Le couronnement du roi Misuzulu et sa reconnaissance par le président sont jugés illégaux

La haute cour de Gauteng, à Pretoria, a rendu un jugement attendu depuis des mois. Le roi Misuzulu, qui règne sur le royaume des Zoulous depuis mai 2021, pourrait être détrôné. La justice sud-africaine a estimé que la reconnaissance officielle de son règne, accordée par une ordonnance du président Cyril Ramaphosa, était invalide. La demande en justice était portée par le prince Simakade, un frère aîné du roi Misuzulu, qui souhaite récupérer son trône.

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La justice invalide la reconnaissance accordée au roi Misuzulu par le président d’Afrique du Sud

Depuis la mort du roi Goodwill Zwelithini, en mars 2021, qui dirigeait sa nation zouloue d’une main de fer, la famille royale se déchire. Avec près de 30 enfants, issus de six mariages officiels différents, la succession du roi des Zoulous est plus que délicate. Pour ne rien arranger, quelques mois avant son décès, son fils aîné est lui-même décédé dans des conditions troublantes.

Le règne du roi Misuzulu se complique suite à cette décision de justice qui invalide le certificat de reconnaissance accordé par le président sud-africain (Photo : capture d’écran vidéo)

Comme le veut la tradition, au décès de Goodwill Zweltihini, c’est l’une de ses épouses, la reine Mantfombi Dlamini, qui assura la régence jusqu’à la nomination du prochain roi. Les règles traditionnelles veulent que le prochain roi soit élu par un conseil familial. La reine Mantfombi n’était pas la première épouse mais l’épouse ayant le plus de soutiens, notamment celui de son frère, le roi Mswati III, dernier monarque absolu du continent africain. La reine Mantfombi est elle aussi décédée subitement dans des conditions troubles au bout de quelques semaines de régence. Son testament nommait son fils aîné, Misuzulu, comme futur roi.

Depuis 2021, le roi Misuzulu règne sur le royaume des Zoulous, succédant à son père, le roi Goodwill Zwelithini. Ici, Misuzulu Zulu assure un engagement officiel sportif au stade de Durban en novembre 2022 (Photo : PA Photos/ABACAPRESS.COM)

L’ascension du roi Misuzulu sur le trône fut rapide. Reconnu comme nouveau roi des Zoulous, il a notamment bénéficié d’un vote de confiance à postériori par un conseil de famille. Dès le début de son règne, des tensions familiales sont apparues et il existe aujourd’hui plusieurs factions qui se rangent derrière l’un ou l’autre candidat. La faction de la branche aînée dénonce le non-respect de la procédure. Le roi Misuzulu, 49 ans, règne pourtant de facto sur son royaume traditionnel et gère les affaires quotidiennes. Il est reconnu comme tel par la majorité des autres monarques traditionnels et bénéficie même de soutiens étrangers. On se souvient par exemple de cette visite que lui avait rendue la princesse Charlène de Monaco, ancienne amie de son défunt père.

En novembre 2021, la princesse Charlène de Monaco avait fait une révérence devant le roi Misuzulu qui l’accompagnait à l’aéroport après leur entretien (Photo : Capture vidéo Fondation Princesse Charlène)

Pour asseoir définitivement son autorité, le président sud-africain a signé une ordonnance présidentielle, publiée dans la Gazette du Gouvernement le 17 mars 2022, reconnaissant Misuzulu comme roi des Zoulous. En août 2022, une cérémonie de couronnement traditionnelle a été organisée, suivie le 29 octobre 2022 par une cérémonie de couronnement officielle en présence de toutes les plus hautes autorités du pays. Lors de cette deuxième cérémonie, organisée au stade de Durban, le président Cyril Ramaphosa a remis lui-même le certificat de reconnaissance de son statut au roi Misuzulu. Plusieurs présidents africains ont assisté à cette cérémonie qui a coûté plusieurs millions au gouvernement.

Le roi Mswati III d’Eswatini, le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le roi Misuzulu des Zoulous lors de la cérémonie de certification ce 29 octobre 2022 au stade de Durban (Photo : capture d’écran vidéo YouTube)

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Sikamade Zulu se rapproche du trône zoulou

Ce 11 décembre 2023, la haute cour de la division de Gauteng, située à Pretoria, a rendu son jugement. Le jugement de la cour indique que l’acte de reconnaissance signé par le président sud-africain est « illégal et invalide » et par conséquent, « la décision de reconnaissance est annulée ». Le jugement se base sur les règles d’attribution du titre de roi (Isilo) des Zoulous ainsi que celui de tout chef traditionnel.

L’article 212 de la constitution sud-africaine reconnaît un certain nombre de royaumes traditionnels, dans lesquels les monarques occupent un réel rôle de médiateur au niveau local et un rôle symbolique, en tant que garants de la préservation culturelle de leur tribu. Le roi Misuzulu Zulu est le souverain du peuple zoulou, anciennement regroupé dans le Zoulouland, qui aujourd’hui fait partie de la province sud-africaine du KwaZulu-Natal.

Le roi Misuzulu à côté de son épouse, la reine Ntokozo Mayisela, pendant la consécration de l’archevêque du Cap (Photo : capture d’écran vidéo YouTube)

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La justice estime que l’ascension de Misuzulu sur le trône ne respecte par le « Traditional and Khoi-San Leadership Act 3 » de 2019, qui régit un certain nombre de règles pour transmettre les pouvoirs au sein des tribus traditionnelles du Khoïsan. Dans le cas précis, la plainte émane du frère aîné du roi, le prince Sikamade, qui depuis le début plaide le non-respect des règles. Un conseil de famille, réunissant des aînés et des conseillers, aurait dû se former pour désigner le successeur du roi Misuzulu.

Le président sud-africain remet le certificat au roi Misuzulu (Photo : capture d’écran vidéo YouTube)

Le tribunal a ordonné au président Ramaphosa « d’ouvrir une enquête pour déterminer si l’accession tumultueuse du roi Misuzulu Zulu a eu lieu conformément aux lois coutumières », explique The Guardian. Les partisans du prince Simakade Zulu célèbrent la décision du tribunal, y voyant une étape vers son ascension au trône. Cette décision a galvanisé ses partisans, qui le considèrent comme le roi légitime. Plusieurs actions ont déjà été portées en justice depuis 2021, également par des sœurs du roi Misuzulu. Les actions portaient à chaque fois sur des éventuels vices de procédures ou des allégations qui auraient permis d’invalider l’accession de Misuzulu au trône. Des allégations de fraude, de faux testaments et d’autres délits ont été jusqu’ici rejetées par la justice. En mars 2022, c’est la justice elle-même qui s’était prononcée concernant l’organisation des cérémonies de couronnement, rejetant la partie adverse qui avait entamé une procédure pour empêcher leur déroulement.

En mars 2022, le président Ramaphosa avait envoyé un communiqué pour justifier sa décision d’accorder sa reconnaissance au roi Misuzulu. Il déclarait alors : « Sa Majesté est le successeur d’une longue lignée de monarques vénérés, qui se sont battus avec beaucoup de courage et de détermination pour le bien-être et la sécurité de leur peuple. Je me joins à tout le peuple d’Afrique du Sud pour souhaiter à Sa Majesté le Roi Misuzulu Zulu un règne long et prospère. »

Arbre généalogique de la famille royale zouloue, cousine de la famille royale swazie depuis peu, et descendante des chefs du clan zoulou (Image : Histoires Royales)

Après des siècles de clans et tribus dirigés par un chef, le royaume des Zoulous (ou Empire zoulou) fut un État reconnu lorsqu’il acquit son indépendance en 1816. Au milieu de son règne, en 1883, le roi Cetshwayo kaMpande vit son royaume devenir le Zoulouland et passer sous le contrôle britannique. Lorsque l’Afrique du Sud prit son indépendance en 1961, la république reconnut également une liste de royaumes traditionnels.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr