La fin du crime de lèse-majesté en Belgique : plus de peine de prison pour les insultes envers le roi des Belges

Le ministre de la Justice belge, Vincent Van Quickenborne, a entrepris une grande réforme du Code pénal. Parmi les avant-projets de loi proposés, il y a la fin de ce qu’on appelle communément le « crime de lèse-majesté ». Une loi de 1847 permet encore de punir d’une peine d’emprisonnement les offenses publiques à l’encontre du Roi ou de sa famille. Si cette loi est abrogée, le roi Philippe et sa famille bénéficieront de la même protection contre la diffamation que n’importe quel autre citoyen ou personnalité publique.

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Le ministre de la Justice veut abroger la protection du Roi contre les offenses publiques

En novembre dernier, on apprenait que le ministre de la Justice belge, Vincent Van Quickenborne, était parvenu à s’accorder avec le gouvernement fédéral à entreprendre la proposition d’écriture d’un nouveau Code pénal. La RTBF expliquait : « Fort de plus de 1000 pages, ce nouveau Code pénal doit remplacer l’actuel, vieux de plus de 150 ans déjà et jugé très complexe par les professionnels. »

Le groupe SudPresse révèle en exclusivité ce 7 janvier 2023 un avant-projet déposé par le ministre Vincent Van Quickenborne. Cet avant-projet concerne l’abrogation du crime de lèse-majesté. Comme dans de nombreuses monarchies, le souverain et sa famille bénéficient de lois écrites au 19e siècle, qui visaient à les protéger contre les attaques publiques. La loi belge qui punit les insultes au Roi date de 1847, écrite alors que le royaume de Belgique était encore naissant et qu’il fallait garantir la stabilité de la monarchie.

Offenser le roi Philippe ne sera bientôt plus passible d’une peine de prison, comme le prévoit encore la loi de 1847 (Photo : ABACAPRESS.COM)

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Depuis lors, bien des choses ont changé et selon le ministre de la Justice actuel, il n’y a pas de raison que le Roi et sa famille soient mieux protégés des insultes que n’importe quel autre citoyen. Le crime de lèse-majesté, qui porte différentes dénominations en fonction des pays, est encore en vigueur dans de nombreuses monarchies. En Asie (notamment en Thaïlande et au Cambodge) et en Afrique, les insultes envers le souverain sont sévèrement punies.

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Les condamnations sont rares

En Belgique, les véritables condamnations pour insultes au Roi sont très rares. La dernière en date est celle du leader socialiste Edward Anseele, qui a été condamné au 19e siècle « pour insultes à l’encontre du roi Léopold II », rappelle SudPresse. « Dans la plupart des cas, cependant, les poursuites n’ont jamais été engagées ».

Même si les condamnations sont rares, selon la loi du 6 avril 1847, qui est toujours en vigueur aujourd’hui, quiconque « se sera rendu coupable d’offense envers la personne du Roi », que ce soit « dans des lieux ou réunions publics, par discours, cris ou menaces, par des écrits, des imprimés, des images ou emblèmes quelconques […] qui ont été exposés aux regards du public », « sera puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans, et d’une amende de 300 à 3 000 fr ». L’emprisonnement est de trois mois à deux ans pour une offense envers un autre membre de la famille royale.

Offenser publiquement la personne du Roi est passible de 6 mois à 3 ans de prison et offenser un autre membre de la famille royale est passible d’un emprisonnement de 3 mois à 2 ans (Photo : Olivier Polet/ABACAPRESS.COM)

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La voie était ouverte dès 2021 suite à un arrêt de la Cour constitutionnelle

La fin du crime de lèse-majesté était déjà annoncée dès 2021, après un arrêt de la Cour constitutionnelle dans le cadre d’une affaire d’extradition du rappeur catalan Valtònyc, réfugié en Belgique depuis 2018. Il était accusé dans son pays d’avoir insulté le roi d’Espagne et était visé par un mandat d’arrêt européen. La Cour constitutionnelle belge avait jugé, comme la Cour d’appel de Gand précédemment, que la disposition de protection du souverain, bien qu’en vigueur selon la loi, violait la liberté d’expression garantie par l’article 19 de la Constitution belge et l’article de 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

« La Cour constitutionnelle souligne que la liberté d’expression est l’un des fondements essentiels d’une société démocratique », écrivait La Libre, à l’époque de cette affaire qui a ouvert la voie au débat sur la désuétude de cette loi. Le ministre de la Justice semble d’accord avec la décision de la Cour constitutionnelle. « Le contexte social est complètement différent de celui de 1847 », affirme-t-il aujourd’hui à SudPresse.

Le roi Philippe, assis entre le Premier ministre, Alexander De Croo, et le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, en septembre 2022 (Photo : Frédéric Andrieu/ISOPIX)

La révision de cette loi ou son abrogation auraient pour but d’assimiler les offenses et les insultes au Roi à n’importe quel autre cas de diffamation envers les personnes physiques. La réputation du Roi ne sera donc plus davantage protégée que celle des autres citoyens. La « diffamation » du Roi pourra être reconnue si les propos sont reconnus comme un crime, comme c’est le cas pour tout autre citoyen.

« Comme pour la diffamation ou la calomnie, le crime de lèse-majesté ne sera plus passible d’une peine de prison en vertu du nouveau code pénal : le juge pourra éventuellement prononcer une amende, une mise à l’épreuve ou un travail d’intérêt général », conclut Romain Goffinet dans les colonnes de SudPresse.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr