Connue aujourd’hui sous l’appellation de « comtesse sanglante », « comtesse Dracula » ou « ogresse des Carpates », qui était Élisabeth Bathory ? Quels furent véritablement ses crimes pour qu’on lui impute rien de moins que d’être à l’origine du « mythe du vampire » ?
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Une personnalité très trouble
De sang royal, Erzébet (Élisabeth) Báthory de Ecséd est née le 7 août 1560 dans une illustre et puissante famille comptant un prince de Transylvanie devenu roi de Pologne et de nombreux dignitaires du royaume de Hongrie.
Élevée par ses parents, elle bénéficia d’une éducation digne de son rang (apprentissage de la lecture et de l’écriture en plusieurs langues) et d’une grande attention due à sa santé fragile (pour certains, elle aurait souffert d’épilepsie).
Mariée à l’âge de 15 ans au comte Ferenc Nádasdy, elle vit ensuite dans le château de Čachtice. (dans les Carpates, aujourd’hui en Slovaquie) où elle a la réputation, son époux nommé commandant en chef de l’armée hongroise étant souvent absent, d’assurer une bonne gestion et une solide défense du domaine familial, de se préoccuper des personnes dans le besoin et d’être une bonne mère. À la mort de son époux en 1604, elle prit même la tête du comté.
Mais déjà des évènements ternissent l’image de la comtesse, dégageant autour d’elle une ambiance de violence et de noirceur. Très jeune, alors qu’elle vit chez ses futurs beaux-parents dans l’attente de son mariage, elle se serait retrouvée enceinte à la suite d’une liaison avec un domestique et aurait secrètement accouché d’un enfant (mort-né ou qui lui aurait été retiré). Doté d’un caractère violent – on l’appellera plus tard le « Prince noir » du fait de son courage et de sa cruauté sur le champ de bataille -, son futur époux aurait fait castrer et exécuter le père de l’enfant.
Par ailleurs, des rumeurs commencent à courir sur les mauvais traitements infligés par la comtesse à ses domestiques et sur les méthodes auxquelles elle recourt pour faire respecter l’ordre dans son fief. Ces rumeurs vont enfler jusqu’à rapporter d’abominables sévices dont seraient victimes des jeunes filles enlevées dans le voisinage.
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Des horreurs entre légende et vérité
Ces rumeurs se propageant avec insistance, plusieurs plaintes et dénonciations arrivent à la cour de Vienne et, finalement, en 1610, l’empereur Matthias Ier du Saint-Empire charge le palatin de Hongrie de mener une enquête et de rassembler preuves et témoignages.
Les faits révélés par cette enquête sont accablants : la comtesse, secondée par des membres de son entourage (nourrice, servante, responsable de la prison du château) aurait fait enlever ou réussi à attirer dans son château des jeunes filles de toutes conditions – paysannes de la région, filles de la petite noblesse – et les aurait torturées ou fait torturer en recourant aux sévices les plus horribles.
Aucune abomination ne manque parmi les témoignages recueillis : violence des coups jusqu’à ce que mort s’ensuive, brûlures, mutilations, morsures sur plusieurs parties du corps, mise à mort par dénutrition ou exposition au froid. Ces tortures se seraient produites dans les nombreuses résidences de la comtesse, y compris à Vienne. Les évaluations sur le nombre de victimes varient, allant de quelques dizaines (recueillies lors des interrogatoires de ses complices) à plusieurs centaines (le nombre de 650 serait même évoqué…).
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La comtesse vampire
Sans que le dossier en fasse état, des légendes vont plus loin, laissant entendre que la comtesse, obsédée par la peur du vieillissement et ayant un jour constaté que du sang sur sa main avait rendu sa peau plus blanche, se baignait dans le sang de ses victimes pour conserver sa jeunesse. Sans doute est-ce à cela que l’on peut imputer le vampirisme dont on l’a, plus tard, accusée.
Au-delà de l’extrême horreur des actes attribués à la comtesse et de la difficulté à imaginer qu’ils aient pu être vraiment perpétrés, les conditions du procès et le contexte historique ne manquent pas d’interroger.
La comtesse elle-même du fait de son haut rang ne fut pas interrogée et n’assista pas au procès. Les témoignages livrés par les accusés le furent sous la torture ou la menace de torture. Aucun corps n’aurait, en outre, été retrouvé.
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Enfin, il faut rappeler qu’à la tête d’un fief important, le comte Ferenc Nádasdy d’abord, la comtesse après la mort de son époux, riches et puissants, représentaient une menace pour leur souverain. Déjà, la mort du comte, lors d’une campagne contre les Ottomans, avait paru suspecte, ses circonstances n’étant pas clairement établies. Et veuve, son épouse ne se serait pas contentée de reprendre la tête du fief mais aurait noué une alliance avec son cousin, prince de Transylvanie, contre le roi. Condamnée à la réclusion perpétuelle et enfermée dans une pièce de son château de Čachtice sans contact avec l’extérieur, jusqu’à son décès en 1614, elle vit son patrimoine rattaché à la Couronne.
Autant d’éléments qui, alimentant la thèse d’un complot politique dont elle aurait été victime, laisse planer le doute…
Le film La Comtesse, sorti en 2009, raconte l’histoire de la comtesse sanglante, avec dans les rôles principaux Julie Delpy (également réalisatrice), Daniel Brühl, William Hurt et Anamaria Marinca.
Sources : L’Express, Greffier noir, Wikipédia