Le dernier couronnement d’un roi des Zoulous remonte à 1971. Pour la première fois, ce 29 octobre 2022, un président noir d’Afrique du Sud, a remis le certificat de reconnaissance de souveraineté sur un peuple traditionnel à un roi des Zoulous. Le roi Misuzulu, qui a succédé l’année dernière à son père, le charismatique et décrié roi Goodwill Zwelithini, a été officiellement reconnu comme roi de la nation zouloue lors d’une cérémonie exceptionnelle dans le stade de Durban.
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La dernière cérémonie de reconnaissance du règne de Misuzulu a lieu au stade de Durban devant des dizaines de milliers de Zoulous et dignitaires
En 1971, la cérémonie de couronnement du roi Goodwill Zwelithini s’était déroulée sous la pluie. Peu d’images sont parvenues jusqu’à nous. Goodwill Zwelithini, descendant de Zulu KaNtombela, fondateur du clan zoulou en 1709, avait déjà succédé à son père dès 1968 lorsqu’il était en exil. Son couronnement ne fut organisé que trois ans plus tard, sous un gouvernement sud-africain d’apartheid. L’Afrique du Sud est devenue une démocratie en 1994.
Le 20 août dernier, le roi Misuzulu kaZwelithini, 48 ans, a été couronné au cours d’une cérémonie traditionnelle zouloue. Il s’agit aujourd’hui d’une cérémonie administrative organisée par les autorités pour affirmer sa reconnaissance par le président Cyril Ramaphosa. La cérémonie porte le nom officiel de Liphumile Ilanga KwaZulu-Natal, ce qui veut dire « le soleil s’est levé sur la nation zouloue » en langue zouloue.
Bien qu’il n’y ait aucune couronne impliquée dans la cérémonie, il s’agit pourtant du terme utilisé en Afrique du Sud pour parler de l’installation du roi des Zoulous sur le trône qui lui permettra dorénavant de présider en toute légitimité son royaume traditionnel, rattaché à la province de KwaZulu-Natal.
Le roi Misuzulu arrive au stade de Durban où il recevra aujourd'hui son certificat de reconnaissance la part du président Ramaphosa.
— Histoires Royales (@ActusRoyales) October 29, 2022
Il s'agit de la dernière étape dans les rites de "couronnement" du roi des Zoulous. pic.twitter.com/5B4DrdJeJp
En mai 2021, le roi Misuzulu a succédé à son père, le roi Goodwill Zwelithini, décédé deux mois plus tôt. La désignation de Misuzulu n’a pas fait l’unanimité au sein de la famille, entraînant divers recours en justice pour tenter de faire annuler son règne. En mars 2022, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a publié une ordonnance présidentielle dans laquelle il a reconnu Misuzulu en tant que roi des Zoulous.
La cérémonie traditionnelle s’était déroulée au palais KwaKhangelamankengane de Nongoma, en août. Le roi portait un costume traditionnel fabriqué avec la peau du lion qu’il avait tué deux jours plus tôt. L’acte de couronnement ou d’installation traditionnelle du roi consistait à pénétrer dans le kraal. Le kraal est littéralement un « enclos à bétail ». Dans le kraal, le roi a été présenté aux membres éminents de la communauté zouloue et aux ancêtres, défunts rois zoulous. Lorsque le roi est ressorti du kraal après plusieurs heures de cérémonie secrète à huis clos, il portait une autre tenue, dont une coiffe avec de grandes plumes noires et une tunique en longs poils noirs.
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Le roi Mswati III, des princes du Lesotho et des rois traditionnels assistent à la cérémonie de couronnement à Durban
Ce samedi, un important dispositif de sécurité était prévu pour entourer l’événement. EWN parle de 2000 agents de sécurité déployés autour du Moses Mabhida People Stadium, où se déroule la cérémonie et dans les parcs aux alentours. Plus de 2000 dignitaires assistent à la cérémonie dont des anciens présidents et des rois. Outre les nombreux détracteurs du nouveau roi, il y a actuellement une tension générale en Afrique du Sud après la diffusion d’une alerte attentat lancée par l’ambassade américaine à Prétoria, comme le rapporte France 24.
Parmi les dignitaires présents, outre le président sud-africain actuel, Cyril Ramaphosa, on a pu apercevoir David Mabuza, actuel vice-président d’Afrique du Sud, Ian Khama, ancien président du Botswana. Thabo Mbeki et Jacob Zuma, anciens présidents sud-africains ont assisté à la cérémonie.
Le Maroc, le Lesotho et l’Eswatini sont les trois derniers royaumes souverains d’Afrique. Le Lesotho, pays également enclavé dans l’Afrique du Sud, n’était pas représenté par son roi, Letsie III, qui gère actuellement une crise politique dans son pays. Le roi Letsie III avait envoyé un prince de sa famille accompagné de son épouse.
Le roi Mswati III s’est déplacé en personne, accompagnés de quatre ministres, jusqu’au stade de Durban. Le roi est aussi l’oncle du roi Misuzulu. Le roi Misuzulu est le fils du roi Goodwill Zwelithini et de sa troisième épouse, la reine Mantfombi, fille du roi Sobhuza II et sœur du roi Mswati III. Le roi Mswati III est le dernier roi absolu d’Afrique. Son pays d’1,1 million d’habitants, l’Eswatini, était connu comme le Swaziland jusqu’en 2018. Mswati est très proche de son neveu et lui assure une légitimité et une protection. Le début de règne de Misuzulu est compliqué, en raison des tensions familiales et de certains frères et sœurs qui refusent de reconnaître sa légitimité. Son oncle, qui lui règne véritablement sur un royaume souverain, l’accueille régulièrement chez lui lorsque les tensions deviennent menaçantes.
Des rois traditionnels étaient également présents à la cérémonie, c’est le cas du roi Gungunyane, qui revendique le trône de l’ancien empire de Gaza. Gaza est aujourd’hui une province du Mozambique. L’ancienne famille royale de Gaza réside en grande partie en Afrique du Sud. Étaient également présents des rois du Nigeria, de Zambie et du Zimbabwe.
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Le roi Misuzulu reçoit son certificat de reconnaissance du président sud-africain Ramaphosa
La cérémonie s’est déroulée au stade de Durban, pouvant accueillir jusqu’à 48 000 personnes. La cérémonie, improprement appelée cérémonie de couronnement, consiste en réalité à la simple remise de certificat de la part du président Ramaphosa. En mars dernier, le président sud-africain avait signé une ordonnance présidentielle dans laquelle il confirmait reconnaître le prince Misuzulu comme souverain de la nation zouloue.
« En vertu de l’article 8(3)(a) et (b) de la loi de 2019 sur le leadership traditionnel et Khoïsan », le président de la République d’Afrique du Sud « a reconnu le roi élu Prince Misuzulu Sinqobile Zulu comme roi du royaume AmaZulu », peut-on lire dans l’ordonnance présidentielle signée en mars. C’est ce document qu’a remis le président en mains propres au roi.
La cérémonie a débuté par les différents hymnes et une lecture de consécration par l’archevêque Thabo Makgoba, archevêque anglican du Cap. Durant la cérémonie, le roi Mswati III a prononcé quelques mots de félicitations à son neveu et lui a accordé des vœux de sagesse.
Le prince Mangosuthu Buthelezi, ancien premier ministre du KwaZulu-Natal et membre de l’Assemblée nationale d’Afrique du Sud, a également prononcé un discours dans lequel il a fait un rappel historique de la nation zouloue. Le prince Mangosuthu Buthelezi est membre de la famille royale zouloue et aussi un porte-parole de la famille. Le juge en chef Raymond Zondo a également participé à la cérémonie.
« Je me dois de remplir mon devoir, qui selon la Constitution, reconnaît le rôle de nos rois et reines, en sommant mon gouvernement ici même de travailler avec Sa Majesté pour changer la vie de notre population et pour transformer nos régions rurales en lieux de développement et de prospérité », a déclaré le président dans son discours. « Je reconnais que les chefs traditionnels sont les véritables gardiens des cultures, coutumes et traditions qui font de nous qui nous sommes. »
« Aujourd’hui est une belle journée. C’est aussi une journée bénie. Nous prions pour que le règne de Sa Majesté soit long et glorieux. Que Sa Majesté soit toujours guidé par le Tout-Puissant. Que votre règne soit celui de la justice, de compassion, de paix et d’unité. Votre peuple vous regarde pour que vous les guidiez vers un avenir brillant et glorieux. »
« Votre Majesté, vous êtes le lien qui unit la nation zouloue. Vous êtes le dernier d’une longue lignée de grands rois qui ont traversé tellement de défis au fil des siècles. Aujourd’hui, nous rencontrons aussi beaucoup de difficultés en tant que nation », a admis le président. Ramaphosa a également fait l’éloge de Goodwill Zwelithini.
