Il semblerait que les Népalais tournent en rond depuis plusieurs décennies. Après des dernières années de monarchie catastrophique, le peuple avait mis fin à 240 ans de monarchie dans le pays, en 2008. Mais les promesses républicaines ont été désastreuses, le pays se retrouvant au même point qu’au moment du départ du roi Gyanendra Bir Bikram Shah Dev. Depuis un mois, les manifestations pro-monarchiques s’amplifient et ils sont à présent des dizaines de milliers dans les rues, à demander le retour du roi au Népal.
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Les manifestations pour un retour à la monarchie s’intensifient au Népal
Depuis un mois, les manifestations s’enchainent au Népal. Tout a commencé dans la ville de Butwal. Les autres grandes villes du pays ont pris le pas. Le parti Rastriya Shakti Nepal (RSN), peu connu jusqu’ici, a réussi à motiver les troupes, parmi eux, beaucoup de jeunes. À la tête du RSN, il y a Keshar Bahadur Bista qui exhorte la population à demander la restauration de la monarchie hindoue, explique l’Indian Times.
L’une des raisons est « la désillusion à l’égard de la démocratie elle-même et l’argument selon lequel un leader charismatique visionnaire est meilleur que la cabale actuelle dans un système parlementaire de style occidental », peut-on lire dans le Nepal Times. Le Parti communiste n’a pas réussi à faire ses preuves et la colère gronde au sein de la population, si bien que d’autres partis qui siègent actuellement, ont choisi de rejoindre l’opposition et appellent à présent à prendre part aux manifestations.
La situation catastrophique actuelle est totalement identique à celle qu’on aurait pu constater en 2008, au moment où la monarchie a été abolie. Seul le régime a changé, alors que les Népalais avaient pensé que la chute du roi rendrait leur pays plus prospère et plus digne. La désillusion est totale et cela avait commencé dès les premières années de la jeune république. Il aura fallu attendre 2015, soit 7 ans après l’installation du nouveau régime politique pour qu’une Constitution soit adoptée.
Ces 4 et 5 décembre 2020, d’importantes manifestations sont prévues dans plusieurs villes du pays par les royalistes. Étonnamment, le pays demande un retour à la monarchie, alors que ce 15 décembre, le pays se souviendra du 60e anniversaire du coup d’État de l’ancien roi Mahendra, qui avait dissout le parlement et instauré le régime du Panchayat, consistant à imposer une politique sans parti où le roi était central, garant de la Nation et faisant de l’hindouisme la religion d’État.
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Qu’attendre du retour du roi ?
Le 28 mai 2008, le Népal devenait la République démocratique fédérale du Népal. Ce pays deux fois plus grand que l’Irlande et plus grand que la Grèce mettait fin à 240 ans de monarchie dominée par la dynastie Shah. En 1768, date de l’unification du Népal, ce fut Prithvi Narayan Shah, souverain du royaume de Gorkha qui devint le premier roi du Népal, étant considéré comme responsable de l’unification de plusieurs petits royaumes. Depuis lors, ce sont ses descendants qui règnent sur le pays. De 1846 à 1951, bien que la dynastie Shah continue à fournir les rois du pays, ceux-ci sont conférés à un rôle symbolique, alors que le vrai pouvoir est aux mains de la dynastie Rana, qui établit un régime particulier. La famille Rana est la famille qui fournit les Premiers ministres héréditaires, de père en fils, alors que les Shah continuent à fournir les rois. En 1951, la dynastie Shah reprend les pleins pouvoirs.
Jusqu’en 1990, le Népal était une monarchie absolue. Ce pays totalement anti-démocratique dépendait entièrement de la bonne volonté du roi. Suite aux mouvements de protestation et à la menace qui planait sur la monarchie, le roi Birendra entreprit de très grandes réformes. Le régime devint un régime monarchique parlementaire avec un Premier ministre comme chef du gouvernement et un roi comme chef d’État.
Depuis 2002, la politique du nouveau roi Gyanendra Shah pose question. Il révoque plusieurs gouvernements, il exige l’arrestation de plusieurs hommes politiques, l’Union européenne tire la sonnette d’alarme et réprimande le régime anti-démocratique du roi. Manifestations et grèves éclatent en 2006. Une coalition exceptionnelle entre les partis, même d’opposition, permet aux politiciens de déchoir le roi et de le priver de la plupart de ses pouvoirs. En janvier 2007, un Parlement d’intérim se met en place et en fin d’année l’Assemblée constituante a annoncé la fin de la monarchie le 24 décembre 2007. Le 28 mai 2008, l’abolition est effective.
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Qui était le dernier roi du Népal ?
L’année dernière, en décembre 2019, nous écrivions déjà à propos d’un éventuel retour à la monarchie au Népal : « Le pays stagne, pire, il plonge. La culture du pays est mise à mal, les jeunes ambitieux quittent le pays, et la modernisation ne semble pas être au cœur des préoccupations du pouvoir en place. La situation est telle que de nombreux Népalais et hommes politiques demandent le retour à la monarchie. Pour dire combien la situation est préoccupante, les Népalais sont prêts à rappeler sur le trône un roi qui est accusé par certains d’avoir assassiné toute sa famille en 2001. »
En effet, le dernier roi du Népal, le roi Gyanendra est monté sur le trône dans un contexte qui encore aujourd’hui pose question.
Le 1e juin 2001, le massacre de la famille royale a lieu au palais royal Narayanhiti de Katmandou. Lors d’un dîner de famille, le prince héritier Dipendra s’emporte, sous les effets de l’alcool et sous l’emprise de la drogue. Son père, le roi Birendra demande à ce qu’on le fasse sortir, lui et ses acolytes. Il reviendra plus tard avec une arme au banquet et tuera toute sa famille.
Ce jour-là, 9 personnes sont mortes, dont le roi, la reine et 4 autres membres furent blessés. Le prince héritier terminera son massacre en retournant l’arme contre lui pour se suicider. Le prince héritier Dipendra tombe dans un coma profond mais rate son suicide. De facto, il devient roi, ayant tué son père et étant le prince héritier. Néanmoins, il mourra 3 jours plus tard, le 4 juin, des suites de ses blessures. Puisque la majorité des héritiers du roi Birendra sont morts lors du massacre, c’est son frère cadet (oncle du prince héritier), Gyanendra qui devint roi. Cette histoire est la version officielle.
Plusieurs thèses plus ou moins sérieuses, dont certaines ont fait l’objet d’études approfondies, désignent Gyanendra comme le commanditaire de la tuerie. Gyanendra fut pourtant roi jusqu’à l’abolition de la monarchie, faisant marche arrière dans les tentatives de démocratisation du pays de son frère, qui avait également accepté la diminution des pouvoirs du roi. Gyanendra Shah est aujourd’hui perçu comme la solution pour relever le pays, dans le cas où la république prendrait fin et que la monarchie serait remise en place.
Sources : Nepal Times, Indian Times