Le château de Peleș : la résidence royale des Carpates fête ses 140 ans

En 2023, le château de Peleș fête les 150 ans du début de sa construction par Carol 1er, nouvellement sacré roi de Roumanie. Ce château, véritable symbole de la splendeur roumaine, appartient toujours à la famille royale roumaine et est ouvert au public. Des réceptions et des événements officiels royaux sont occasionnellement organisés dans ce château niché dans les Carpates. À l’occasion du 140e anniversaire de l’inauguration du château, Histoires Royales vous fait découvrir l’intérieur de la résidence.

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Le roi Carol 1er tombe sous le charme du monastère de Sinaia

En 1866, le prince Charles de Hohenzollern-Sigmaringen, l’un des fils du dernier souverain de la principauté de Hohenzollern-Sigmaringen, est élu pour devenir le prochain prince souverain de Roumanie, après le bannissement d’Alexandre Ioan Cuza. Le pays, en marche vers l’indépendance totale de l’Empire ottoman, adopte sa nouvelle constitution en 1881, en tant que royaume. Carol 1er devient officiellement le premier roi de Roumanie.

Vue sur Sinaia, devenue une ville de plaisance, construite aux abords du château, dans la vallée de la Prahova (Photo : Histoires Royales)

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Carol 1er part alors à la découverte de son nouveau pays dès son élection en tant que domnitor. En août 1866, il visite les zones montagneuses des Carpates et tombe sous le charme du monastère Sinaia, situé dans le hameau de Podul Neagului, dans la zone la plus accidentée de la rivière Prahova. Le monastère portait ce nom en référence au mont Sinaï, au Moyen-Orient, où l’abbé fondateur du monastère avait effectué un pèlerinage à la fin du 17e siècle. Après avoir logé à plusieurs reprises dans le monastère, faute de trouver meilleur logement pour ses vacances, le souverain décide de construire un château dans cet endroit isolé, pittoresque, aux altitudes alpestres. Il achète un terrain en 1872 et dès 1873 commencent les travaux de construction. Il y a 150 ans.

L’église du monastère de Sinaia (Photo : Histoires Royales)
Mur d’enceinte du monastère et son clocher. Le monastère se trouve en bordure du parc royal de Pelesh (Photo : Histoires Royales)

Il faudra 10 ans pour que le château soit inauguré, en raison de nombreuses difficultés liées à la dangerosité du terrain escarpé et aux cours d’eau à dévier. Le château de Peleș est officiellement inauguré en 1883. Le château prend simplement le nom de la rivière Peleș (Pelesh), un petit affluent qui se détache à cet endroit de la Prahova. Carol 1er fera du château sa résidence secondaire mais surtout, l’imposant édifice sera le premier symbole monarchique visible par les étrangers.

Le château de Pelesh fête ses 150 ans
Le château est perché sur la montagne mais non visible depuis la ville de Sina

À l’époque, la vallée de la Prahova, se trouvait non loin de la frontière avec l’Empire d’Autriche-Hongrie. La ville de Sinaia s’est construite par la suite autour du château. Elle compte aujourd’hui près de 10 000 habitants et est située à 45 kilomètres au sud de Brasov. Depuis l’annexion de la Transylvanie à la Roumanie, Sinaia n’est plus à la frontière mais se situe au centre du pays.

Une résidence de plaisance pour la famille royale dans les Carpates (Photo : Histoires Royales)
Statue du roi Carol 1er devant l’entrée de son château (Photo : Histoires Royales)
La cour extérieure du château de Pelesh (Photo : Histoires Royales)

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Un château de plaisance de 160 pièces

« J’ai construit ce château comme un signe impérissable que la dynastie librement choisie par la nation est profondément enracinée dans cette Terre. Sinaia est devenu l’un des endroits les plus visités de l’Occident », s’était vanté le roi Carol 1er. Aujourd’hui, seul l’ancien monastère historique de Sinaia permet d’imaginer l’atmosphère qui régnait à l’origine dans ce hameau de montagne. Depuis l’existence de la résidence royale, Sinaia est devenue un lieu de villégiature où hôtels, lieux de divertissement et de plaisance ont surgi aux quatre coins de la ville.

Le hall d’entrée du château de Pelesh (Photo : Histoires Royales)
Détails des murs en pierre du hall d’entrée du château de Peleș (Photo : Histoires Royales)
Le hall d’entrée, au pied des escaliers, depuis le hall d’honneur (Photo : Histoires Royales)
Le hall d’honneur se trouve au centre du château et traverse les trois étages (Photo : Histoires Royales)
Détail du vitrail au plafond (Photo : Histoires Royales)
Un escalier en colimaçon dans le hall d’honneur (Photo : Histoires Royales)
Les bustes des souverains dans le hall d’honneur (Photo : Histoires Royales)
Le hall d’honneur en bois sculpté (Photo : Histoires Royales)
Paysages en marqueterie représentant des châteaux germaniques appartenant à la famille de Hohenzollern qui entourent tout le hall d’honneur (Photo : Histoires Royales)
La verrière du hall d’honneur (Photo : Histoires Royales)

Des travaux d’aménagement du château ont continué jusqu’en 1914, année du décès du roi Carol 1er. Son neveu et successeur, Ferdinand 1er, a utilisé ce palais invisible depuis la ville, comme château de plaisance. La présence de la famille royale à Sinaia a permis à la ville et à la région de se développer. L’immense domaine autour du château a permis de faire construire d’autres bâtiments, transformant le site en complexe royal. On y trouve notamment le château de Pelisor, une dépendance construite pour Ferdinand, lorsqu’il était encore l’héritier de son oncle, où il se reposait avec son épouse, Marie d’Édimbourg.

Les vitraux du château (Photo : Histoires Royales)
L’un des salons du premier étage (Photo : Histoires Royales)
Le bureau de travail du Roi (Photo : Histoires Royales)
Petite alcôve à côté du bureau, où le roi recevait ses invités (Photo : Histoires Royales)

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Le château de Pelesh est très certainement l’édifice royal le plus connu de Roumanie et l’une des attractions touristiques les plus visitées. Le roi Michel 1er, dernier roi de Roumanie, avait déclaré à propos de Peles et Pelisor : « Ils font partie intégrante du destin de ma famille et de mon pays. Ces édifices ont insufflé le respect depuis des générations, et aujourd’hui, ils représentent non seulement un héritage du passé, mais aussi un être vivant, apprécié de toutes les générations, des Roumains comme des étrangers. » En 2006, la justice roumaine a reconnu que le roi Michel 1er et sa famille étaient les propriétaires de plein droit de Peles et Pelisor, après en avoir été expropriés en 1947 par les communistes. Un bail a été signé entre la famille royale et le ministère de la Culture, afin que la gestion soit toujours confiée au Musée national de Peles qui l’ouvre au public. La famille royale le réquisitionne de temps en temps pour y organiser certains événements protocolaires.

L’ancienne salle de musique du château qui a été réaménagée en 1905 et utilisée par la reine Elisabeth pour ses salons littéraires (Photo : Histoires Royales)
Les vitraux ont été conçus par les ateliers Zettler à Munich et représentent des scènes de contes roumains (Photo : Histoires Royales)
La salle de banquet d’État où les rois recevaient les chefs d’État en visite en Roumanie. Le château de Pelesh servait aussi de château d’apparat pour impressionner les visiteurs étrangers (Photo : Histoires Royales)

Le château épouse les formes du paysage. « Le génie de la montagne semble avoir inspiré le plan et la coupe, tant ce plan et cette coupe répondent de style et d’aspect au romantisme du lieu », écrivait Léo Bachelin d’après les manuscrits d’Otto von Falke, invité par le roi Carol 1er à séjourner à Pelesh en juillet 1890.

Un miroir en dans la salle florentine reflète la fresque du plafond afin que le roi et la reine ne perdent pas leur couronne en levant la tête pour admirer le plafond (Photo : Histoires Royales)
Le plafond de la salle florentine et un lustre en verre de Murano (Photo : Histoires Royales)

Le château comprend 160 pièces et on dénombre plus de 2000 tableaux aux murs. Les pièces principales du château sont le salon turc, le salon français, le salon florentin, la salle de théâtre et la suite impériale. Bien entendu, le hall d’honneur est la salle la plus importante. Cette salle en bois est ornée de vitraux aux motifs allégoriques et héraldiques.

La salle mauresque est une salle de réception d’après les plans de l’architecte français Charles Lecomte du Noüy. Des armes orientales y sont exposées. Une fontaine en marbre de Carrare se trouve au fond de la salle. C’est ici qu’a été exposé le catafalque du roi Carol 1er en 1914. (Photo : Histoires Royales)
L’ensemble décoratif du salon turc a été réalisé par l’atelier Segiert de Vienne. Le vitrail comprend la mention des souverains en arabe et des versets du Coran sont intégrés dans la décoration (Photo : Histoires Royales)
Détail d’une tapisserie murale en cuir de Cordoue (Photo : Histoires Royales)
La chambre du roi et de la reine (Photo : Histoires Royales)
L’orgue dans la salle de musique (Photo : Histoires Royales)

Le château, de par sa construction relativement récente, fut l’un des châteaux royaux les plus modernes de son temps. Dès le départ, il était relié à un réseau électrique. Les cheminées sont de faux meubles cachant des radiateurs et la technologie utilisée était à l’époque l’une des fiertés du souverain. Les premiers étages sont des salles d’apparat, des bureaux, des salons et des pièces de divertissement. L’étage supérieur est réservé au personnel, aux dames de compagnie, membres de la cour et prestigieux résidents. Au dernier étage, dans les combles, se trouvent les chambres des domestiques.

Mobilier sculpté en « bois de fer » (Photo : Histoires Royales)
L’appartement rococo pour les invités (Photo : Histoires Royales)
Le lit où la reine Marie a donné naissance au futur roi Carol II en 1893 (Photo : Histoires Royales)
Le grand salon de l’appartement impérial. Le motif du tapis est le reflet des moulures au plafond (Photo : Histoires Royales)

La principale salle d’entrée étant un hall de seize mètres de hauteur, il traverse tous les étages et se termine par un plafond de verre. Chaque étage est donc construit sous la forme de couloirs tournant autour du hall d’honneur. La famille royale logeait notamment le musicien Georges Enesco, qui avait sa propre chambre, qu’il jugeait beaucoup trop grande, ainsi qu’une chambre pour le premier patriarche de Roumanie.

L’étage est réservé au personnel et aux membres de la cour (Photo : Histoires Royales)
L’appartement d’Olga Mavrogheni, la première dame d’honneur de la reine Elisabeth, qui était aussi l’épouse du ministre des Finances (Photo : Histoires Royales)
L’appartement de Zoe Bengescu, l’une des dames de compagnie de la reine Elisabeth, qui était proche de la reine et partageait sa passion pour la lecture (Photo : Histoires Royales)
Rare occasion de voir la chambre blanche du roi Michel 1er. C’est ici qu’a grandi le roi durant son enfance. La porte de sa chambre donnait sur celle située à l’autre bout du couloir dans laquelle dormait sa nourrice (Photo : Histoires Royales)

La salle des glaces, le salon de musique ou encore le salon mauresque avec sa fontaine en marbre sont d’autres pièces impressionnantes du château. Le salon florentin comprend des chandeliers en verre de Murano, le salon de musique est en bois de teck avec des vitraux qui représentent des scènes de contes roumains et il y a également une salle d’armes, qui abrite une collection d’armes de différentes époques.

Une fenêtre du couloir de l’étage réservé à la cour, qui donne sur la salle d’honneur en contrebas (Photo : Histoires Royales)
Cet appartement, à la base destiné aux invités de la famille royale, fut attribué à Elena Vacarescu, dame de lettre roumaine (Photo : Histoires Royales)
Appartement du musicien Georges Enescu (Photo : Histoires Royales)
Un salon moderne pour les invités, en bois de poivrier (Photo : Histoires Royales)
La « chambre à ragots » des femmes, où la reine pouvait profiter de discussions plus légères avec les dames de la cour. Le salon est de style rococo (Photo : Histoires Royales)
Le « salon à ragots » des hommes est de style allemand (Photo : Histoires Royales)
L’atelier de peinture de la reine Elisabeth a l’allure d’un bateau de Viking. Derrière les rideaux rouges se cache une grande baie vitrée et un très grand miroir lui fait face sur le mur (Photo : Histoires Royales)

L’une des pièces les plus impressionnantes de ce château est aussi la salle d’artiste de la reine Elisabeth. Née princesse Élisabeth de Wied, l’épouse de Carol 1er était une artiste réputée. Sous son nom d’artiste Carmen Sylva, la reine a traduit de nombreuses œuvres, peint de nombreux tableaux et Georges Enesco a mis en musique plusieurs de ses poèmes. On trouve à quelques murs, de discrètes fresques qui sont l’œuvre de la reine. Cachées parmi les portraits de souverains germaniques, on trouve aussi plusieurs toiles de Gustav Klimt. Le célèbre peintre fut d’abord copiste avant de devenir le célèbre peintre que l’on connait.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr