La main tendue du prince Victor-Emmanuel de Savoie pour mettre fin à la querelle dynastique avec le duc d’Aoste

La querelle dynastique initiée par le prince Amédéo de Savoie-Aoste, duc d’Aoste, à l’encontre du prince Victor-Emmanuel de Savoie n’a pas pris fin à son décès en 2021. Son fils et héritier, le prince Aimone, revendique comme son père la tête de la Maison royale de Savoie. Le prince Victor-Emmanuel de Savoie, fils unique du dernier roi d’Italie, s’est exprimé publiquement à ce sujet, tentant pour la dernière fois de ramener son cousin à la raison.

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Resté muet jusqu’ici, le prince de Naples s’adresse publiquement au duc d’Aoste

La querelle dynastique entre les deux chefs des branches de la Maison royale de Savoie s’était quelque peu apaisée après le décès du prince Amédée de Savoie-Aoste, le 1e juin 2021. La prétention au trône d’Italie du 5e duc d’Aoste n’était pas claire jusque dans les années 2000. Lui et ses partisans ont profité d’affaires entourant le prince Victor-Emmanuel de Savoie, fils unique du roi Humbert II, pour invalider son rôle de chef de famille au motif du non-consentement de son mariage par le défunt roi. Un motif réfuté à maintes reprises par le prince Victor-Emmanuel, prince de Naples, notamment par le fait que son père ait convié son épouse Marina à l’accompagner à des événements publics et à sa présence au baptême de son fils, le prince Philibert-Emmanuel.

Le prince Victor-Emmanuel de Savoie, prince de Naples, et son épouse, la princesse Marina, photographiés chez eux (Photo : David Nivière)

On pensait la querelle dynastique apaisée suite au décès du 5e duc d’Aoste. Son fils et héritier, le prince Aimone, 6e duc d’Aoste, avait d’ailleurs croisé le prince Emmanuel-Philibert, prince de Venise, au mariage du grand-duc Georges de Russie à Saint-Pétersbourg et l’ambiance était plutôt cordiale entre les deux cousins. Ils avaient même accepté de poser côte à côte au cocktail de bienvenue au palais Vladimir, la veille du mariage.

Le prince Aimone de Savoie-Aoste, le grand-duc Georges Mikhaïlovitch de Russie, le prince Emmanuel-Philibert de Savoie et le prince Charles-Philippe d’Orléans (Photo : David Nivière/Abacapress)

Cette semaine, le prince Victor-Emmanuel a fait une déclaration publique à ce sujet, lui qui préfère d’habitude se taire. « Je suis contraint malgré moi de revenir sur des questions sur lesquelles je suis longtemps resté muet et sur lesquelles je ne serais plus contraint d’intervenir, surtout dans un moment aussi complexe pour notre patrie, où l’attention de nous tous est justement dirigée à des urgences très différentes », justifie l’héritier du roi d’Italie dans un rare communiqué rendu public, adressé au duc d’Aoste.

Il déclare vouloir mettre un terme à cette « opposition dynastique insensée qui, je l’espère, sera surmontée par les faits incontestables, le bon sens et aussi par un esprit renouvelé d’unité familiale. » Le prince parle d’une « d’une conversation téléphonique » qu’il aurait eue avec le prince Aimone, durant laquelle ils auraient tous les deux partagé leur « désir d’unité ». Il rappelle aussi : « Pour ma part, il n’y a jamais eu d’acte hostile. En effet, notre conversation d’il y a quelques mois et votre rencontre avec mon fils Emmanuel-Philibert, en Russie, semblaient aller dans le sens d’arriver à surmonter intelligemment cette divergence néfaste. »

Le duc d’Aoste et le prince de Venise réunis au mariage du grand-duc Georges Mikhaïlovitch. Ils posent ensemble lors du cocktail de bienvenue au palais Vladimir, la veille du mariage (Photo : David Nivière/Abacapress)

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Les intérêts de l’Italie et des ordres de la Maison de Savoie doivent primer

Le prince Victor-Emmanuel constate la mise en ligne de nouveaux sites internet clamant la légitimité du duc d’Aoste et des partisans de plus en plus actifs sur les réseaux sociaux. Il passe également en revue les différents arguments avancés ces dernières années par son cousin pour le discréditer, comme une prétendue lettre que son père lui aurait adressée.

S’il y a pu y avoir quelques tensions et divergences entre le roi Humbert et son fils unique, tout cela fut mis de côté avec le temps. « En effet, le baptême de mon fils, dix ans avant sa mort, a été l’occasion pour la famille de se retrouver véritablement », assure le fils du roi. « Une situation confirmée dans les années suivantes par quelques gestes sans équivoque de la part d’Humbert II, avant tout publics, visibles et documentés,et non le fruit de suppositions ou de reconstructions singulières. Par exemple, lors de son dernier discours public à Beaulieu-sur-Mer, le 4 juin 1978, et que beaucoup appellent son “testament aux Italiens”, où il voulait aussi que ma femme soit à ses côtés. »

Le prince de Naples, que son père n’a jamais déchu de son titre, parle aussi de la dernière conversation qu’il a eue sur son lit de mort avec le souverain, qui aurait évoqué la succession à travers le prince Emmanuel-Philibert. En signe d’apaisement, le prince de Naples écrit : « Il est juste que chacun sache que de ma part il n’y a non seulement aucune hostilité à votre égard mais il y a une affection sincère : mes bras seront toujours ouverts pour construire quelque chose d’utile, sous la garde de la mémoire dynastique et dans la juste distinction des rôles. Mais rappeler la devise « L’Italie d’abord » ne peut être qu’un exercice de rhétorique. »

Outre la prétention au trône d’Italie et le rôle de chef de la Maison royale de Savoie, la querelle vient également parasiter les actions humanitaires menées aux quatre coins du monde par les ordres des Saints Maurice et Lazare. Le prince de Naples rappelle qu’en 1973, lors d’un chapitre général de l’ordre que le roi Humbert II avait présidé, le prince Amédée était présent et comprenait l’importance d’une unité pour mener à bien les missions de l’ordre. En 1988, le prince de Naples a lui-même dirigé le chapitre de l’ordre et a conféré la grand-croix de l’Ordre de Saints Maurice et Lazare à Silvia, l’épouse du prince Amédée. « Je serais ravi de pouvoir accueillir aujourd’hui votre femme et, quand ils auront l’âge, vos enfants dans nos ordres », ajoute le prince Victor-Emmanuel.

« Ayant atteint 85 ans et une quarantaine d’années depuis que j’ai été appelé à succéder à mon père, il est plus que jamais de mon devoir précis aujourd’hui de faire ce dernier appel à l’unité familiale », continue le prince. « Je ressens le besoin de vous demander d’accompagner mon fils Emmanuel-Philibert, également en vue de la tâche qui l’attend, car je crois qu’ensemble vous pouvez faire beaucoup pour l’avenir de la Maison de Savoie. Je crois qu’il est possible de faire des pas en avant ensemble, mais que chacun sait que la paix se construit à deux et que je ne peux pas le faire seul. Avec amour et considération », conclut le chef de la Maison de Savoie.

La famille royale de Savoie, à l’origine régnant sur la Savoie, puis sur la Sardaigne, a régné sur l’Italie réunifiée à partir de 1860, lorsque le roi Victor-Emmanuel II est devenu le premier roi d’Italie. La branche d’Aoste descend d’Amédée, fils cadet de Victor-Emmanuel II, alors que les rois d’Italie suivants descendent d’Humbert 1e, fils aîné de Victor-Emmanuel II. La branche d’Aoste a elle-même eu ses propres rois éphémères en Espagne et en Croatie.

La famille royale d’Italie et la branche d’Aoste (Image : Histoires Royales)

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L’année dernière, une guerre par média interposé avec son cousin avait mis en colère le prince Emmanuel-Philibert, petit-fils d’Humbert II. « Assez maintenant avec ces absurdités, il est temps d’arrêter », écrivait en colère le prince de Venise sur ses réseaux sociaux. « Arrêtons de faire parler les morts et respectons leur repos ! ». Le prince Emmanuel-Philibert affirmait alors : « Le Roi, mon grand-père, a reconnu sans équivoque mon père comme le futur chef de la Maison royale de Savoie, avec ma mère à ses côtés lors de sa dernière rencontre avec les Italiens en France ».

Pour prouver que son grand-père avait approuvé le mariage de ses parents, le prince Emmanuel-Philibert a rendu publique une lettre inédite, écrite par Charles-Guibert d’Udekem, l’exécuteur testamentaire de son grand-père. Les deux autres exécuteurs testamentaires sont le roi Siméon II de Bulgarie et Maurizio Langravio d’Assia. Dans cette lettre, les exécuteurs testamentaires indiquent que les héritiers du roi Humbert II «reconnaissent le prince Victor-Emmanuel, chef de la Maison royale de Savoie». Les héritiers en question ont également signé le document. Il s’agit des héritiers légaux, à savoir la veuve du Roi, la reine Marie-José, et leurs deux filles, les princesses Marie Gabrielle et Marie Beatrice.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr