Le château de Wégimont, situé à 20 kilomètres à l’est de Liège, fut autrefois une demeure de la prestigieuse famille d’Oultremont. En faisant don de son château à la province de Liège, en 1920, la famille d’Oultremont ne pouvait se douter que la bâtisse de style Renaissance mosane allait être, plus tard, le théâtre d’une sombre période. Le château devint seul Lebensborn de Belgique, durant la Seconde Guerre mondiale, un lieu transformé en maternité de bébés aryens.
Lire aussi : Une partie du palais de Hyderabad tombe en ruine sous le regard de la princesse Esra
Le château de la famille des comtes d’Oultremont de Wégimont
C’est au 12e siècle que l’on entend parler d’un certain Wigger, qui occupait les lieux, donnant son nom au domaine, sur lequel est attestée l’existence d’un château dès le 15e siècle. Cette seigneurie de la Principauté de Liège fut attaquée par les Grignoux au 17e siècle et en partie détruite. Au fil du temps, des parties sont ajoutées, lui conférant un aspect particulier de par ses différents styles, allant du gothique au style mosan. On dit qu’un trésor est enfoui sous les fondations et des douves entourent le domaine.
Au fond du parc, on retrouve la Chapelle du couvent des Carmes. Elle sert de crypte à la famille d’Oultremont, qui fut propriétaire du château. On y trouve par exemple la tombe d’Henriette d’Oultremont, maitresse du roi Guillaume 1e des Pays-Bas, qui abdiqua pour pouvoir l’épouser en 1840.
Lire aussi : L’Église Notre-Dame de Laeken
En 1920, la famille d’Oultremont fait don de son château de Wégimont à la province de Liège. Comme le rappelle la RTBF dans une chronique, en 1938, le roi Léopold III a le plaisir de pouvoir inaugurer le domaine provincial. L’ancien château privé, situé à Soumagne, avait été transformé en parc, aménagé en centre de détente et de loisir, qui fut rapidement prisé par la population liégeoises et des alentours.
Peu de temps après, la Seconde Guerre mondiale éclate, et la château est occupé par les Allemands. Il retiendra rapidement l’attention des Nazis, qui le transformèrent en Lebensborn, « fontaine de vie » en français. Derrière ce mot se cache l’une des pires abominations soutenues par le Reichsführer SS Himmler. Plusieurs lieux du genre ont été ouverts en Allemagne, au Danemark, en Pologne, en France et en Norvège. Le château de Wégimont de Soumagne fut le seul en Belgique.
Lire aussi : Le prince Charles-Édouard, le préféré d’Hitler
Le château devient un lieu de reproduction aryenne pour les Nazis
Le Lebensborn était une sorte de maternité, où des expériences de procréation selon des critères physiques étaient pratiqués, dans le but d’engendrer une progéniture de « race aryenne ». Ce qui se passait en détail entre les murs du château reste encore flou, par manque de documentation. Le lieu s’était transformé en lupanar où les SS pouvaient venir trouver du plaisir et par la même occasion se reproduire avec des femmes triées sur le volet afin de former l’élite du Troisième Reich.
Les SS avaient pour ambition d’augmenter la population aryenne en permettant à des officiers nazis belges ou allemands de procréer avec des mères porteuses, souvent des jeunes femmes volontaires ou enlevées dans la région, puis de placer les bébés dans des familles d’adoption. Plusieurs témoignages de femmes ayant fui le lieu, d’employées ou d’accoucheuses, permettent de se rendre compte de l’enfer vécu par celles qui ont donné la vie dans de tels lieux. Le site Maison du Souvenir raconte que le haras humain de Wégimont était en plus dénigré par les Allemands eux-mêmes, qui critiquaient la saleté de ce Lebenborn et de la mauvaise volonté des employés belges, qui visiblement tentaient de saboter leur travail.
Les bébés nés dans le Heim Ardennen (nom donné au domaine par les Nazis), sont ensuite baptisés selon un rite particulier. Ce baptême militaire nazi consistait à donner des honneurs militaires à chaque bébé, aligné avec leur mère au pied de l’escalier du château, alors qu’un officier nazi se servait d’un poignard, comme d’un outil sacré. Lorsqu’un bébé mourait, il avait droit à des funérailles militaires, pleurant la mort d’un potentiel futur soldat.
Lire aussi : La chapelle funéraire du Wurtemberg a 200 ans : un monument romantique pour la reine Catherine
Le passé du château n’est plus qu’un mauvais souvenir
La vétusté des lieux, le manque de personnel qualifié et l’hostilité de la population locale pousseront les Nazis à fermer ce lieu de reproduction aryenne en septembre 1944. Les femmes qui s’y trouvaient seront transférées dans un autre Lebensborn en Allemagne.
Plus tard, le château deviendra un lieu de retraite pour personnes âgées et le parc du domaine fut aménagé pour y accueillir touristes, visiteurs et promeneurs. En mai 1964 un grave incendie a ravagé plusieurs ailes du château, faisant cette nuit-là 17 morts. Aujourd’hui, le parc comprend 136 emplacements pour le camping, des aires de jeu pour les enfants, un mini-golf, des terrains de sport, une piscine et de nombreux aménagements de détente et de loisirs. Le château quant à lui, propose ses nombreuses salles à la location pour des séminaires et des mariages.
Sources : RTBF, Maison du Souvenir, Province de Liège