Ce mardi 25 janvier 2022, la famille royale de Savoie, qui a régné sur l’Italie jusqu’en 1946, s’est assise à table avec la Banque d’Italie, dans le but d’entamer des négociations en vue de récupérer le trésor familial. Si aucun arrangement n’aboutit, l’ancienne famille royale compte bien porter l’action en justice. La famille souhaite récupérer les bijoux, pierres précieuses et autres trésors confisqués lorsque la monarchie a été abolie.
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Un trésor confié à la Banque d’Italie depuis plus de 75 ans
Le journal italien Corriere della Sera révèle que Me Sergio Orlandi, avocat de la famille royale de Savoie, participe ce mardi à la première réunion de médiation avec les représentants de la Banque d’Italie, du Premier ministre et du ministère de l’Économie. L’ancienne famille ayant régné de 1861 à 1946 sur le royaume d’Italie souhaite récupérer 6732 pierres précieuses et 2000 perles, de tailles différentes et montées sur différentes pièces comme des diadèmes, des colliers, des boucles d’oreilles ou des broches.
En juin 1946, les Italiens décident, par référendum, d’abolir la monarchie. Dans les jours qui ont suivi cette décision, le dernier roi, Humbert II, fut prié d’apporter dans un coffre les joyaux de la Couronne italienne. Le coffre est bien gardé depuis lors, dans un caveau du palais Koch, le siège de la Banque d’Italie, situé au numéro 91 de la Via Nazionale à Rome. Ce coffre est ultra-protégé, scellé par 11 sceaux différents. Ironie du sort, Humbert II remet les bijoux à Luigi Einaudi, gouverneur de la Banque d’Italie, qui sera le futur président de la République italienne.
Trois quarts de siècle plus tard, personne ne sait pourquoi personne ne s’est jamais posé la question de savoir à qui appartiennent ces bijoux. À l’époque, le coffre était seulement considéré comme « confié » à la banque et devait « être tenu à disposition de qui de droit ». Cette mention vague dans les procès-verbaux de l’époque ne permet pas de déterminer qui sont les propriétaires des bijoux. Il y a aussi un débat entre ce que disait la Constitution transitoire, concernant les biens confisqués à la famille royale, puisqu’ici on ne parle pas de réelle confiscation mais de biens confiés.
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Les descendants du roi Humbert II entament une médiation avec la Banque d’Italie
Les descendants du roi Humbert II, dont ses deux filles, son fils, et ses petits-enfants, n’ont jamais réclamé le coffre, par peur de compromettre leurs relations avec l’État italien. Rappelons que la famille était contrainte à l’exil jusqu’en 2003. Cependant, plusieurs de ces bijoux étaient des biens personnels, des cadeaux, achetés avec leur propre argent et non des bijoux obtenus par l’argent affecté à l’exercice des fonctions du roi.
« L’actuel Premier ministre, Mario Draghi, lorsqu’il était gouverneur de la Banque d’Italie, à l’occasion de notre conversation, avait exprimé sa volonté d’examiner la question », explique Emmanuel-Philibert de Savoie, fils unique du prince Victor-Emmanuel de Savoie, lui-même le seul fils du roi Humbert II. Maintenant que Draghi est au pouvoir, la famille royale italienne espère que l’ancien gouverneur de la Banque d’Italie se souvienne de son point de vue qu’il avait à l’époque sur la question.
Le prince Emmanuel-Philibert, qui est convaincu que les héritiers du roi Humbert II doivent être considérés comme « ceux à qui de droit », ajoute qu’après avoir récupéré les bijoux, ils seraient ensuite exposés au public ». Un des arguments non négligeables de l’histoire est qu’actuellement, et depuis 75 ans, ces joyaux sont cachés dans un coffre que personne ne peut en profiter. Une tentative de les exposer à l’occasion des Jeux olympiques de Turin avait échoué.
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Les scellés ont été brisés, en 1976, à la demande d’un procureur de Rome qui souhaitait réaliser un inventaire et vérifier qu’aucun bien n’était manquant. Des informations se contredisent ensuite, car Corriere della Sera a publié un correctif reçu de la part de Gianni Bulgari après la publication de leur article. Selon le dirigeant de la maison Bulgari c’est dans les années 60 qu’il a été réquisitionné pour expertiser les bijoux et non en 1976. L’estimation était de 2 milliards de lires, ce qui correspondrait à 18 millions d’euros, selon la revalorisation de l’Istat.
« Aucune évaluation ou catalogage n’a été fait, mais l’impression que j’ai eue de cette visite était celle d’objets d’une qualité et d’une valeur étonnamment modestes. Il n’y avait pas de pierres de couleur, d’émeraudes, de rubis, de saphirs ou même de diamants de quelque valeur que ce soit. Je ne suis pas au courant que Bulgari ait fait une évaluation en 1976. Je suis incapable de donner des chiffres par cœur maos je peux confirmer que leur valeur actuelle ne pourrait pas dépasser au maximum quelques millions d’euros », écrivait Gianni Bulgari dans un droit de réponse envoyé au journal en novembre dernier.
Toutefois, selon d’autres experts, la valeur pourrait être 10 ou 15 fois supérieures. Corriere della Sera évalue le trésor à 300 millions d’euros, si on se base sur la vente récente chez Sotheby’s d’autres anciens diadèmes de la famille royale, dont les prix se sont envolés et qui étaient nettement supérieurs aux prix de la mise en vente.
Le prince Victor-Emmanuel de Savoie, 84 ans, et ses sœurs, la princesse Maria Pia, 87 ans, la princesse Maria Gabriella, 81 ans, et la princesse Marie-Béatrice, 78 ans, espèrent trouver un arrangement. « Si à l’issue de la médiation les parties n’arrivent pas à une solution, la famille de Savoie poursuivra en justice l’Etat dans l’intention de récupérer les bijoux », écrit Il Messagero. La famille avait fait savoir son intention formelle de récupérer leurs pierres précieuses, en adressant une lettre à la Banque d’Italie, au Premier ministre et au ministre de l’Économie, en novembre 2021. En vingt-quatre heures, ils ont reçu une réponse claire de la Banque, expliquant : « Le retour ne peut être accepté, compte tenu des responsabilités du dépositaire ». Insatisfaite par la réponse, la famille organise une médiation aujourd’hui autour du médiateur Giovanni De Luca.