Les députés luxembourgeois diminuent les pouvoirs du Grand-Duc : ordre de succession et prérogatives du souverain inscrits dans la Constitution

Le grand-duché de Luxembourg fait un pas de plus vers l’adoption de sa nouvelle Constitution, qui se veut plus moderne, axée sur les valeurs actuelles du pays et protégeant également les symboles nationaux. La dernière modification importante de la Constitution datant de 1868 remonte à 2008. Parmi les nombreuses modifications apportées, certains articles concernent le rôle et les pouvoirs du souverain. La Chambre des députés a voté cette semaine quelques modifications dans les prérogatives du Grand-Duc, ainsi que l’inscription des règles de succession dans la Constitution.

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Ordre de succession, prérogatives du souverain et réorganisation du pouvoir au Luxembourg

La Chambre des députés a entrepris une grande révision de la constitution luxembourgeoise. Les députés votent à présent l’adoption ou non des révisions proposées par étapes. En octobre dernier, ils avaient voté pour les modifications concernant le chapitre « Justice ». Les propositions avaient été adoptées. Ce mardi 25 janvier, il était question de voter pour le deuxième volet, qui concerne « l’organisation de l’État ». Dans ce chapitre, on retrouve notamment le rôle du chef d’État.

Au total, 49 députés sur les 54 députés présents ont voté le texte. On note une abstention et les 4 votes contre des députés de l’ADR (Parti réformiste d’alternative démocratique), le parti conservateur populiste. Il faudra encore que les députés votent les chapitres « Droits et liberté » et « Chambre et Conseil d’État » dans les prochains mois avant d’adopter définitivement la nouvelle Constitution.

Bonne nouvelle pour la famille grand-ducale, cette modification ne concerne pas un changement de régime. La monarchie constitutionnelle est maintenue, bien que la manœuvre comprenne la diminution de certaines prérogatives du chef d’État. La nouvelle Constitution vise notamment à limiter ses pouvoirs à l’exécutif. Contrairement à ce que l’on croit, le Grand-Duc avait jusqu’ici aussi un pouvoir – certes limité – judiciaire. « Le Grand-Duc continuait par exemple à nommer les juges, mais uniquement de manière formelle », explique le Wort.

Suite à la publication du rapport Waringo, commandé par le gouvernement en 2020, qui était une sorte d’audit interne à la Cour grand-ducale, plusieurs mesures ont été prises. Le rapport avait pointé quelques dysfonctionnements organisationnels dans l’entourage du Grand-Duc. Pour remédier à cela, une réorganisation en profondeur avait été opérée au sein du Palais. La nouvelle entité administrative qui entoure le souverain s’appelle dorénavant la Maison du Grand-Duc. La nouvelle Constitution parle de cette administration qui « jouit de la personnalité juridique ».

Le Premier ministre Xavier Bettel et le grand-duc Henri de Luxembourg au Palais grand-ducal en janvier 2022 (Photo : Maison du Grand-Duc)

Contrairement à d’autres monarchies, les règles de succession au trône étaient définies au sein du Pacte de Nassau. Il s’agit d’un règlement interne à la famille régnante. Ce temps sera bientôt révolu puisque la prochaine Constitution comprendra des articles qui énumèrent les règles de l’ordre de succession au trône.

C’est sous l’article 44 que l’on retrouvera un ensemble de points précis concernant l’ordre de succession. « La fonction de Chef de l’Etat est héréditaire dans la descendance directe de Son Altesse Royale Adolphe, Grand-Duc de Luxembourg, Duc de Nassau, par ordre de primogéniture et par représentation. Seuls les enfants nés d’un mariage ont le droit de succéder. » L’alinéa 2 précise que toute personne figurant dans l’ordre est en droit d’y renoncer par un acte écrit irrévocable. La Chambre des députés peut aussi exclure une ou plusieurs personnes en adoptant une loi spécifique « lorsque des circonstances exceptionnelles le commandent ».

S’il n’y a plus aucun successeur dans l’ordre, la Chambre des députés doit se réunir au plus tard 30 jours après le décès ou l’abdication du Grand-Duc pour désigner un nouveau chef d’État. Des règles spécifiques en cas d’incapacité du souverain permettent la nomination d’un Lieutenant-Représentant et d’autres règles concernent la mise en place d’une régence, dans l’éventualité où le souverain serait mineur.

Composition actuelle de la famille grand-ducale et l’ordre de succession au trône luxembourgeois (Image : Histoires Royales)

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Le commandement effectif de l’armée revient au gouvernement

Enfin, le chef d’État va perdre certains titres officiels. Jusqu’ici, les projets de loi étaient déposés en son nom. Ce ne sera plus le cas. D’un point de vue militaire, le grand-duc Henri restera commandant des Forces armées mais en réalité le commandement effectif reviendra au gouvernement. Bien entendu, l’article 1e du chapitre III consacré au souverain, débute en confirmant que « le Grand-Duc est le Chef de l’Etat. Il représente l’Etat. Il est le symbole de l’unité et de l’indépendance nationales. Sa personne est inviolable.»

Parmi les autres droits du Grand-Duc, changés ou inchangés, qui sont marqués dans la Constitution, il y a notamment « le droit de conférer des titres de noblesse aux membres de la famille grand-ducale, sans pouvoir jamais y attacher de privilège », « le Grand-Duc nomme aux emplois publics ». Il a le droit, « dans les conditions déterminées par la loi, de remettre ou de réduire les peines prononcées par les juridictions ». Bien sûr, le souverain continue à promulguer les lois et il « fait et défait les traités ». Enfin, « il prend les règlements nécessaires pour l’application des actes juridiques de l’Union européenne ».

Ce deuxième volet avait aussi pour but de renforcer les symboles nationaux. Il y a une revalorisation des symboles de l’État. L’hymne national, Ons Heemecht (Notre patrie) est inscrit dans la Constitution, ainsi que le drapeau luxembourgeois et même la langue luxembourgeoise. Les armoiries nationales sont dorénavant mentionnées ainsi que la désignation de la ville de Luxembourg comme capitale. De plus, dans l’article 5, comme le fait remarquer le Wort, « le Luxembourg s’engage clairement en faveur de l’intégration européenne.»

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr