Le duc et la duchesse de Sussex seront-ils privés de leur titre comme le veut un député ?

À chaque sortie de route, publication d’un nouveau livre polémique ou prise de parole controversée en lien avec le prince Harry et Meghan Marke, la presse s’enflamme et les fans de la famille royale appellent au boycott du couple. Ce dimanche, le député conservateur Bob Seely, a donné son point de vue très critique sur le duc et la duchesse de Sussex. Le député souhaite faire modifier la loi afin de faciliter la destitution des titres de noblesse et donc priver plus facilement le deuxième fils du roi Charles III de son titre de duc de Sussex. Y parviendra-t-il ?

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Un député est très en colère contre le prince Harry et Meghan Markle

Le député conservateur Bob Seely, 57 ans, représentant de la circonscription de l’Île de Wight, a publié un édito dans le Mail on Sunday, ce dimanche 3 décembre 2023. L’homme politique est très en colère contre le prince Harry et son épouse, qu’il soupçonne d’utiliser le journaliste Omid Scoobie – qui vient de publier son livre Endgame – pour raconter leur version des faits en se cachant derrière sa plume.

« Dans les prochaines semaines, je présenterai un projet de loi au parlement visant à destituer le duc et la duchesse de Sussex de leurs titres royaux », écrit le député dans Mail on Sunday. « Je ne suis pas républicain et je soutiens la monarchie, mais après le dernier épisode de querelle du couple avec le reste de la famille royale, je pense que le parlement et le Conseil privé devraient envisager une option nucléaire ».

Le député Bob Seely est très remonté contre le duc et la duchesse de Sussex après la publication du livre Endgam d’Omid Scoobie (Photo : Jordan Pettitt/PA Wire/ABACAPRESS.COM)

« Mon objectif est simple : si quelqu’un ne veut pas être [membre] de la famille royale, c’est une décision que nous respectons – mais il ne doit pas conserver ses titres et privilèges s’il saccage une institution qui joue un rôle important dans la vie de notre nation », continue Bob Seely. « Des sources proches des Sussex ont souligné qu’Harry et Meghan ne sont pas à l’origine des affirmations faites dans le livre d’Omid Scobie. Mais je soupçonne que peu de gens croient à de tels démentis ». Au Telegraph, le député a ajouté : « Le prince Harry et Meghan et ceux qui prétendent parler en leur nom nuisent lentement au statut de la famille royale ».

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Un projet de loi qui est loin d’aboutir et qui ne vise pas spécifiquement le duc de Sussex

Le député parviendra-t-il à ses fins ? Tout d’abord, Bob Seely affirme qu’il déposera un « private bill », soit un projet de loi personnel, dans les prochaines semaines. Il n’a donc réellement pas encore mis ses menaces à exécution. Jusqu’ici, il s’agit seulement d’un coup de communication. Deuxièmement, un projet de loi identique (ou allant dans le même sens) a déjà été présenté en décembre 2022 par la députée travailliste Rachael Maskell et semble être au point mort. Il y a peu de raisons que cette proposition, quasiment identique, soit soudainement soutenue au parlement.

La presse s’enflamme ou tente de faire le buzz sur les déclarations du député Bob Seely, arguant que les Sussex pourraient être bientôt privés de leurs titres. Nous en sommes pourtant encore très loin. Le projet de loi de Rachael Maskell et éventuellement celui de Bob Seely (s’il l’introduit vraiment) portent sur la modification du processus de privation des titres, en proposant un amendement à au Titles Deprivation Act en vigueur actuellement et datant de 1917. Cette loi avait été votée à l’issue de la Première Guerre mondiale afin de dépouiller de leurs titres des nobles ayant fait preuve de haute trahison, s’étant rangés du côté allemand. Dans l’histoire moderne du Royaume-Uni, il s’agit des seuls nobles ayant été privés de leur titre de noblesse, et ce au motif impérieux d’« ennemi ». Si le noble en question est considéré comme tel, la décision doit ensuite être approuvée par les deux chambres (la chambre des Lords et la chambre des Communes) pour valider la destitution.

Le projet de loi de Maskell vise à amender cette loi de sorte que le monarque ait lui-même le pouvoir de supprimer des titres. Si on en croit les propos tenus par Seely dans la presse, sa proposition serait la même. Selon ce projet, la loi devrait alors « prévoir que de telles suppressions puissent être effectuées par le monarque de sa propre initiative ou à la suite d’une recommandation d’un comité mixte du Parlement ».

Autrement dit, le but serait de faciliter la destitution en donnant ce pouvoir de privation directement au souverain ou à son conseil privé. Cela signifie que même si cette loi venait un jour à exister, rien n’indique que le roi destituerait les Sussex. Il en aurait le pouvoir mais faudrait-il encore qu’il le fasse. La presse peu scrupuleuse fait donc un raccourci mensonger en écrivant que des députés souhaitent faire passer une loi pour destituer le couple, puisque la loi ne viserait pas spécifiquement Harry mais concernerait tous les nobles. On comprend aussi pourquoi ce projet risque de ne pas aboutir. Quel pair qui siège à la chambre des Lords serait prêt à laisser le souverain décider du sort de son propre titre ? Cette loi permettrait au souverain de retirer un titre de noblesse, selon son bon vouloir, en toute subjectivité, et même en cas de désaccord politique.

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Le roi Charles III n’est pas en mesure de destituer le prince Harry de son titre de duc de Sussex

Ce projet pourrait-il aboutir ? Rappelons que Bob Seely n’a pas encore officiellement présenté de projet de loi. Quant à celui de Maskell, il semblerait qu’il soit avorté. Tous les députés peuvent présenter un « private bill ». Cela consiste simplement à prendre la parole pour lire une idée, sous une forme très brève, lors d’une séance en chambre. C’est ce qu’on appelle la première lecture. Le processus qui suit est extrêmement long et le site du parlement britannique prévoit même un espace réservé au suivi des bills afin d’en simplifier la compréhension. Le projet de loi doit d’abord passer par une deuxième lecture en chambre, qui mènera à l’étude du projet au sein d’une commission, qui rédigera un rapport, qui lui-même sera lu lors d’un troisième passage. Une fois toutes les lectures approuvées dans la chambre des Communes, le projet passe à la chambre des Lords où il doit subir le même processus de validation par trois lectures et une étude par une commission. Si les deux chambres approuvent finalement le projet, la version définitive (qui peut être différente du projet initial) est soumise à la validation par la sanction royale (signature) qui la rend effective.

Le projet de Maskell a été lu par l’intéressée en décembre 2022 et sa deuxième lecture a été repoussée à plusieurs reprises, ne trouvant visiblement pas assez de soutiens pour que la lecture finisse par apparaître à l’ordre du jour. Le parlement écrit sur son site que la deuxième lecture « est normalement la première occasion pour un projet de loi d’être débattu en chambre », la première lecture étant simplement la présentation d’une idée personnelle qu’a un député. Au vu de la complexité du processus, on comprend aussi pourquoi il serait presque impossible d’aboutir à la création d’une loi qui aurait pour seul but de destituer nominativement le prince Harry.

Pour rappel, la reine Elizabeth II avait publié un communiqué qui faisait suite à la décision du prince Harry et de Meghan Markle d’abandonner leurs fonctions royales et de s’installer aux États-Unis. La reine avait demandé à son petit-fils de ne plus faire usage de son titre de duc de Sussex ainsi que de son prédicat d’Altesse Royale. Il s’agissait d’un communiqué, qui n’a aucune fonction si ce n’est diffuser un avis. Cet été, le site officiel de Buckingham a finalement retiré la mention du prédicat du prince Harry, quant aux derniers communiqués officiels, ils mentionnent Harry comme le « prince Harry » et non plus comme le « duc de Sussex ». Le prince Harry fait toutefois encore usage de son titre de duc de Sussex dans ses communications, étant légalement dans son droit. Lorsqu’il est reçu à l’étranger, les services protocolaires utilisent les titres officiels et Harry est donc encore présenté comme Son Altesse Royale le duc de Sussex.

Le roi Charles III n’a aucun pouvoir de destitution des titres de noblesse (Photo : Chris Jackson/PA Wire/ABACAPRESS.COM)

Ni Elizabeth II ni Charles III ne sont en mesure de destituer le prince Harry de son titre de duc de Sussex, d’où les tentatives d’amendement de la loi de 1917, qui permet actuellement seulement de retirer un titre si la personne est considérée comme un « ennemi » de la nation, et après un vote des deux chambres.

Rappelons aussi que Meghan Markle est duchesse uniquement en tant qu’épouse d’un duc et elle n’est donc pas visée par une quelconque destitution. Les titres de noblesse britanniques ne sont attribués qu’aux hommes, sauf exception de certains rares titres ainsi que ceux accordés récemment à des baronnes intégrant la chambre des Lords. D’où le fait qu’après un divorce, l’ex-épouse perd également son titre, n’étant plus l’épouse du duc.

Le titre de prince, quant à lui, n’est pas un titre de noblesse britannique. Il faut le considérer comme une qualité qu’accorde le souverain aux membres de sa famille. Seuls les membres de la famille royale sont princes du Royaume-Uni. L’attribution se fait en suivant les règles signées par les Lettres patentes du souverain. En l’occurrence, les Lettres patentes régissant l’attribution du titre de prince sont celles de 1917, établies par le roi George V. Elles indiquent que tous les enfants du souverain portent le titre de prince ou princesse, ainsi que tous les petits-enfants du souverain (s’ils descendent du souverain par leur père). Une exception existe aussi pour l’aîné de l’aîné de l’héritier du trône, qui est aussi prince. L’attribution est automatique à toute personne qui répond aux conditions mentionnées. Le souverain peut également créer de nouvelles Lettres patentes afin d’attribuer le titre à qui bon lui semble, comme ce fut le cas lorsqu’Elizabeth II a octroyé ce titre à son époux en 1956. Il suffirait aussi au souverain d’abroger les précédentes Lettres patentes et d’en rédiger de nouvelles, avec de nouvelles conditions pour qu’elles prennent vigueur. Charles III, jusqu’à présent, n’a pris aucune décision en ce sens.

À moins que le souverain décide d’accorder une exception ad nominem à une épouse (comme ce fut le cas pour la princesse Alice en 1974), aucune épouse de prince n’est princesse. Les règles d’attribution de la qualité de prince diffèrent de celles d’attribution des titres de noblesse, qui elles sont régies par des lois. Le titre de noblesse le plus élevé au Royaume-Uni est celui de duc. Le titre de prince n’existe pas, contrairement aux autres monarchies. Quant au titre de prince de Galles, il s’agit d’un titre honorifique qui lui non plus n’est pas un titre de noblesse. Il dépend de la couronne et est donné par tradition. Le véritable titre de l’héritier du trône est celui duc de Cornouailles et se transmet selon des règles qui ne dépendent pas du souverain. Charles III a choisi de perpétuer la tradition d’attribuer le titre de prince de Galles à son héritier, en annonçant lors de son premier discours prononcé en tant que monarque, en septembre 2022, que son fils William en ferait usage. Toutefois, il n’a attribué officiellement ce titre que récemment, lorsqu’il a réglé la question administrativement, à l’approche de son couronnement en 2023. S’agissant d’un titre totalement privé, reconnu par la Couronne, l’attribution s’est faite par la simple signature de Lettres patentes. Par courtoisie, son épouse est la princesse de Galles. Le titre ne lui a pas été remis personnellement par Lettres patentes.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr