C’est à l’histoire originale entourant sa mort le 14 février 1474 – il aurait été exécuté, noyé dans un tonneau de vin de malvoisie – que le duc de Clarence, frère de deux rois d’Angleterre mais n’ayant pas régné lui-même, doit une partie de sa célébrité. Dans un contexte historique, la guerre des Deux-Roses, connue pour ses nombreux rebondissements et complots, la violence et la brutalité de ses événements, il n’est pas surprenant que la mort du duc de Clarence, exécuté sur ordre de son frère, le roi Édouard IV, ait pu donner lieu à une telle légende, mêlant cruauté et cynisme.
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Le duc de Clarence, traître au cœur de la guerre des Deux-Roses
De la maison d’York, Georges Plantagenêt, devenu duc de Clarence lors de l’accession de son frère, Édouard IV, au trône d’Angleterre en 1461, est un acteur majeur au cœur de la guerre des Deux-Roses. Ce conflit oppose depuis 1455 les Maisons royales d’York (dont l’emblème est une rose blanche) et de Lancastre (à la rose rouge comme emblème).
Marié à Isabelle Neville, la fille du puissant Richard Neville, comte de Warwick, à la réputation de « faiseur de rois », le duc de Clarence s’allie à ce dernier et, à la tête d’une armée, vainc et fait prisonnier son propre frère, le roi Édouard IV. Le roi sera libéré par Richard, duc de Gloucester, frère d’Édouard et de Georges, mais il devra se résoudre à fuir et subir le rétablissement sur le trône de son ennemi, Henri VI de Lancastre, soutenu par le comte de Warwick.
Le retour au pouvoir de la Maison de Lancastre menace directement les intérêts de la Maison d’York et donc du duc de Clarence : cela n’est pas acceptable pour lui. Il rejoint alors le camp d’Édouard qui, après avoir triomphé de l’armée du comte de Warwick, revient sur le trône.
La trahison du duc de Clarence est pardonnée par le roi et il reçoit même le titre de comte de Warwick et Salisbury. Cependant, à l’occasion de cette guerre fratricide, sorte de guerre dans la guerre, le duc a révélé au grand jour, outre sa duplicité, la puissance de ses ambitions lesquelles ne pouvaient, l’une comme l’autre, laisser indifférents ses propres frères.
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Une exécution entourée de mystère
L’accalmie est de courte durée et le duc va devoir affronter les ambitions de Richard, duc de Gloucester, son autre frère, qui souhaite épouser la fille cadette du comte de Warwick, Anne Neville. Malgré les intrigues du duc de Clarence pour empêcher ce mariage (responsables de sa garde, lui et son épouse, Isabelle Neville, auraient conduit Anne à Londres déguisée en fille de cuisine…), Richard parvient à l’épouser, ce qui fait de lui un concurrent direct pour l’héritage des biens et du réseau de vassaux du comte de Warwick.
Malgré un compromis proposé par le roi Édouard IV et ratifié par le Parlement, le duc de Clarence est animé par un désir de vengeance. À la mort en couches de son épouse Isabelle, il envisage de se marier avec Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, ce que le roi Édouard refuse absolument. Le duc de Clarence dont la colère redouble aurait alors lancé contre la reine des accusations de sorcellerie, lui imputant l’empoisonnement d’Isabelle et de son fils lors de l’accouchement.
Il semble aussi que son frère Richard n’ait pas été étranger aux soupçons de complot contre le roi émis à son encontre.
Le roi le fait alors arrêter et emprisonner à la Tour de Londres. Et saisit le Parlement des charges qu’il a contre lui. Déclaré coupable, il est exécuté en février 1478.
Guerre, trahison, conspiration, jalousie, empoisonnement, exécution, la mort du duc de Clarence n’avait pas besoin de l’histoire de sa noyade dans un tonneau de malvoisie pour donner à son personnage une noire aura. Et pourtant !
Une rumeur sur les conditions de sa mort se répandit la transformant même dans certaines versions en un acte de bravoure provocatrice : il aurait, en raison de de son goût pour la boisson, choisi lui-même de mourir ainsi…
Shakespeare, dans la pièce Richard III, un siècle plus tard, a conforté cette histoire qui, à défaut de preuve scientifique établie à ce jour, continue d’alimenter l’imagination collective.
Et ce d’autant que le doute subsiste : à l’exhumation d’un corps qui fut reconnu pour être le sien, on ne trouva pas de trace de décapitation, mode de mise à mort qui était réservé aux nobles et personnes de sang royal.
Le duc de Clarence reste ainsi un membre de la dynastie Plantagenêt, à la mort des plus troubles accompagnant son histoire.
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Sources : Britannica, Wikipédia, Le Parisien/SensAgent