La couronne et le sceptre du roi Othon 1er retrouvés en bon état en Grèce : ces joyaux confectionnés à Paris avaient disparu de la circulation

Le palais de Tatoi, en état de délabrement depuis que l’État grec en a récupéré la propriété, n’a pas encore révélé tous ses secrets. En procédant à l’inventaire des objets trouvés dans l’ancienne résidence de la famille royale grecque, le ministère de la Culture a fait l’incroyable constat qu’elle venait de mettre les mains sur l’ancienne couronne du roi Othon 1er, le premier souverain de la Grèce moderne. La couronne, accompagnée d’une épée et d’un sceptre, a été confectionnée par les joailliers parisiens Fossin et Fils.

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Les premiers joyaux de la Couronne grecque conçus pour le seul roi grec de la famille de Bavière

Son nom n’est pas celui que retiennent les livres d’histoire non spécialisés, pourtant Othon 1er a tout de même régné près de 30 ans sur la Grèce. Ce prince bavarois, propulsé sur le trône grec à la fin de son adolescence, fut une parenthèse dans l’histoire monarchique grecque, remplacé en 1863 par un roi issu d’une autre dynastie. Soucieux d’asseoir son pouvoir, le roi Othon reçut ses propres joyaux composés d’une couronne, un sceptre et une épée. Ces trésors disparus depuis des décennies viennent d’être retrouvés en Grèce, dans un très bon état.

Lithographie du jeune roi Othon 1er, né prince bavarois, lorsqu’il monte sur le trône grec en 1833 à la fin de son adolescence (Photo : Art Collection 2 / Alamy / Abacapress)

Le prince Othon est né en 1815 dans la famille de Wittelsbach, dynastie régnant sur la Bavière. Né durant le règne de son grand-père, le roi Maximilien 1er de Bavière. Son père deviendra le roi Louis 1er de Bavière en 1825. En 1832, les grandes puissances décident du sort de la Grèce, récemment devenue indépendante de l’Empire ottoman. En 1833, le nom du candidat idéal se porte vers le prince Othon de Bavière, dont la majorité est fixée à 21 ans. Jusqu’en 1935 il règne donc encore mineur et avec une régence.

Le roi Othon 1er dans son costume d’apparat militaire durant son règne (Photo : The History Collection / Alamy / Abacapress)

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Le père du roi Othon décide d’offrir à son fils des joyaux dignes de son titre de roi, lui permettant aussi de symboliser son pouvoir. Dans cette jeune Grèce, tout est à refaire. À l’instar d’autres monarchies, la création de joyaux semble inévitable. Le roi de Bavière se tourne vers le célèbre joaillier parisien Fessin et Fils pour confectionner une couronne, un sceptre et une épée à son fils. Comme l’explique le journal Ekathimerini, la commande devait arriver par bateau pour le couronnement du jeune roi, prévue en 1835 à sa majorité. Malheureusement, la couronne n’est pas arrivée à temps pour la cérémonie.

L’ancien roi Othon 1er, photographié durant son exil en Bavière en 1865, posant dans le costume traditionnel grec malgré son abdication forcée (Photo : The Picture Art Collection / Alamy / Abacapress)

Autoritaire, incapable de relever l’économie, l’impopularité d’Othon lui vaudra son trône. Chassé de Grèce, le roi abdique en 1862 et vexé, repart en Bavière avec ses joyaux. Les premiers joyaux de la couronne grecque resteront une propriété des Wittelsbach pendant près de cent ans. Entretemps, les Grecs avaient remplacé Othon par un nouveau roi, fils du futur roi de Danemark, le roi Georges 1er, de la famille de Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksbourg. Les descendants de Georges 1e ont régné sur la Grèce jusqu’en 1973, date de l’abolition de la monarchie.

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La couronne, le sceptre et l’épée d’Othon 1er ont été retrouvés au palais de Tatoi

En 1959, « après des discussions diplomatiques », explique Greek City Times, le chef de la famille de Wittelsbach a finalement accepté d’offrir les trois objets royaux à la Grèce. La cérémonie de restitution est organisée en décembre 1959 au palais royal d’Athènes, en présence du Premier ministre Konstantinos Karamanlis. Le jour de la cérémonie était une date d’anniversaire correspondant à l’arrivée d’Othon à Athènes. Le prince Maximilien-Emmanuel de Bavière était chargé de représenter son père, alors chef de la famille, lors de la cérémonie.

Les joyaux ont ensuite été exposés et même utilisés à certaines occasions. On se souvient notamment des funérailles du roi Paul 1er en 1964 et des funérailles de la reine Frederika en 1981. Les joyaux ont ensuite disparu de la circulation. Après l’exil du roi Constantin II, dernier roi des Hellènes, et de sa famille, leur résidence de vacances, le palais de Tatoi, est tombée en délabrement. La récupération des lieux a valu de longues procédures judiciaires. L’État a finalement récupéré le palais, en échange d’un maigre dédommagement à la famille royale. Le continue du palais est en train d’être évacué et finalement répertorié. C’est ici qu’ont été retrouvés les trois objets royaux.

Photo du palais de Tatoï, déjà délabré, qui en 2021 a été en partie incendié (Photo : Eurokinissi via ZUMA Press Wire/ABACAPRESS.COM)

Le 17 juillet 2023, le ministère de la Culture grecque, en charge de répertorier le contenu du palais de Tatoi et de transformer les lieux, a annoncé avoir remis la main sur la couronne, l’épée et le sceptre dont on avait perdu toute trace depuis des décennies. « Les emblèmes royaux, dont on a beaucoup parlé et sur lesquels on a beaucoup spéculé – des spéculations souvent fantaisistes – ont été retrouvés, en très bon état, bien conservés et soigneusement emballés », annonce le ministère dans son communiqué.

La couronne d’Othon 1er semble relativement modeste. De 25 centimètres de haut et de 29 centimètres de diamètre, le bijou est tout de même l’œuvre du joaillier impérial parisien Fossin et Fils. Fossin est l’ancêtre de la maison Chaumet.

La couronne est composée d’un bandeau fleuri rappelant une couronne de laurier. De là partent huit arches, décorées d’anciennes feuilles d’acanthe et de têtes de lion, d’où poussent respectivement huit tiges arquées en forme de branches de palmier. L’ensemble de la composition est uni au centre avec un orbe surmonté d’une croix. À l’intérieur, le bonnet en velours pourpre est conservé, mais présente une usure importante.

Le sceptre de 78 centimètres de long a également été fabriqué par les joailliers parisiens. Il est composé de trois parties réunies par des boutons décorés. Sur le bouton central en forme de cube, on trouve le monogramme d’Othon 1er et une croix blanche. On y trouve aussi les couleurs du drapeau bavarois émaillé et la couronne royale termine le manche.

L’épée de 92 centimètres, dont la poignée est en lapis-lazuli, est l’œuvre de Fessin et Fils alors que la lame et la partie armurerie ont été confectionnées par le fabricant d’armes Manceaux.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr