Le prince Karim Aga Khan est décédé ce 4 février à Lisbonne, à l’âge de 88 ans. Pendant 67 ans, l’Aga Khan IV a dirigé les Ismaéliens en tant que 49e imam. Suite au décès, la famille Aga Khan s’est réunie au Portugal pour lire le testament du défunt et reconnaître son successeur. Il s’agit de son fils aîné, le prince Rahim Aga Khan, nouveau 50e imam et Aga Khan V.
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La chaîne héréditaire de l’imamat n’a pas été rompue
Ce 4 février 2025, le prince Karim Aga Khan, 49e imam des Ismaéliens est décédé à Lisbonne, à l’âge de 88 ans. Son décès tourne une page importante dans l’histoire des Ismaéliens mais elle en ouvre une autre. Comme dans toute lignée héréditaire, la mort du chef entraîne la prise de fonction immédiate de son successeur. L’imamat des Ismaéliens nizârites est assuré par une chaîne continue depuis que le prophète Muhammad a désigné son gendre et cousin, Ali ibn Ali Talib comme « imam », soit son successeur temporel et spirituel. Dans la tradition chiite imamiste, la mort d’un imam implique le « nass », soit le transfert de l’imamat d’un imam à un autre par désignation explicite. L’imam dirige les Ismaéliens, un courant chiite pratiqué par 12 à 15 millions de fidèles dans le monde.

Tout comme le Prophète a été divinement désigné par Allah, le Prophète lui-même, par l’inspiration divine a désigné l’imam Ali comme son légataire et successeur à Ghadir Khumm. Les imams, à leur tour, désignent leur successeur. À la mort d’Ali ibn Ali Talib, époux de Fatimah, fille du Prophète, c’est leur fils Hassan qui est devenu le 2e imam, puis c’est Hussein, frère d’Hassan qui est devenu le 3e imam. À partir d’Hassan, tous les imams se sont succédé de père en fils, jusqu’en 1957. À la mort de l’Aga Khan III à cette date, c’est son petit-fils, le prince Karim qui devint le 49e imam. Le « nass », soit la désignation du successeur, ayant eu lieu de son vivant, le 50e imam est devenu le guide spirituel à l’instant même de la mort du 49e imam, sans le savoir pour autant.

La transmission a eu lieu officiellement ce 5 février 2025. Comme le veut la tradition, la famille Aga Khan se réunit autour du défunt pour lire le testament de ce dernier, en présence également des hauts dignitaires du Jamat, soit la communauté ismaélienne. Devant les témoins, le prince Karim Aga Khan, fils aîné du défunt, a officiellement appris qu’il avait été choisi par son père pour lui succéder. La nomination ne fut pas une surprise, le prince Karim travaillant déjà depuis de nombreuses années auprès de son père, au sein de sa fondation, le Réseau Aga Khan de développement (AKDN).

Le nouvel imam doit à présent diriger les préparatifs des funérailles de son père. Selon la tradition musulmane, les funérailles doivent avoir lieu le plus rapidement possible après le décès. En raison des dignitaires étrangers qui doivent se rendre jusqu’au Portugal, les funérailles prennent quelques jours à organiser. En 2015, avec l’accord des autorités portugaises, l’Aga Khan IV avait désigné le palais Henrique de Mendonça, situé à Lisbonne, comme étant le siège de l’imamat ismaélien. C’est aussi dans cette ville que devraient avoir lieu les funérailles.
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Qui est le prince Rahim, nouvel Aga Khan V ?
Le prince Rahim Al Husseini Aga Khan est né en 1971 à Genève. Il est le premier fils de l’Aga Khan IV et de sa première épouse, Sarah Croker Poole, connue comme la princesse Salimah durant son mariage. Le prince Karim avait épousé la divorcée Sarah Croker Poole en 1969, ex-épouse de Lord James Crichton-Stuart, fils du 5e marquis de Bute. Le couple a eu trois enfants : la princesse Zahra (1970), le prince Rahim (1971) et le prince Hussain (1974). Le prince Karim et Sarah ont divorcé en 1995. En 1998, l’Aga Khan IV s’est remarié sur son domaine d’Aiglemont, dans l’Oise, avec Gabriele Renate Thyssen, divorcée du prince Karl Emich de Leiningen. Le couple a eu un fils, le prince Aly Muhammad Aga Khan. Leur divorce a été annoncé en 2004 et a été officiellement prononcé en 2011.

Après avoir fait de hautes études dans deux universités américaines puis en Espagne, le prince Rahim a rejoint la fondation créée par son père. Le prince Rahim est membre des comités exécutifs ou d’administration de plusieurs agences de l’AKDN. En 2013, le prince Rahim a épousé le mannequin américain Kendra Spears, au château de Bellerive, à Genève. Le prince Rahim et la princesse Salwa (nom de mariage de Kendra) ont eu deux fils, le prince Irfan (2014) et le prince Sinan (2017). Le couple a divorcé en 2022.

L’Aga Khan V hérite à la fois de la charge spirituelle qui incombe à l’imam mais aussi de l’immense fortune de son père, ainsi que sa fondation. La fortune de l’Aga Khan fut estimée à 1 milliard de dollars par Forbes il y a quelques années déjà mais d’autres estimations multiplient ce chiffre par dix. Selon le New York Times, elle avoisinerait les 13 milliards de dollars. L’Agan Khan IV était propriétaire de plusieurs centaines de chevaux de course pur-sangs, de huit haras, d’un yacht-club à Porto Cervo en Sardaigne, de deux jets privés Bombardier, du yacht Alamshar et de nombreuses propriétés dans le monde entier. En 2009, il était devenu le propriétaire de sa propre île, Bell Island, aux Bahamas. Sa propriété principale, siège de ses affaires, était le domaine d’Aiglemont, située à Gouvieux, dans l’Oise.

En plus de devenir le 50e imam le prince Rahim hérite aussi du titre d’Aga Khan, un titre donné pour la première fois au 46e imam en 1808. Ce titre accordé par le chah d’Iran Fath Ali Shah Qadjar est aujourd’hui légalement le patronyme des membres de cette famille. Le premier Aga Khan n’était autre que le gendre du chah Fath Ali Shah Qadjar. L’imam avait en effet épousé la princesse Sarvi Jahan Khanum, la fille du chah. Par conséquent, leurs descendants sont aussi des descendants des chahs d’Iran de la dynastie Qadjar. La dynastie a régné sur l’Iran jusqu’en 1925. Succédera alors la dynastie Pahlavi sur le trône impérial d’Iran.
En 1957, la reine Elizabeth II a accordé, de manière formelle, le prédicat d’Altesse à l’Aga Khan IV, au moment de sa succession à l’imamat, après le décès de son grand-père. En 1959, l’empereur d’Iran, le chah Muhammad Reza Pahlavi, a octroyé le prédicat d’Altesse royale à l’Aga Khan, un prédicat dont il n’a jamais fait usage publiquement, surtout après l’abolition de la monarchie en Iran en 1979.
Les imams ismaéliens descendent directement du Prophète. Ils suivent la croyance chiite selon laquelle le Prophète aurait désigné Ali ibn Ali Talib comme « imam », soit son successeur temporel et spirituel. Ali était à la fois son cousin et son gendre, époux de sa fille Fatimah. Le 2e imam est Hassan, le fils d’Ali, puis le 3e est Hussein, le frère d’Hassan. Par la suite, les imams se sont succédé de père en fils. Au départ, les Ismaéliens reconnaissent les mêmes imams que le courant chiite, appelés les Imams duodécimains ou les Douze imams. Les Ismaéliens se sont distingués des autres courants chiites autour de l’an 765, après la mort de Jafar, le 6e imam. Un schisme survient lorsque les courants reconnaissent des successeurs différents. Les Ismaéliens reconnaissent Ismaël, l’un des fils du précédent imam. Vers le 9e siècle, le courant semble s’installer et diriger son réseau au Yémen. C’est toutefois au début du 10e siècle que le courant ismaili semble se faire connaître, au moment de la proclamation du califat fatimide en Afrique du Nord.