Le discours historique du roi Charles III au banquet d’État au Kenya

Le roi Charles III et la reine Camilla ont conclu la première journée de leur visite d’État au Kenya en participant au banquet d’État qui leur était offert par le président William Ruto. Le toast porté par le souverain britannique au début de la soirée était le moment idéal pour aborder les sujets douloureux. Le roi Charles III a parlé des « actes de violence odieux et injustifiables » commis par les Britanniques à l’encontre des Kényans.

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Le président William Ruto offre un banquet d’État au roi Charles III et à la reine Camilla

Le roi Charles III, 74 ans, et la reine Camilla, 76 ans, ont assuré une première journée de visite très chargée à Nairobi, ce 31 octobre 2023. Le couple royal britannique effectue sa première visite d’État dans un pays du Commonwealth depuis le début du règne de Charles. Le Royaume-Uni et le Kenya ont des liens historiques importants. La famille royale britannique garde des souvenirs tendres du Kenya, alors que d’un point de vue politique, le Kenya se montre méfiant à l’égard de son ancien pays colonisateur.

Le roi Charles III et la reine Camilla arrivent au banquet d’État offert par le président kényan à la State House de Nairobi le 31 octobre 2023 (Photo : Victoria Jones/PA Wire/ABACAPRESS.COM)

Elizabeth et son époux Philip se trouvaient au Kenya lorsqu’ils ont appris la mort du roi George VI en 1952. Elizabeth est donc officiellement devenue reine lorsqu’elle se trouvait au Kenya. Le pays a pris son indépendance du Royaume-Uni le 12 décembre 1963. Durant un an, la reine Elizabeth II fut titrée reine du Kenya. Le 12 décembre 1964, le nouveau royaume du Kenya a choisi d’abolir la monarchie et de devenir une république, brisant son dernier lien symbolique avec le Royaume-Uni.

Le roi Charles III et la reine Camilla devant la State House de Nairobi avec le président kényan William Ruto et la première dame Rachel Ruto (Photo : Victoria Jones/PA Wire/ABACAPRESS.COM)

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Le roi Charles III reconnaît les actes de violences commis par les colons britanniques

À l’issue de sa première journée de visite à Nairobi, le roi Charles III a participé au traditionnel banquet d’État qu’offrait le président William Ruto. Les banquets d’État débutent toujours par les toasts, soit des discours prononcés par les chefs d’État. Le discours du roi Charles était très attendu car Buckingham avait promis qu’il n’éviterait pas d’aborder le passé colonial.

« C’est l’intimité de notre histoire commune qui a rapproché nos peuples. Cependant, nous devons également reconnaître les moments les plus douloureux de notre relation longue et complexe », a déclaré le roi Charles III. « Les actes répréhensibles du passé sont la cause de la plus grande tristesse et des plus profonds regrets », a-t-il poursuivi. « Des actes de violence odieux et injustifiables ont été commis contre les Kenyans alors qu’ils menaient (…) une lutte douloureuse pour l’indépendance et la souveraineté », a rappelé le souverain, dont la suite de son discours est sans appel. « Et pour cela, il ne peut y avoir aucune excuse ! ».

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Pas d’excuse de la part des Britanniques mais une reconnaissance des « actes violents odieux »

Depuis 1945, des nationalistes kényans faisaient pression en vain sur le gouvernement britannique pour obtenir des droits politiques et des réformes agraires. En 1952, les combattants Kikuyu (groupe ethnique majoritaire du Kenya), s’insurgent et le mouvement des Mau Mau se forme pour combattre les colons. En octobre 52, les Britanniques répliquent et déclarent l’état d’urgence. Les conflits ont duré jusqu’en 1960. Ces répressions violentes ont mené à la mort de 11 000 Mau Mau et de leurs alliés, selon la BBC. Près de 1100 rebelles ont aussi été condamnés par l’administration britannique à être pendus. Durant ces 8 années de combats, seuls 32 colons blancs auraient perdu la vie. D’autres sources estiment le nombre de victimes Mau Mau nettement supérieur, allant jusqu’à multiplier ce chiffre par neuf.

« En revenant au Kenya, il est très important pour moi d’approfondir ma propre compréhension de ces torts et de rencontrer certains de ceux dont les vies et les communautés ont été si gravement affectées », a continué le roi Charles III dans son discours. « Rien de tout cela ne peut changer le passé. Mais en abordant notre histoire avec honnêteté et ouverture, nous pourrons peut-être démontrer la force de notre amitié aujourd’hui. Et, ce faisant, nous pourrons, je l’espère, continuer à construire une relation toujours plus étroite pour les années à venir ».

Le roi Charles a ensuite évoqué des souvenirs familiaux plus joyeux, après avoir prononcé en swahili : « Aujourd’hui, je ne me sens pas comme un visiteur ». En effet, la reine Elizabeth II a toujours gardé un lien spécial avec ce pays. Le duc d’Édimbourg a assisté aux cérémonies de prise d’indépendance du Kenya en 1963. Charles et Camilla souhaitaient absolument effectuer leur première visite d’État dans ce pays du Commonwealth dans l’année de leur couronnement. Enfin, c’est lors d’un voyage au Kenya que le prince William s’est agenouillé pour demander Kate Middleton en mariage. « C’est ici, face au mont Kenya, que mon fils, le prince de Galles, a fait sa demande à sa femme, aujourd’hui ma belle-fille bien-aimée », a rappelé le roi Charles.

Le discours du roi Charles est bien entendu approuvé par le gouvernement et le sujet sensible ne pourrait être abordé autrement. De nombreux groupes de pression militent depuis des semaines, à l’approche de la visite, dans l’espoir que le souverain profite de l’occasion pour prononcer de véritables excuses. Les autorités britanniques ont déjà averti qu’il ne fallait pas s’attendre à plus, même si d’autres déclarations du roi peuvent avoir lieu plus tard lors de la visite.

En 2013, le Royaume-Uni a versé une indemnisation d’environ 25 millions de dollars au Kenya. Le ministre des Affaires étrangères de l’époque avait alors « reconnu que les Kényans avaient été soumis à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements de la part de l’administration coloniale ». Mais le ministre n’avait pas présenté d’excuses.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr