Un retour à la monarchie au Népal ?

Le Népal est le dernier pays à avoir aboli la monarchie, en 2008. Depuis plus de 10 ans, cette république reste inchangée, aucune des promesses faites lors du renversement du roi Gyanendra Shah n’a été tenue. Le pays stagne, pire, il plonge. La culture du pays est mise à mal, les jeunes ambitieux quittent le pays, et la modernisation ne semble pas être au cœur des préoccupations du pouvoir en place. La situation est telle que de nombreux Népalais et hommes politiques demandent le retour à la monarchie. Pour dire combien la situation est préoccupante, les Népalais sont prêts à rappeler sur le trône un roi qui est accusé par certains d’avoir assassiné toute sa famille en 2001. Qui est Gyanendra Shah ? Le roi du Népal peut-il remonter sur le trône ? Le roi du Népal a-t-il tué son frère ?

Gyanendra Shah, dernier du Népal, déchu en 2008

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La république du Népal se porte aussi mal que le royaume du Népal

Depuis le tremblement de terre de 2015, le gouvernement ne prend aucune mesure pour restaurer les monuments historiques détériorés. Le taux de chômage ne diminue pas, les Népalais quittent le pays, la criminalité fait rage, la liberté de la presse est inexistante, les Népalais ne peuvent pas critiquer le gouvernement sur les réseaux sociaux et peu à peu la culture népalaise se meurt. Cette description de la situation est totalement identique à celle qu’on aurait pu lire en 2008, au moment où la monarchie a été abolie. Seul le régime a changé, alors que les Népalais avaient pensé que la chute du roi rendrait leur pays plus prospère et plus digne. La désillusion est totale et cela avait commencé dès les premières années de la jeune république. Il aura fallu attendre 2015, soit 7 ans après l’installation du nouveau régime politique pour qu’une Constitution soit adoptée.

La fin de la monarchie au Népal…

Le 28 mai 2008, le Népal devenait la République démocratique fédérale du Népal. Ce pays deux fois plus grand que l’Irlande et plus grand que la Grèce mettait fin à 240 ans de monarchie dominée par la dynastie Shah. En 1768, date de l’unification du Népal, ce fut Prithvi Narayan Shah, souverain du royaume de Gorkha qui devint le premier roi du Népal, étant considéré comme responsable de l’unification de plusieurs petits royaumes. Depuis lors, ce sont ses descendants qui règnent sur le pays. De 1846 à 1951, bien que la dynastie Shah continue à fournir les rois du pays, ceux-ci sont conférés à un rôle symbolique, alors que le vrai pouvoir est aux mains de la dynastie Rana, qui établit un régime particulier. La famille Rana est la famille qui fournit les Premiers ministres héréditaires, de père en fils, alors que les Shah continuent à fournir les rois. En 1951, la dynastie Shah reprend les pleins pouvoirs.

Depuis 2002, la politique du nouveau roi Gyanendra Shah pose question. Il révoque plusieurs gouvernements, il exige l’arrestation de plusieurs hommes politiques, l’Union européenne tire la sonnette d’alarme et réprimande le régime anti-démocratique du roi. Manifestations et grèves éclatent en 2006. Une coalition exceptionnelle entre les partis, même d’opposition, permet aux politiciens de déchoir le roi et de le priver de la plupart de ses pouvoirs. En janvier 2007, un Parlement d’intérim se met en place et en fin d’année l’Assemblée constituante a annoncé la fin de la monarchie le 24 décembre 2007. Le 28 mai 2008, l’abolition est effective.

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Qui est le roi du Népal ?

Jusqu’en 1990, le Népal était une monarchie absolue. Ce pays totalement anti-démocratique dépendait entièrement de la bonne volonté du roi. Suite aux mouvements de protestation et à la menace qui planait sur la monarchie, le roi Birendra entreprit de très grandes réformes. Le régime devint un régime monarchique parlementaire avec un Premier ministre comme chef du gouvernement et un roi comme chef d’État. Le Parlement devint bicaméral avec d’un côté la Chambre des représentants, dont les élus sont directement issus d’un vote du peuple, et de l’autre le Conseil national, composé notamment de personnes élues par le roi et par des collèges de représentants locaux. Malgré ces efforts de démocratie, aucun gouvernement n’a tenu plus de deux ans avec ce mode de fonctionnement.

La roi Birendra Shah du Népal

La suite de l’histoire royale de ce pays est encore plus tragique. Le 1e juin 2001, le massacre de la famille royale a lieu au palais royal Narayanhiti de Katmandou. Lors d’un dîner de famille, le prince héritier Dipendra s’emporte, sous les effets de l’alcool et sous l’emprise de la drogue. Son père, le roi Birendra demande à ce qu’on le fasse sortir, lui et ses acolytes. Il reviendra plus tard avec une arme au banquet et tuera toute sa famille.

Ce jour-là, 9 personnes sont mortes, dont le roi, la reine et 4 furent blessées. Le prince héritier terminera son massacre en retournant l’arme contre lui pour se suicider. Le prince héritier Dipendra tombe dans un coma profond mais rate son suicide. De facto, il devient roi, ayant tué son père et étant le prince héritier. Néanmoins, il mourra 3 jours plus tard, le 4 juin, des suites de ses blessures. Puisque que la majorité des héritiers du roi Birendra sont morts lors du massacre, c’est son frère cadet (oncle du prince héritier), Gyanendra qui devint roi. Cette histoire est la version officielle.

Plusieurs thèses plus ou moins sérieuses, dont certaines ont fait l’objet d’études approfondies, désignent Gyanendra comme le commanditaire de la tuerie. Gyanendra fut pourtant roi jusqu’à l’abolition de la monarchie, faisant marche-arrière dans les tentatives de démocratisation du pays de son frère, qui avait également accepté la diminution des pouvoirs du roi. Gyanendra Shah est aujourd’hui perçu comme la solution pour relever le pays, dans le cas où la république prendrait fin et que la monarchie serait remise en place.

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Quelles sont les théories sur le massacre de la famille royale népalaise ?

La version officielle qui fait du prince héritier Dipendra le responsable du massacre, émane du rapport officiel de l’enquête menée par le gouvernement. Cependant, ce rapport d’enquête très sommaire a donné naissance à des théories diverses, qui permettraient d’expliquer pourquoi Dipendra était désigné comme le meurtrier idéal. Pourtant, quelques détails troublants permettent à certains de désigner le roi Gyanendra Shah, fils de roi et frère de roi, comme le responsable. Sans ce massacre, il serait passé à côté du pouvoir, son frère étant sur le trône et ayant plus d’un héritier pour lui succéder.

Les motifs qui auraient pu pousser Dipendra à tuer son père et sa famille sont multiples. On met principalement en avant un crime passionnel. Ce dernier voulait épouser Devyani Rana, qui était descendante de la famille rivale Rana, par son père et issue d’une des plus riches familles indiennes par sa mère. Que ce soit dans la famille de Dipendra ou de Devyani, cette union semblait totalement interdite. Pour l’épouser Dipendra aurait dû renoncer au trône.

D’un autre côté, un certain nombre de points laissent penser que le massacre ne s’est pas déroulé de cette manière et tend à désigner le roi Gyanendra comme commanditaire. Des soupçons ont rapidement émergé quant au sérieux de l’enquête. En deux semaines, le gouvernement du nouveau roi avait rendu son rapport, sans ayant fait appel à des médecins légistes et experts en criminalité. Certains se demandent aussi pourquoi Gyendra ne participait à ce repas de famille, alors que tous les membres de la famille royale étaient présents.

Selon la thèse officielle, le prince héritier Dipendra Shah a tué sa famille et s’est suicidé par après

Le prince héritier Dipendra aurait tenté de se suicider en s’infligeant une balle dans la tempe gauche, alors qu’il était droitier. Dans un premier temps Gyanendra annonce que la tuerie est accidentelle. Cette thèse est totalement farfelue puisqu’un tir peut effectivement partir par mégarde, mais un tir continu d’une arme d’assaut ne peut pas se produire par accident, surtout que l’arme était en mouvement pour tirer sur plus d’une dizaines de personnes dans une assemblée. Également, l’ordre de Gyanendra de démolir et reconstruire très rapidement la salle où eut lieu le massacre a alimenté les soupçons, pensant que sa volonté était de détruire des preuves rapidement.

Le massacre de la famille royale népalaise confirme également une légende et prophétie vieille de plus de 200 ans dans le pays. Lorsque Prithvi Narayan Shah unifia la pays en 1768, la légende circulait depuis des siècles qu’il s’était confronté à un ermite. Ce religieux qui n’appréciait pas l’arrogance du roi, prédit 10 générations de règne à sa descendance. Il ce fait que Birendra Shah fut justement de la dixième génération par rapport à son aïeul Prithvi Narayan.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr