Quel avenir pour le palais de Darulaman de Kaboul ?

Que va-t-il advenir du palais de Darulaman de Kaboul ? Cet édifice néo-classique, restauré à grands frais par l’Occident, servait depuis plusieurs mois de centre de soins anti-covid. Avec la reprise de l’Afghanistan par les talibans, l’avenir du palais est incertain.

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Le premier roi d’Afghanistan exige la construction d’un palais à la mode occidentale

Dans les années 20, l’émir Amanullah Khan d’Afghanistan voulait réformer son pays pour en faire un État moderne, à l’instar des pays occidentaux. En plus des nombreuses réformes politiques, sociales et religieuses, il entreprit la construction de bâtiments dignes de la hauteur qu’il espérait pour l’Afghanistan. Lui-même ne se priva pas de s’élever à la dignité de Roi, en 1926.

C’est en 1925, que le – bientôt roi – Amanullah Khan exigea la construction d’un palais. L’architecte allemand Josef Brix et l’architecte français André Godard travaillèrent sur le dessin d’un palais de style néoclassique. Des diplomates européens et des aristocrates furent invités en audience par la reine Soraya pour lui raconter les us et coutumes d’une vie à l’Occidentale et le fonctionnement d’un palais digne de ce nom.

Amanullah Khan sera émir d’Afghanistan de 1919 à 1926 puis le premier roi d’Afghanistan de 1926 à 1929 (Photo : domaine public)

Le palais, appelé Darulaman (ou Darul Aman, qui veut dire «demeure de la paix» ou «demeure d’Aman» diminutif d’Amanullah), n’était toutefois pas destiné à y abriter le Roi. Le palais Tajbeg est construit sur une butte, à quelques centaines de mètres du palais de Darulaman, dans le but de servir de résidence à la famille royale afghane. Au bout de deux ans de construction le palais est prêt à y accueillir le parlement, comme le prévoyait la commande d’origine.

La situation politique instable, l’exil du roi et la guerre, empêcheront le parlement de s’installer dans le palais de Darulaman. Le souverain abdique en 1929 en faveur de son frère cadet, qui lui-même abdique au bout de trois jours en faveur d’un cousin, Mohammad Nadir Shah. Il restera 4 ans sur le trône, assassiné en 1933. Son fils, Mohammad Zaher Shah lui succède. Il restera près de 40 ans sur le trône.

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L’utilisation du palais de Darulaman

Malgré le retour à la monarchie et une certaine stabilité politique retrouvée, le palais ne servit jamais à abriter le parlement. On y installa une partie de la faculté de médecine de l’université de Kaboul ainsi que plusieurs bureaux ministériels. En 1968, le palais est victime d’un incendie. Restauré, il accueille des bureaux de la défense.

Le palais de Darulaman lorsqu’il était encore utilisé, notamment comme bâtiment ministériel, en 1982 (Photo : domaine public)

Le roi Mohammed Zaher Shah est en vacances en Italie, en 1973, quand son cousin et ancien Premier ministre profite de son absence pour le déposer. Le roi ne montre pas de résistance et accepte son exil. La fin du règne de Mohammad Zaher Shah signe la fin de la monarchie en Afghanistan. Entre 1973 et 1992, plusieurs présidents se succèdent en Afghanistan, jusqu’à l’arrivée au pouvoir du premier président de l’État islamique d’Afghanistan. Le président Rabbani est chassé par les talibans en 1996.

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Le palais de Darulam tombe en ruines

Durant les années 90, les différents bombardements entre les Moudjahidines et les Soviétiques endommagent terriblement le bâtiment qui tombe en ruine. Dans les années 2000, il est encore utilisé pour y accueillir des réfugiés et sert de centre d’entrainement pour l’Armée nationale afghane. En 2001, l’Afghanistan est libérée des talibans et la vie reprend dans le pays. En 2005, on espère rénover le palais pour enfin y accueillir le parlement. Par manque de moyens, un autre bâtiment financé par l’Inde sera construit pour devenir le parlement.

Le palais vu de face en 2008 (Photo : Wikimedia Commons)
En 2010, le palais de Kaboul est toujours en ruines (Photo : Wikimedia Commons)
L’intérieur du palais en ruines en 2008 (Photo : domaine public)
Vue satellite du palais en ruines en 2009 (Photo : capture Google Earth)

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Une rénovation à grands frais en 2019

En 2016, la rénovation du palais se concrétise. Le gouvernement du président Ashraf Ghani espère que le palais sera prêt pour y accueillir les célébrations du centenaire de l’indépendance de l’Afghanistan, organisées le 19 août 2019, rappelant la signature du traité de Rawalpindi, entre le Royaume-Uni et l’Afghanistan. La construction est financée par l’Occident à hauteur de 10,5 millions de dollars, même si d’autres rapports font plutôt état de 16 à 20 millions de dollars.

YouTube video

La rénovation du palais de Darulaman est critiquée par certains, notamment pour son coup important, alors que l’argent pourrait servir à subvenir aux besoins de la population. Le président Ashraf Ghani se défend et considère ce projet comme l’un des plus importants et symbolique dans la reconstruction du peuple afghan.

Le palais de Darulaman en 2019, alors que les travaux s’achèvent (Photo : capture d’écran vidéo YouTube)

Aria News explique que la main-d’œuvre était presque totalement afghane et qu’elle a permis de donner du travail à 1000 ouvriers afghans. En juillet 2019, on annonce que le palais est rénové à 80% et est donc prêt à temps pour le centenaire de l’indépendance. En parallèle, le palais de Tajbeg a lui aussi été rénové. On projetait d’y installer un musée une fois totalement terminé.

En avril 2020, le palais toujours inoccupé, est utilisé comme centre d’accueil pour les patients contaminés par le coronavirus. On y installe des lits et des zones de confinement pour isoler les malades. Depuis cette date, le palais servait de lieu de soins pour les patients atteints du covid-19. En août 2021, les talibans ont envahi Kaboul et le président Ashraf Ghani a fui le pays. Le pays est à nouveau aux mains des talibans et l’avenir du palais est à nouveau incertain.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr