en mars 2025. Malheureusement, ce rapport serait « une forme de résignation officielle ». Le prince déplore que ce rapport « constate les reculs » tout en se montrant prudent, sans trop oser agir.
La marginalisation du français dans le monde scientifique est aussi mise en évidence par le prince Charles-Philippe. « Un chercheur qui publie en français, aujourd’hui, limite sa carrière ; un étudiant qui ose s’exprimer dans sa langue à l’oral est perçu comme provincial », constate le prince. Résultat : « Le niveau général de maîtrise du français recule chez les jeunes générations. À force de le reléguer, nous le perdons. »
Francophonie en sursis, de Paris à Montréal
Le repli de la langue ne concerne pas que la métropole. Même dans les bastions historiques de la francophonie, les signaux sont alarmants. En Afrique, continent souvent présenté comme l’avenir de la langue française, la concurrence de l’anglais, du mandarin ou des langues locales monte en puissance. Le français y devient une langue d’élite, déconnectée du quotidien.
Au Québec, autrefois vitrine du français en Amérique, le recul est mesurable : « Sur l’île de Montréal, le français n’est plus que la langue maternelle d’un habitant sur deux. » La loi ne suffit plus : c’est une « culture du respect de la langue » qu’il faut urgemment reconstruire. « La francophonie n’est pas une forme de néo-impérialisme : elle est une communauté de destin, un espace de pensée, de création et de liberté. »
Un impérialisme linguistique masqué sous le vernis de la mondialisation
Le prince Charles-Philippe ne se contente pas de dresser un constat, il nomme les forces à l’œuvre. Le déclin du français n’est pas accidentel : « Ce que nous vivons n’est pas un simple phénomène d’évolution linguistique. C’est un effacement organisé, encouragé par une forme d’impérialisme linguistique globalisé. » L’anglais s’impose sous couvert de neutralité, mais il est en réalité « la langue d’un empire économique et culturel qui ne dit pas son nom. » Accepter cette domination sans broncher, c’est consentir à l’extinction d’une manière singulière de penser, de raconter, de sentir. « C’est la disparition progressive de notre propre imaginaire, de nos subtilités, de nos nuances. »
Face à cet effacement, il ne s’agit plus de pleurer un passé idéalisé, mais d’assumer une responsabilité collective : « Je crois que l’héritage n’est pas une nostalgie : c’est une responsabilité. » Le Prince appelle à des mesures concrètes : réinvestir dans l’enseignement du français, l’imposer dans tous les secteurs, exiger le respect de la diversité linguistique dans les instances internationales, développer des outils numériques en français. Il pointe également l’hypocrisie d’un État qui promeut la francophonie à l’étranger tout en tolérant l’anglicisation en interne : « On ne peut pas promouvoir la francophonie à l’UNESCO et imposer des intitulés en anglais dans les ministères. »
Le message du prince Charles-Philippe est clair : la langue française n’est pas un reliquat du passé. « Elle porte une vision du monde faite de mesure, de clarté, de rigueur et de beauté. Refuser sa marginalisation, c’est refuser une vision appauvrie de la mondialisation. » C’est aussi refuser de disparaître en tant que civilisation singulière. Le prince Charles-Philippe conclut : « La France sans sa langue ne serait plus tout à fait la France. Et sans la France, le monde perdrait une voix singulière, une conscience vigilante, une promesse de liberté. »