Après 3 heures de cérémonie, le président a conclu son discours par la reconnaissance officielle du roi. « Notre roi est officiellement, le roi de la nation zouloue et le seul roi de la nation zouloue ». Avec l’aide de la ministre en charge des affaires traditionnelles, Nkosazana Dlamini-Zuma, le président a remis le certificat de reconnaissance signé en mars dernier.
Le roi Misuzulu était entouré tout le long de la cérémonie par des régiments traditionnels zoulous et des centaines de jeunes filles. Après avoir reçu son certificat, le roi est monté sur le podium pour prononcer une allocution. Son certificat vient ainsi freiner les dissidences qui ont émergé au sein de la famille royale depuis le début du règne de Misuzulu.
Une partie de la famille royale reproche à Misuzulu d’avoir volé sa place sur le trône. Normalement, au décès du roi, un conseil de famille se réunit pour élire le successeur parmi les princes de la famille. À la mort du roi Goodwill Zwelithini en mars 2021, son testament indiquait la nomination d’une de ses six épouses, la reine Mantfombi pour assurer la régence le temps de la période du deuil. À l’issue de cette période, le nouveau roi devait être désigné. Rien ne s’était déroulé comme prévu puisque la reine Mantfombi est décédée dans des conditions suspectes, au bout de trois semaines de régence. Le testament de la reine régente désignait son fils, Misuzulu, comme le nouveau roi. Le conseil de famille a bien voté en ce sens, suivant les directives de la défunte reine.
Depuis lors, toute une partie de la famille s’oppose à cette succession. Sa légitimité est pourtant confirmée par le président d’Afrique du Sud et Misuzulu bénéficie du soutien de son oncle, le roi Mswati III d’Eswatini. De nombreuses personnalités sud-africaines lui ont déjà publiquement accordé leur soutien, dont la princesse Charlène de Monaco, qui était très proche de feu Goodwill Zwelithini et qui a d’ailleurs assisté à ses funérailles à Nongoma en 2021. La princesse Charlène faisait partie de la liste des royautés invitées à la cérémonie de ce samedi. Elle a décliné l’invitation pour des raisons d’incompatibilité de son emploi du temps.
Après des siècles de clans et tribus dirigés par un chef, le royaume des Zoulous (ou Empire zoulou) fut un État reconnu lorsqu’il acquit son indépendance en 1816, sous le règne du roi Chaka. Le règne du roi Chaka est considéré comme l’apogée de la période zouloue. Le roi Cetshwayo, neveu du roi Chaka, vit quant à lui son royaume devenir le Zoulouland en 1883, et passer sous le contrôle britannique. Lorsque l’Afrique du Sud prit son indépendance en 1961, la république reconnut également une liste de royaumes traditionnels. Ces royaumes sont reconnus et confirmés par la Constitution sud-africaine de 1996.
L’article 212 de la constitution sud-africaine reconnaît un certain nombre de royaumes traditionnels, dans lesquels les monarques occupent un réel rôle de médiateur au niveau local et un rôle symbolique, en tant que garants de la préservation culturelle de leur tribu. Le roi Misuzulu Zulu est le souverain du peuple zoulou, anciennement regroupé dans le Zoulouland, qui aujourd’hui fait partie de la province sud-africaine du KwaZulu-Natal. Parmi les royaumes traditionnels, celui des Zoulous est le plus important en termes de population. On estime à un cinquième de la population sud-africaine appartenant à l’ethnie zouloue.
La population zouloue étant majoritairement regroupée dans la province du KwaZulu-Natal, qui correspond aussi approximativement au territoire de l’ancien Zoulouland, la famille royale zouloue a été attribuée comme souveraine de ce territoire, le roi des Zoulous y agissant comme un monarque constitutionnel. Par exemple, c’est le roi qui ouvre chaque nouvelle année parlementaire provinciale, comme le fait le roi en Norvège, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni. La monarchie zouloue reçoit une subvention annuelle de l’État qui avoisine les 5 millions de dollars.