Charles d’Orléans : premier poète de la Saint-Valentin

On évoque surtout Charles d’Orléans pour son célèbre poème, Le temps a laissé son manteau, que les écoliers apprenaient par cœur il n’y a pas si longtemps :
« Le temps a laissé son manteau,
De vent, de froidure et de pluie,
Et s’est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau (…) »

Moins connu est son rôle dans l’ancrage en France de la longue tradition de la Saint-Valentin, qui, cette année comme de coutume, est célébrée dans de nombreux pays, le 14 février. Un rôle décisif qui tient à la personnalité et à l’histoire de ce prince et poète du Moyen-Âge, né en 1394, qui vécut jusqu’à plus de 70 ans, âge fort avancé pour son temps.

Le prince Charles, duc d’Orléans, fut poète et écrira des textes pour la Saint Valentin. Il était le petit-fils de Charles V, neveu de Charles VI et père de Louis XII. Ici représenté dans son habit de chevalier de la Toison d’or (Image : Domaine public)

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Un prince prisonnier

Charles est le petit-fils du roi Charles V de France. Né sous le règne de son oncle, Charles est le fils d’un grand féodal, Louis1er d’Orléans, frère cadet du malheureux roi Charles VI devenu fou. Louis 1er mènera le combat pour consolider le pouvoir royal dans le camp des Armagnacs et sera assassiné lorsque le jeune Charles, son fils, est âgé de dix ans. Peu de temps après, l’enfant perd sa mère, Valentine Visconti, petite-fille de Blanche de Savoie, à qui elle dut une éducation particulièrement soignée.

Dans les tourments de l’époque, Charles, marié une première fois à sa cousine – qui meurt en couches en donnant naissance à une fille -, épouse en secondes noces Bonne d’Armagnac. Il est envoyé comme ses pairs combattre les Anglais à la bataille du siècle, l’effroyable carnage d’Azincourt, en 1415 ; laissé pour mort sur le champ de bataille, il est fait prisonnier et conduit à la Tour de Londres. Il ne recouvrera la liberté et ne reverra la France qu’en 1440.

Charles d’Orléans emprisonné dans la Tour de Londres (Image : domaine public)

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Un prince poète

Une coutume se répand à la cour d’Angleterre, qui consiste à associer un jeune homme et une jeune femme au hasard. Le couple aristocratique ainsi apparié (pour l’année, parfois seulement pour la journée) doit faire preuve de galanterie, s’adresser des poèmes dans la tradition encore vivante de l’idéal chevaleresque et courtois, sous le haut patronage de saint Valentin.

En effet, la fête de ce saint, fixée au 14 février, devient emblématique de l’amour qui renaît chaque année, lorsque les oiseaux s’accouplent et choisissent leur partenaire tandis que le printemps perce sous l’hiver finissant.

Ecriture du Duc d’Orléans, ici une lettre écrite après la bataille d’Azincourt (Image : Domaine public)

Ces poèmes, Charles en écrira d’innombrables, ballades, rondeaux, sans doute pour sa femme Bonne, qui avait onze ans lors de leur mariage et mourut avant qu’il ne rentre d’Angleterre. L’un d’entre eux est conservé au British Museum, écrit sur une carte qui serait la première du genre. La tradition du « valentinage », aujourd’hui toujours vivace dans le monde anglo-saxon, serait née à cette occasion, l’amoureux – le Valentin – envoyant un tendre message à son inspiratrice.  

« Le beau soleil, le jour de Saint Valentin,
Qui apportait sa chandelle allumée,
N’a pas longtemps, entra un beau matin,
Privéement en ma chambre fermée. »

(Le beau soleil, le jour saint Valentin)

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Pourquoi saint Valentin ?

Charles ou les grands poètes de son temps, comme l’anglais Chaucer, n’ont pas inventé la Saint-Valentin, dont les racines plongent loin dans l’histoire. Valentin lui-même rassemble plusieurs personnages sous son nom, dont deux au moins clairement identifiés, un évêque romain vivant au IIIe siècle, Valentin de Terni, canonisé deux siècles plus tard, un prêtre martyr, supplicié à mort un… quatorze février, en 270.

Cependant, il faut chercher plus loin encore l’origine de cette fête de l’amour, qui ne serait pas une fête et en aucun cas celle de l’amour, ni courtois ni romantique, si l’on en croit certaines légendes. Elle serait la survivance des Lupercales, une antique manifestation païenne que célébraient les Romains, dont l’objet était d’honorer Lupercus, dieu de la fécondité, par des sacrifices d’animaux. Et aurait survécu sous d’autres formes jusqu’au début du Moyen-Âge, avec une tradition de violence, voire de viols, envers les femmes et les jeunes filles, tradition associée à ces « célébrations de février » que l’Église n’avait de cesse de faire disparaître.

La libération

Charles d’Orléans a mis vingt-cinq années à réunir l’argent de sa rançon, des années cependant bien employées, au regard de la qualité de sa veine poétique.  Il se marie pour la troisième fois, avec une toute jeune femme, Marie de Clèves, qui est la nièce de son libérateur mais aussi la petite-fille de l’assassin de son père, Jean sans Peur. Trois enfants seront issus de cette union, et c’est à 67 ans que le poète voit naître son fils, le futur roi de France Louis XII.

Libre, retiré à Blois, il connaît d’autres grands poètes, tels François Villon et se consacre, jusqu’à sa mort en 1465, à la littérature. 

Sources : L’Express, Un jour un poème, Le Figaro, History, Cairn, Universalis

Sylviane Lamant

Sylviane est diplômée en Littérature française. Biographe et professeur, elle partage avec Histoires Royales sa passion pour l'histoire.