La première des six femmes connues de l’émir de Dubaï vient d’accorder une interview au journal britannique The Sunday Times. L’ex-épouse de l’émir Mohammed ben Rachid Al-Maktoum parle pour la première fois depuis son divorce dans les années 70. Renvoyée au Liban à son divorce, sans argent, l’ancienne cheikha Randa al-Banna, raconte son kidnapping, son mariage forcé et son interdiction de séjour aux Émirats arabes unis. Sa plus grande punition est l’interdiction d’approcher sa fille, la cheikha Manal bint Mohammed ben Rachid al Maktoum… âgée de 42 ans.
Encore mineure, Randa al-Banna a épousé le cheikh Mohammed ben Rachid al-Maktoum
Dans un article du Sunday Times du 22 décembre 2019, Randa al-Banna, une Libanaise de 64 ans parle pour la première fois. Randa al-Banna n’avait que 16 ans, en 1972, lorsqu’elle a été expulsée de l’école catholique où elle étudiait, à cause de son mauvais comportement. C’est également à cette date qu’elle rencontre à Beirut le prince Mohammed ben Rachid al-Maktoum, à l’époque frère de l’émir de Dubaï et tout juste nommé ministre de la Défense des Émirats arabes unis.
À l’époque, l’adolescente vient d’être expulsée de l’école dirigée par des nonnes et ne connait pas Dubaï. Lorsqu’elle rencontre ce prince de 23 ans, ils font la fête jusqu’à plus d’heures et ils mènent une vie de sorties et de paillettes. Elle tombe rapidement sous son charme, ils se marient et vivent la grande vie, remplie de « jets privés, de champagne et de soirées au Tramp, une boite de nuit londonienne ». En 1977 nait leur première fille, Manal bint Mohammed ben Rachid al-Maktoum.
Pendant les premières années de leur mariage, ils vivent principalement à Londres et la cheikha Randa al-Banna ne met quasiment jamais les pieds à Dubaï. Leurs premières années de mariage sont heureuses, jusqu’à ce que le trait de caractère « pas facile et borné » du prince ressorte et qu’elle découvre ses autres facettes. Depuis toujours, Randa ne se sent pas à l’aise avec la culture bédouine qu’apprécie aussi son époux, qui paradoxalement vit la grande vie occidentale lorsqu’il est loin de son pays.
Plusieurs obligations culturelles du prince lui ont toutefois fait se rendre compte que sa liberté ne tenait qu’à peu de choses. Lorsqu’ils se sont mariés, alors qu’elle était encore mineure, la famille émiratie l’a forcée à adopter le prénom de Haifa, jugeant le prénom de Randa trop occidental. Elle était connue parmi la famille comme la cheikha Haifa. Ensuite, son époux, connu encore actuellement pour son amour pour la poésie, lui écrivait des poèmes dans un dialecte arabe qu’elle ne comprenait pas, sentant qu’il accordait beaucoup d’importance à sa culture, la laissant parfois dans l’incompréhension la plus totale.
La première femme de l’émir de Dubaï n’a plus vu sa fille depuis plus de 40 ans
Randa parle alors d’un « incident » qui se serait produit avec son mari, sans préciser au journaliste du Sunday Times quel était la teneur de l’incident. Celui-ci serait toutefois assez grave pour oser demander le divorce. Cette liberté, elle en paie encore aujourd’hui le prix. En échange de son divorce en 1977, son époux, futur émir de Dubaï la renvoie au Liban et lui interdit de pouvoir voir sa fille. Elle est séparée de leur fille, la princesse Manal, qui n’a alors que de 5 mois.
« C’est injuste, très injuste. Tout ça parce que j’ai pris la décision de partir et d’être libre (…) Je ne peux pas la voir parce que c’est moi qui voulais le quitter. Ma punition est de ne pas pouvoir voir (…) je ne sais pas à quoi elle ressemble maintenant », raconte Randa, aujourd’hui âgée de 64 ans. « Il m’avait promis : “Je te laisserai la voir. Tu la verras à Harrod’s à Noël. Non, mieux à Pâques. Non, après le ramadan”. Et la vie passe. Toute une vie », raconte Randa qui n’a plus vu sa fille depuis 42 ans. Elle aurait un jour reçu une photo d’un bébé de la part de l’émir, mais il s’est avéré que ce n’était même pas une photo de sa fille.
En 2000, Randa al-Bana, n’ayant quasiment aucun contact avec son ex-époux, tente le tout pour le tout. Elle se rend à Dubaï avec un ami, dans le but de voir sa fille, alors âgée de 23 ans. Son ex-mari aurait répondu aux demandes de Randa et lui aurait donné une adresse pour se retrouver. Il demande à Randa de porter une robe de soirée, car la rencontre devait avoir lieu en public, lors d’un show organisé par une compagnie aérienne. Ce soir-là, elle retrouve l’émir qui lui indique que sa fille se trouve dans la foule. « Elle est à l’intérieur, essaie de l’identifier ! Je veux voir ton instinct maternel », lui aurait-il dit. Après avoir cherché en vain parmi le millier d’invités, elle comprend que Manal n’est tout simplement là. Elle retourne alors au Liban et un mandat à son encontre est émis. On lui interdit à vie de séjourner aux Émirats arabes unis.
En 2005, la princesse Manal épouse le cheikh Mansour ben Zayed al-Nahyan, un cousin éloigné, aujourd’hui adjoint du Premier ministre et ministre des Affaires présidentielles. Randa al-Bana tente alors de mettre au point un plan pour assister en cachette au mariage de sa fille. Elle arrive à entrer en contact avec des proches d’une princesse saoudienne qui devait assister au mariage et échafaude un plan pour se cacher parmi les invités.
En avril 2005, quelques jours avant son départ pour assister secrètement au mariage de sa fille, elle est attaquée par un homme à Beyrouth qui la frappe de coups de batte de baseball. Elle a quatre vertèbres cassées et se réveille à l’hôpital, avec l’émir de Dubaï à ses côtés. Celui-ci jura n’être en rien mêlé à son accident. Depuis lors, malgré les demandes répétées, Randa n’a encore jamais revu sa fille depuis le jour où elle l’a laissée, âgée de 5 mois.
« Notre bébé a la quarantaine maintenant. Il ne me laisse pas l’approcher. Si seulement j’étais autorisée à voir ma fille, cela compenserait tout le reste. Tout ce que je veux, c’est la tenir dans mes bras à nouveau ». Randa n’a plus tenté d’entrer aux Émirats et préférait ne pas parler, ayant toujours eu l’espoir de revoir sa fille. Si elle a accepté de parler à la presse britannique c’est notamment à cause de son témoignage qui intervient dans le cadre du divorce actuel de l’émir et de la princesse Haya. Elle a également entendu parler des disparitions des princesses Latifa et Chamsa et souhaite apporter son témoignage.
Le plus ironique est qu’aujourd’hui, la princesse Manal est l’une des rares filles de l’émir à avoir une fonction publique et politique qui fait valoir les droits des femmes. Elle est d’ailleurs la fondatrice et présidente du Dubai Women Establishment, un organisme qui lutte pour l’égalité des sexes. Elle est également membre du Emirates Balance Gender Council. Elle qui prône la liberté des femmes dans le pays n’est même pas autorisée à rencontrer sa propre mère.
Ce qu’a vécu Randa Al-Bana après son divorce
En plus de ne plus voir sa fille, le divorce de Randa eut de graves conséquences sur sa vie. Elle qui vivait une vie de fête, qui à 16 ans, a succombé au charme d’un riche prince, s’est retrouvée en 1977 à la case départ, avec 5 ans de plus. Fini les fêtes, la belle vie, la voilà dans la vingtaine, sans éducation et sans argent.
« J’ai tout perdu. J’ai perdu ma famille, oui je l’ai perdue. J’ai perdu ma maison, j’ai perdu ma fille, j’ai perdu ma dignité et ma fierté. J’ai payé le prix de l’amour ». Rejetée par sa famille, qui était contre ce mariage, elle tenta de faire sa vie au Liban, qui était en pleine guerre civile. Arrêtée lors d’un contrôle militaire, elle fut kidnappée puis forcée à se marier avec un haut gradé militaire. Avec ce dirigeant militaire, elle vécut une vie « orageuse avec beaucoup de violence ». Ils eurent deux autres enfants ensemble.
À la fin de la guerre civile, Randa a dénoncé son mari, collaborant avec les autorités en dévoilant certains de ses actes durant la guerre. Les autorités lui ont permis de s’échapper avec ses deux enfants. Ils ont trouvé refuge en Italie où ils vivent encore actuellement.
Ces princesses qui fuient Dubaï
Depuis maintenant un an, des rumeurs courent selon lesquelles, la princesse Latifa, l’une des filles de l’émir Mohammed ben Rachid Al-Maktoum, émir de Dubaï, vice-président et Premier ministre des Émirats arabes unis, serait emprisonnée et peut-être torturée sous les ordres de son père. L’émir de Dubaï, 70 ans, est officiellement marié à six femmes. Il serait père d’une trentaine d’enfants qu’il a eus avec différentes femmes (connues ou inconnues). Sa dernière épouse, la princesse Haya a récemment fui son mari et demande le divorce, depuis son domicile où elle s’est réfugiée à Londres. Avant elle, deux des filles de l’émir ont déjà tenté de fuir. L’une d’elle est la princesse Latifa. L’autres est la princesse Chamsa. Qu’est-il arrivé à Latifa al Maktoum à Chamsa al Maktoum ? Impossible de le savoir.
Sa dernière épouse, avec laquelle il apparaissait en public lors de ses déplacements à l’étranger, est la princesse Haya, fils de l’ancien roi Hussein de Jordanie. Ce mariage est en cours de divorce, alors que la princesse Haya a trouvé refuge à Londres, fuyant son époux fin mai 2019 et demandant une injonction d’éloignement pour mariage forcé, alors qu’elle craint pour sa sécurité.
En 2018, la princesse Latifa a été rattrapée sur un bateau près des côtes de l’Inde, alors qu’elle tentait de fuir avec une amie et un complice français. Elle avait déjà tenté de fuir une première fois en 2002, alors qu’elle était âgée de 16 ans.
Quant à la princesse Chamsa, elle aurait tenté de fuir en 2000, à bord de sa Range Rover. L’évasion a eu lieu en Angleterre, alors qu’elle logeait dans l’une des demeures familiales. Elle est interceptée et reconduite à Dubaï. Depuis, la princesse Chamsa n’a plus jamais donné signe de vie depuis…