Haïti est l’un des rares pays des Caraïbes à avoir eu ses propres souverains indigènes à l’époque moderne. Cette île, à la politique souvent instable, a été une monarchie, une république et un empire, englobant tantôt la partie occidentale de l’île Hispaniola, tantôt sa totalité. Le premier monarque est Jacques 1e, ancien esclave dans les plantations de canne à sucre.
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D’esclave à dirigeant des révoltes
En 1758, naquît Jean-Jacques Duclos, du nom de son propriétaire, dans la colonie française de Saint-Domingue. Saint-Domingue était une possession française depuis 1626 et occupait la partie occidentale de l’île d’Hispaniola, l’autre partie étant espagnole. Jean-Jacques, esclave d’origine africaine, s’instruira auprès de sa tante, qui lui apprendra aussi à se battre et à manier le lancer de couteau. À 30 ans, une fois affranchi de son travail dans les champs de canne à sucre, Jean-Jacques prendra le nom de Dessalines.
Dans le contexte de la Révolution française, alors que les Français veulent s’emparer de la partie espagnole de l’île, on dit qu’un mouvement de révolte des esclaves noirs a débuté lors d’une cérémonie vaudoue. Rapidement, la révolte prend de l’ampleur, les esclaves brûlent les plantations. Jean-Jacques Dessalines s’engage dans les groupuscules armés auprès de Toussaint Louverture, ancien esclave affranchi et lui-même devenu propriétaire, qui avait prêté allégeance au roi d’Espagne et menait la révolte.

Jean-Jacques Dessalines et Henri Christophe deviennent les lieutenants de Toussaint Louverture. Pendant 5 ans, Haïti connait une période sanglante, entre mutineries, bains de sang, révoltes, prises d’otages, guerres et expéditions meurtrières. Une constitution autonomiste est proclamée en 1801. En 1802, Louverture accepte sa reddition à Napoléon, qui promulgue une loi du maintien de l’esclavage. Henri Christophe et Jean-Christophe Dessalines acceptent à leur tour leur reddition. Louverture sera déporté en France, gardé captif dans le Jura où il mourra un an plus tard de malnutrition et de froid.
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La proclamation de l’indépendance
Soumis à la France et retiré dans le nord de l’île, Dessalines se révoltera à nouveau en octobre 1802, en apprenant le rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe. Un congrès des révoltés se tient en mai 1803, durant lequel le drapeau haïtien est inventé, sur base du drapeau français, duquel la partie blanche a été retirée, en référence à la couleur de peau.
En novembre 1803, de nombreux Français périssent de la fièvre jaune. Face à l’armée d’indigènes dirigée par Dessalines, le général français Rochambeau capitule et négocie son évacuation de l’île dans les 10 jours. Ils quittent l’île mais ils seront rapidement rattrapés en mer par les Britanniques et capturés. Dès le départ de Rochambeau et des Français, Jean-Jacques Dessalines proclame l’indépendance du pays le 1e janvier 1804 à Gonaïves. Il donne le nom d’Ayiti au nouveau pays, qui devient le premier état noir libre du monde.
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Le massacre des Blancs par l’empereur Jacques 1e d’Haïti
Le nouvel empereur, pas encore couronné, veut détruire toute trace blanche de l’île. Il promulgue des lois obligeant le meurtre de tous les Blancs. La constitution permet deux exceptions : les Allemands et les Polonais sont épargnés. Il comptait au départ épargner les femmes, mais elle auront la gorge tranchée elles aussi. En à peine quatre mois, entre 3000 et 5000 Blancs ont été tués. En avril 1804, toute la population blanche a disparu.

Jacques 1e prête serment lors d’une cérémonie d’investiture digne de ce nom et devient chef d’Haïti à vie, le 2 septembre 1804. Dans cette nouvelle monarchie impériale héréditaire, son fils ainé, Jacques, devient le prince héritier. Jacques 1e va créer une aristocratie militaire et il va jouer un grand rôle dans la politique agraire du pays. Jacques 1e installe des gouverneurs dans les régions de son pays. Parmi ces gouverneurs, aux pouvoirs importants, il y a son fidèle général, Henri Christophe.
L’assassinat de Jacques 1e
La politique agraire dictatoriale de l’empereur engendrera une révolte dont il ignorait l’existence. Plusieurs de ses proches, y compris Jean-Pierre Boyer et Henri Christophe, fomenteront son assassinat. Il est tué le 17 octobre 1806.
À sa mort, son fils héritier, Jacques, pense pouvoir lui succéder mais le nouveau pouvoir en place abolit la monarchie. Le pays est alors scindé en deux. Henri Christophe devient le président à vie de l’État d’Haïti, une république au nord de l’île. Alors qu’au sud, c’est Alexandre Pétion qui est élu président dans ce qui sera la République d’Haïti.

Henri Christophe, président à vie de l’État d’Haïti, se proclamera roi en 1811. Il deviendra le roi Henri 1e du royaume d’Haïti. Sa nouvelle monarchie haïtienne ne tiendra que 9 ans et 6 mois. La monarchie tombera avec lui, lorsqu’il se donnera la mort en 1820 et que son fils héritier sera assassiné. La république sera à nouveau proclamée par Jean-Pierre Boyer, successeur de Pétion dans la république du sud, qui réunifiera le nord et le sud.
Jean-Jacques Dessalines avait épousé en 1800 Marie-Claire Bonheur. Avec son épouse, il eut 7 enfants. Il eut aussi de nombreux enfants illégitimes, dont certains ont été légitimés, avec l’autorisation de Marie-Claire. Il s’agit des 8 enfants qu’il a eus avec sa maitresse Euphémie Daguilh. Tous les enfants légitimes et illégitimes mais reconnus sont devenus princes et princesses.
En 1847, Faustin Souloque devient président. Deux ans plus tard, en 1849, le président autoritaire s’octroie les pleins pouvoirs et restaure la monarchie pour la troisième et dernière fois. Il s’autoproclame empereur Faustin 1e. Son empire tiendra jusqu’en 1859.