Ce 1e octobre 2020, la Cour d’appel de Bruxelles a accordé le droit à Delphine Boël de devenir Delphine de Saxe-Cobourg et de porter le titre de princesse. Quels sont les droits que lui confère ce titre et peut-elle entrer dans l’ordre de succession au trône de Belgique ?
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La légitimité et le consentent royal au mariage sont obligatoires… oui mais !
Un titre de noblesse n’apporte aucun privilège en Belgique. L’article 113 de la Constitution belge indique que « le Roi a le droit de conférer des titres de noblesse, sans pouvoir jamais y attacher aucun privilège. » Le seul privilège est la distinction dans le titre d’appel. Le titre de princesse de Belgique s’accompagne du prédicat « Son Altesse Royale ». Au sein de la noblesse, Delphine sera dorénavant reconnue comme une princesse royale, ce qui a une implication protocolaire également à l’international.
Ce titre lui donne-t-il le droit de figurer dans l’ordre de succession au trône ? Tout d’abord, même sans titre, on peut entrer dans l’ordre de succession. L’ordre de succession ne parle pas de titre. Par exemple, les enfants du prince Amedeo n’ont aucun titre royal belge et figurent pourtant en 7e et 8e place dans l’ordre de succession.
L’ordre de succession est régi par la Constitution et a été modifié en 1991, suite à l’abrogation de la loi salique. Pour répondre simplement à la question : non, Delphine n’entrera pas dans l’ordre de succession. Mais il serait possible de plaider auprès d’un tribunal pour y arriver. D’autant plus que des cas de décisions judiciaires anticonstitutionnelles ont de tout temps existé.
L’article 85 de la Constitution mentionne qui peut prétendre au trône de Belgique : « Les pouvoirs constitutionnels du Roi sont héréditaires dans la descendance directe, naturelle et légitime de S.M. Léopold, Georges, Chrétien, Frédéric de Saxe-Cobourg, par ordre de primogéniture. »
Cet article indique donc que tout descendant « légitime » du premier roi des Belges peut prétendre à sa place dans l’ordre de succession. Depuis 1991, l’ordre de primogéniture stricte est appliquée, à savoir sans distinction de sexe, seul le droit d’ainesse prime. En l’état actuel, l’ordre de succession pourrait contenir des centaines personnes. En effet, si nous recensons tous les descendants légitimes, il faudrait y inclure, par exemple, tous les descendants de la famille royale italienne, de la famille Bonaparte ou de la famille grand-ducale luxembourgeoise, ainsi que des centaines de descendants aujourd’hui devenus roturiers suite à des mariages morganatiques. (Voir ici un article qui recense tous les descendants de Léopold 1e).
Pour éviter que l’ordre de succession compte des centaines de noms (comme au Royaume-Uni), l’alinéa suivant de la Constitution précise : « Sera déchu de ses droits à la couronne, le descendant visé à l’alinéa 1er, qui se serait marié sans le consentement du Roi ou de ceux qui, à son défaut, exercent ses pouvoirs dans les cas prévus par la Constitution. » Ainsi, seuls les descendants qui ont demandé le consentement du Roi à leur mariage, gardent leur place dans l’ordre de succession pour eux et leurs propres descendants. À l’heure actuelle, les seuls membres vivant de la famille royale ayant demandé le consentement royal à leur mariage sont les descendants du roi Albert II.
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Delphine de Saxe-Cobourg peut-elle entrer dans l’ordre de succession au trône ?
Concernant Delphine, tout d’abord, elle n’est pas une descendante « légitime » comme on l’entendait à l’époque de la rédaction de la constitution, étant née de la relation extra-conjugale du roi Albert II avec la baronne Sybille de Selys Longchamps. Néanmoins, il serait possible aujourd’hui de plaider devant un tribunal la notion discriminatoire du mot « légitime » dans la constitution. Aujourd’hui, tout enfant né hors mariage a les membres droits qu’un frère ou une sœur né dans le mariage. Le mot légitime n’est plus utilisé dans le droit moderne et cela pourrait être contesté, étant plus une notion dynastique que légale.
Même si la question de la légitimité peut être débattue. Il existe l’alinéa 2 de l’article 85 qui poserait problème à Delphine. Delphine de Saxe-Cobourg (anciennement Delphine Boël) s’est mariée à Jim O’Hare, sans le consentement royal. Par conséquent, elle serait déchue de ses droits pour elle et ses descendants.
Une fois de plus, tout n’est pas perdu. En effet, l’alinéa 3, permet d’obtenir une exception pour être réintégré dans l’ordre de succession. « Toutefois, il pourra être relevé de cette déchéance par le Roi ou par ceux qui, à son défaut, exercent ses pouvoirs dans les cas prévus par la Constitution, et ce moyennant l’assentiment des deux Chambres. »
Imaginons qu’un ou plusieurs tribunaux accorderaient la légitimité à Delphine de Saxe-Cobourg, il faudrait donc ensuite passer par un vote du parlement pour qu’elle puisse faire valider son mariage à postériori et lui accorder un droit de manière rétroactive. Il est peu probable que les deux Chambres votent l’accord lui permettant d’obtenir le consentement rétroactif.
Le dernier exemple en date est celui du prince Amedeo, qui a épousé Elisabetta Rosboch von Wolkenstein en 2014, sans le consentement royal. Un arrêté royal issu après le mariage, signé par le Roi et le gouvernement, suite à l’approbation des deux Chambres, a permis à Amedeo de retrouver sa place dans l’ordre de succession au trône pour lui et ses descendants. Il faudrait également que les deux Chambres fassent preuve de la même bienveillance à l’égard de Delphine pour qu’elle obtienne gain de cause. Dans ce cas, elle figurerait en 17e place dans l’ordre de succession, et ses deux enfants, Joséphine et Oscar seraient 18e et 19e.
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Sources : Constitution belge et Arrêté royal de 2015