« Et si les États-Unis devenaient une monarchie ? », c’est la question que se sont posés les membres du Congrès continental alors qu’ils tentaient d’imaginer un régime solide et autoritaire pour les États-Unis fraîchement libérés du joug britannique. Un échange de lettres a eu lieu des deux côtés de l’Atlantique dans l’éventualité de faire monter sur le trône des États-Unis un prince européen. Le prince Henri de Prusse, frère du roi Frédéric II de Prusse, fut le candidat envisagé. Qui serait le roi des États-Unis aujourd’hui s’il n’avait pas décliné la proposition ?
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Le jour où les États-Unis auraient pu devenir une monarchie
Contrairement aux rumeurs et aux légendes urbaines qui circulent autour de George Washington, rien ne prouve qu’il fut un jour question de faire de lui le premier monarque du pays. Par contre, l’instauration de la monarchie en Amérique, une théorie longtemps considérée par les historiens comme farfelue, a bel et bien été envisagée. Il a fallu retrouver une lettre de refus d’un prince vaguement connu du grand public pour confirmer que le trône des États-Unis lui avait bien été proposé.
Dix ans après avoir signé la déclaration d’indépendance de la Grande-Bretagne, les délégués des 13 anciennes colonies tentaient toujours d’instaurer un régime fort pour gouverner les nouveaux États-Unis d’Amérique. Plusieurs Congrès continentaux se sont succédé jusqu’à l’écriture de la Constitution en 1787, et son entrée en vigueur en 1789, qui optera pour un régime républicain.
Pourtant, en 1786, les États-Unis ont failli devenir une monarchie. Le Congrès continental, avec Nathaniel Gorham comme 5e président, peinait à imposer sa vision. La population, les soldats et les vétérans se montraient extrêmement méfiants, c’est alors que la monarchie sembla être un régime adéquat, jugée par les membres du Congrès comme étant la forme la plus autoritaire du pouvoir. C’est le prince Henri de Prusse qui fut le candidat providentiel.
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Le prince Henri de Prusse, 1e roi des États-Unis
Le choix du prince Henri de Prusse peut sembler étonnant. Pourquoi lui ? Henri, prince de la puissante famille de Hohenzollern, confortablement installé dans son palais à Berlin, était le 13e enfant du roi Frédéric-Guillaume 1e et de la reine Sophie-Dorothée, née princesse de Hanovre.
En 1786, c’est le despote éclairé Frédéric II, le frère d’Henri, qui régnait sur la Prusse. Henri, qui avait épousé par convenance Wilhelmine de Hesse-Cassel, n’avait pas d’enfant. Sa carrière militaire, cependant, avait fait sa réputation jusque de l’autre côté de l’Atlantique. Nommé colonel de l’armée prussienne à l’âge de 14 ans, il se révéla être un dirigeant extrêmement talentueux ainsi qu’un chef éclairé comme son frère aîné. Le prince francophile était également très érudit et intéressé par l’art et les idées de Voltaire.
Selon les historiens, le choix du prince Henri de Hohenzollern pour régner sur les États-Unis, a été influencé par Friedrich von Steuben, un vétéran de l’armée prussienne, qui rencontra le général Washington à l’abri d’hiver de Valley Forge. Le vétéran von Steuben avait auparavant combattu en Europe, puis avait été fait baron suite à son travail en tant que chambellan à la cour de justice des princes d’Hechingen, la branche catholique des Hohenzollern. Il avait fréquenté et suivi les ordres du prince Henri, frère du roi de Prusse.
Friedrich von Steuben, qui participera à la guerre d’indépendance des États-Unis, se liera d’amitié avec Alexander Hamilton, l’aide de camp du général George Washington. C’est certainement lui qui au fil de ses discussions avec les grands décideurs de l’époque, soufflera le nom du prince, jusqu’à ce que le président du Congrès continental, Nathaniel Gorham, finisse par prendre sa plume et inviter le prince prussien à traverser l’Atlantique pour s’emparer du trône.
La lettre originale de Nathaniel Gorham au prince Henri de Prusse a malheureusement été perdue et l’absence de preuves a longuement participé à la légende de ce que l’histoire a appelé le « Plan prussien ». C’est un siècle plus tard que sera finalement retrouvée dans des archives de la cour prussienne une lettre mentionnant le refus du prince Henri. Le modèle monarchique proposé semblait se baser sur celui existant en Grande-Bretagne, celui dont les Américains s’étaient pourtant battus pour s’en défaire.
Rufus King, qui fut l’un des Pères fondateurs des États-Unis et qui sera plus tard sénateur de New York, parle des possibilités d’instaurer un régime monarchique dans ses mémoires publiées en six volumes après sa mort. Dans une lettre, Rufus King explique avoir appris que le prince Henri aurait refusé la proposition de Nathaniel Gorham, en déclarant que « les Américains avaient montré tellement de détermination à l’encontre de leur ancien roi, qu’ils ne se soumettraient pas facilement à un nouveau ». Dans une lettre retrouvée dans les archives du prince, on apprend également qu’il aurait proposé un candidat français à sa place, sans nommer qui aurait pu convenir à la tâche.
Si Henri de Hohenzollern était devenu roi des États-Unis, l’histoire aurait été toute autre. N’ayant pas de descendant mâle se serait-il remarié pour avoir enfin un fils ? Mort en 1802, ses frères ainés étaient déjà décédés. En 1802, c’est son neveu, le roi Frédéric-Guillaume II qui régnait sur la Prusse. Après avoir succédé à son oncle Frédéric II en Prusse, Frédéric-Guillaume II aurait-il aussi succédé à son oncle Henri aux États-Unis quelques années plus tard ? Il aurait été également possible qu’Henri désigne son dernier frère, le prince Auguste-Ferdinand, le dernier encore vivant en 1802 pour lui succéder. Imaginer une sorte de super puissance entre le royaume de Prusse et le royaume des États-Unis serait le début d’un formidable roman uchronique.
Pour ceux qui aiment les « si » et « mettre Paris en bouteille », cette excellente vidéo en anglais détaille l’hypothèse de qui serait le roi des États-Unis aujourd’hui si George Washington n’avait été élu président mais roi :
Source : Time