Le prince Stéphane Belosselsky-Belozersky, de passage à Rome, a rendu un hommage à son aïeule, la princesse Zinaïda Alexandrovna Volkonskaïa, inhumée dans une église située face à la fontaine de Trevi. La princesse Zinaïda fut une grande poétesse et l’une des plus importantes muses des grands auteurs russes du 19e siècle. Le prince Stéphane nous raconte la vie extraordinaire de cette princesse, amie proche du tsar Alexandre 1er, immortalisée par les célèbres vers qui lui sont consacrés.
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Hommage à la princesse Zinaïda Volkonskaya à Rome
La princesse Zinaïda Belosselsky-Belozersky, née à la fin du 18e siècle, avait toutes les qualités. Cette ravissante princesse, descendante des Riourikides, était une formidable chanteuse lyrique, compositrice et sera connue pour ses talents d’écriture, en français, en italien et en russe. Cette brillante dame de la haute société épousa en 1811 le prince Nikita Grigorievitch Volkonsky et sa conversion au catholicisme fit grand bruit à l’époque. La princesse est décédée en 1862. Celle qui tint salon pour les plus grands de son époque est inhumée à l’église Saints-Vincent-et-Anastase-à-Trevi.

Ce samedi 5 octobre, le prince Stéphane Belosselsky-Belozersky a rendu un hommage à son aïeule, lors de sa visite dans la somptueuse église baroque située en face de la fontaine de Trevi à Rome. Le prince Stéphane, issue d’une branche de la famille varègue des Riourikides, nous raconte l’histoire de son aïeule, véritable muse pour les grands poètes russes de son époque. Alexandre Pouchkine, Evgeny Baratynsky, Adam Mitskevich, Piotr Vyazemsky, Ivan Kireevsky ou encore Dmitry Venevitinov, fascinés par Zénaïde, lui ont dédié de célèbres vers.

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La princesse devenue la muse de l’ère Pouchkine
La princesse Zinaïda « a probablement hérité du talent et de l’intelligence de son père, que la société moscovite appelait même l’Apollon russe », nous explique le prince Stéphane. Le père de la princesse Zinaïda était le prince Alexandre Mikhaïlovitch Belosselsky-Belozersky. La famille Belosselsky-Belozersky descend de Gleb (1238-1278), qui s’était installé à Beloozero (ou Beloïé Sélo, en français), une ville située sur la rive méridionale du lac Beloïe, qui fut érigée en principauté et lui fut accordée en apanage lorsqu’elle s’est détachée de la principauté de Rostov. Le premier prince de la principauté de Beloozero, Gleb Vasilkovitch, a épousé Feodora, arrière-arrière-petite-fille de Gengis Khan. Leurs descendants ont régné sur la principauté jusqu’en 1380, dont l’annexion définitive à Moscou a eu lieu en 1485, sous le règne du tsar Ivan III.

En allumant une bougie en mémoire de la princesse Zinaïda, le prince Stéphane explique qu’elle « a adopté l’amour des arts de son père et a commencé à écrire ses premiers poèmes et sketches musicaux dès son plus jeune âge. Ayant perdu sa mère très tôt, elle fut élevée par ses sœurs aînées et par son père, dont elle était la favorite. » Concernant sa vie sentimentale, celle-ci est aussi teintée de légendes et de mystères. Mariée au prince Nikita Volkonsky en 1811, elle donna rapidement naissance à un fils, Alexandre. Elle resta une épouse exemplaire même si « son cœur n’a pas été donné à son mari, mais à une autre personne, l’empereur Alexandre Ier », explique le prince Stéphane.

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Que s’est-il réellement passé entre la princesse Zinaïda et l’empereur Alexandre 1er ? Pour le prince Stéphane, il ne s’agirait que de relations amicales. « Il est possible qu’il y ait en eux une place pour l’amour », assure le prince. Cette relation, bien que chaleureuse, était « exclusivement platonique ». Un écrit d’Ivan Kozlov, ami de la princesse Zinaïda, envoyé a celle-ci après la mort de l’empereur, témoigne de sa proximité : « J’ai beaucoup pensé à toi tout ce temps, je sais quel genre d’ami tu as personnellement perdu en lui et à quel point cette perte est douloureuse pour toi ». Pour faire son deuil, Zénaïde écrivit des poèmes et composa même une cantate à la mémoire d’Alexandre 1er.
Zinaïda Alexandrovna Volkonskaïa est connue pour les salons qu’elle organisait et qui attirait tous les grands poètes de son époque. Elle a brillé dans les théâtres priés, en interprétant des airs d’opéra. Le jeune poète Dmitri Venevitinov, désespérément amoureux de la princesse Zinaïda, a consacré plusieurs de ses poèmes à la beauté. Pouchkine l’avait surnommée la reine des Muses, lui qui fut plus que troublé lors de sa toute première rencontre avec la princesse. « Pouchkine a été vivement touché par cette séduction de coquetterie subtile et artistique », écrivit le prince Piotr Viazemski à propos de cette rencontre. « Comme d’habitude, la couleur brillait sur son visage. Chez lui, ce signe de forte impressionnabilité était l’expression incontestable de toute sensation étonnante ».
Le soulèvement des décembristes et la période qui a suivi se sont révélés être une période difficile pour la princesse Zinaïda. Elle a organisé les adieux des épouses des décembristes, ce qui a déplu aux autorités, et ses cercles privés furent craints par le gouvernement. La princesse fut alors contrainte de quitter la Russie et à se rendre en Italie.
En Italie, la princesse s’intéresse à la foi catholique. Avec la permission de l’empereur Nicolas 1er, elle transféra le domaine à son fils et se convertit au catholicisme. Sa nouvelle demeure fut aussi considérée comme un centre de communication pour l’intelligentsia créative. « Dans ses années de déclin, la princesse en a eu assez de la vie sociale », explique le prince Stéphane. Déjà considéré « d’âge moyen » par ses contemporains, elle était alors encline au mysticisme et se referma complètement. Elle mourut en 1862 à 70 ans. La princesse ne sera jamais oubliée, notamment grâce aux nombreux poèmes écrits à sa glore, dont l’un des plus célèbres est signé Alexandre Pouchkine :
« Reine des muses et de la beauté,
Tu tiens d’une main douce
Sceptre magique des inspirations,
Et sur le front pensif,
Doublement couronné d’une couronne,
Et le génie se courbe et brûle.
Mémoire éternelle ! »