L’époque est trouble, porteuse de changements irréversibles qui emportent les dynasties, les familles et rompent sous leurs assauts bien des espérances. C’est le début du XXe siècle, la fin de la Première Guerre mondiale est proche mais elle ne signe pas pour autant, avec la fin des combats, celle des errements et des désillusions.
La destinée de Guillaume, né en 1864, descendant de la Maison de Wurtemberg par son père, des princes Grimaldi par sa mère, est surprenante par la constante opposition des évènements qui brident son accession au trône, qu’il s’agisse de celui de Monaco, de celui de la Lituanie, ou encore de celui de l’Albanie. Rarement autant de possibilités exaltantes auront été évoquées, pour disparaître bien vite, comme autant d’illusions. Un roi contrarié, certainement, mais néanmoins un prince qui, soldat émérite, général d’infanterie de l’armée impériale allemande, père de neuf enfants, a pu ancrer sa descendance dans l’histoire européenne, dont elle continue de faire partie.
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L’illusion albanaise
À sa création en 1912, le nouvel état albanais est pour les puissances européennes qui le dirigent en sous-main destiné à devenir une monarchie à laquelle il faut un roi. Pressenti, Guillaume aurait enfin une couronne à ceindre : las ! ce sera un autre prince allemand, Guillaume de Wied, d’une vieille famille luthérienne et rhénane qui montera sur le trône. On ne sait si le duc évincé croyait véritablement en ses chances…
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L’épisode Mindaugas II
Entretemps, la Lituanie, pays à l’histoire tourmentée, se cherche un roi. En juin 1918, l’empereur Guillaume II désigne le duc d’Urach comme roi de Lituanie ; le 11 juillet, c’est l’élection. Il réunissait semble-t-il bon nombre de conditions pour cet avènement : sa religion catholique, comme la majorité des Lituaniens, sa brillante carrière militaire. Dans son ascendance figuraient en ligne directe des rois lituaniens.
Par cette couronne, il offrait ainsi au pays la protection allemande et la possibilité de continuer à exister en qualité de monarchie constitutionnelle. Mais, bien sûr, dès novembre 1918, cette perspective disparaissait avec la chute de l’Empire allemand. Guillaume n’avait pas été couronné, n’avait pas eu le temps de se rendre dans « son » pays, d’y apprendre une langue qu’il ne connaissait pas. Il devait, avant d’y avoir pleinement accédé, renoncer à ce nom de Mindaugas qui avait été choisi en référence à Mindaugas Ier, ce lointain ancêtre du XIIIe siècle, premier roi à accepter le baptême et à réussir la création d’un état national, malgré la menace belliqueuse des voisins russes, germains, polonais…
Le renoncement
Guillaume (Wilhem), comte de Wurtemberg, duc d’Urach selon le titre morganatique pour la première fois dévolu à son père, naît à Monaco : il est le fils de la princesse Florestine, elle-même fille de Florestan Ier, souverain de la principauté. Son cousin Albert Ier, fils de son oncle maternel Charles III et surnommé le « prince navigateur », a un fils unique, Louis, qui n’est pas marié ; la succession pourrait, avec l’aide du ciel, s’ouvrir à Guillaume, petit-cousin de Louis II… Mais c’est compter sans l’opinion de la France, fort inquiète des conséquences évidentes d’une présence allemande sur le Rocher, en cette fin de la Première Guerre mondiale.
Pour contrecarrer les embûches d’une telle succession, il ne faudra rien de moins que de modifier les règles dynastiques. En monarque avisé, Albert Ier s’y emploie : Louis, déjà âgé, a une fille naturelle, Charlotte, que le souverain adopte comme sa propre fille. Par son mariage, et les enfants qui viendront, elle assurera la descendance des Grimaldi et la France se réjouit de repousser le prétendant allemand. Le renoncement définitif de Guillaume interviendra en 1924, au bénéfice toutefois de lointains cousins français…
Militaire et père de famille
Les succès de ce militaire ne se feront quant à eux pas attendre et lui apporteront des victoires incontestées. Campagnes de France et de Belgique en 1914, de Pologne en 1915, campagne de Serbie, bataille de la Somme, jusqu’en 1917, date de sa retraite en tant que général de division, le duc brille au combat. Devenu veuf, il s’éteindra en 1928, en Italie, après un second mariage sans descendance. Ses nombreux enfants, tous issus de son premier mariage avec Amélie en Bavière, nièce de l’impératrice Sissi et de la duchesse d’Alençon, assurent la postérité de ce roi malmené par un siècle en crise.
Source : Universalis