Le prince Charles, fils aîné de la reine Élisabeth II d’Angleterre et donc héritier du trône, porte, parmi de nombreux titres (duc de Cornouailles, duc de Rothesay, comte de Chester, comte de Carrick, baron Renfrew, Lord des Iles, Prince et Grand Steward d’Écosse) celui de Prince de Galles (Prince of Walles), titre le plus élevé de la hiérarchie aristocratique anglaise. Pourquoi ce titre et quelle en est l’histoire ?
Lire aussi : Pourquoi dit-on le dauphin pour l’héritier du roi ?
Un titre né dans le fracas des armes
Avant d’être conquis par les Anglais, le Pays de Galles était divisé en plusieurs petits états et peu de seigneurs locaux se trouvaient en situation d’avoir le titre de Prince de Galles. Deux en particulier parvinrent à le porter et retiennent l’attention : Dafydd ap Llywelyn, qui fut le premier reconnu comme tel par le roi Henri III puis Dafydd ap Gruffudd, le dernier prince gallois natif et indépendant ; à l’origine d’une grande révolte contre le roi Édouard 1er de Plantagenêt, il fut capturé puis condamné à mort pour haute trahison et exécuté d’horribles façons (pendaison, décapitation, éventration et corps découpé en quatre parties destinées à être exposées).
Le titre avait alors peu à voir avec ce qu’il était appelé à devenir ensuite : un titre réservé à l’héritier du trône d’Angleterre.
C’est avec la conquête du Pays de Galles par les Anglais à la fin du XIIIe siècle sous le règne d’Édouard 1er que va naître cette tradition. Le roi ayant fait construire à Caernarfon, face aux monts Snowdon en plein pays gallois, une forteresse imposante qu’il voulait symbole de sa puissance, il y fit installer son épouse, la reine Aliénor de Castille. Un fils y naquit en 1284.
La conquête terminée, le roi proposa un accord aux Gallois mais ces derniers, pensant le mettre en difficulté, ne voulurent accepter comme suzerain qu’un prince né au Pays de Galles et ne parlant ni anglais ni français. Le roi leur présenta alors… son fils, Édouard de Caernarfon (ou Carnarvon), né effectivement sur le sol gallois. Le futur Édouard II inaugura ainsi la tradition en 1301 : désormais chaque premier-né de sexe masculin du monarque se verrait reconnaître le titre de Prince de Galles.
Lire aussi : Le goût du sang de la comtesse Bathory
Prince de Galles, une longue tradition
Qu’ils aient appartenu aux différentes branches royales s’étant succédé sur le trône d’Angleterre – Plantagenêt (Lancastre et York), Tudor, Stuart, Hanovre, Saxe-Cobourg-Gotha puis Windsor -, les « Dauphins » ainsi qu’on les nomme en France furent nombreux, fils ou petits-fils de monarque, à prendre le titre de Prince de Galles : vingt et un depuis le 7 février 1301. Aucune femme n’y figure malgré le règne de trois d’entre elles, qui furent pourtant héritières de la Couronne à un moment ou à un autre : Marie Ière, première femme à être couronnée reine d’Angleterre, puis Élisabeth Ière et Élisabeth II.
Le titre de Princesse de Galles existe mais il est donné à l’épouse du Prince de Galles qui reçoit, comme lui, l’importante distinction d’Altesse royale.
Le titre s’accompagne d’un emblème et d’une devise à l’origine guerrière eux aussi. Ainsi en 1346, Édouard de Woodstock, second Prince de Galles, connu sous le nom de Prince noir, en fut le créateur. En charge du commandement de l’aile droite de l’armée anglaise lors de la bataille de Crécy contre les Français, il fut impressionné par le courage que montra, malgré sa cécité, le roi Jean de Bohême, un de ses adversaires. Celui-ci mort au combat, Édouard de Woodstock, admiratif, décida de faire de son cimier dont il s’empara – c’était un ornement du casque composé d’un diamant surmonté de trois plumes blanches d’autruche – son emblème et d’adopter également sa devise écrite en allemand « Ich Dien » (« Je sers »). Ces armes sont devenues et restées depuis les armes officielles du Prince de Galles.
Lire aussi : L’exécution par noyade alcoolique du duc de Clarence
Un titre pour quoi ?
À qui s’interrogerait sur l’utilité réelle du rôle donné au Prince de Galles, cette devise donnerait une partie de la réponse. « Servir », cela est lourd de sens. Servir le roi, servir le royaume, tout au long des siècles où, confrontés à de multiples, et parfois longs, conflits externes comme internes, les monarques ont dû et pu compter sur l’héritier de la Couronne pour les épauler ou les représenter sur les champs de bataille, comme ce fut les cas du Prince noir par exemple. Aujourd’hui, dans un contexte différent, les devoirs attendus du Prince de Galles, ainsi que cela est rappelé sur son site officiel, se résument à une formule sans ambiguïté : « to support Her Majesty The Queen » (« soutenir Sa Majesté la Reine »).
Au-delà même du rôle de soutien et de représentant de la Reine, le titre et, en particulier, l’investiture qui l’accompagne ont une fonction symbolique forte. C’est pour la souligner qu’en 1911 la cérémonie d’investiture du Prince de Galles se déroula au château de Caernarfon pour le fils aîné du roi George V, le futur Édouard VIII. La même cérémonie se renouvela en 1969 pour l’investiture de Charles, fils de la reine Élisabeth II. Réalisée avec un grand apparat et retransmise par les télévisions du monde entier, elle permit à la monarchie britannique de réaffirmer sa solidité et son ancrage dans une histoire millénaire.
Lire aussi : La Reine ensorcelée par une guérisseuse : une rebouteuse fait trembler la monarchie aux Pays-Bas
Sources : Hérodote, Wikipédia, Britannica