Il est un prince peu connu hors des frontières de son petit pays. Le prince Joseph Wenzel de Liechtenstein est pourtant celui vers qui convergent plusieurs héritages dynastiques, si bien qu’il pourrait théoriquement un jour devenir à la fois le chef d’État légitime d’un pays indépendant et le prétendant à différents trônes d’anciennes monarchies. Certains fantasment même de le voir devenir roi d’Écosse si la nation venait à se séparer du Royaume-Uni comme le propose le récent référendum. Il deviendra aussi un jour le descendant le plus direct, et donc hypothétiquement l’héritier, d’Anne de Bretagne.
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Être membre d’une famille royale régnante et prétendre à un ancien trône est-il possible ?
Ils sont peu nombreux dans les familles royales actuelles à se présenter à la fois comme membres légitimes d’une famille régnante et prétendants au trône d’une monarchie déchue. La princesse Irène des Pays-Bas, sœur de l’ancienne reine Beatrix et tante du roi Willem-Alexander a dû renoncer à sa place dans l’ordre de succession lors de sa conversion au catholicisme pour se marier à Charles-Hugues de Bourbon-Parme, en 1964. Ce dernier était non seulement prétendant au trône du duché de Parme et Plaisance, mais en plus désigné par les sympathisants du mouvement carliste… comme le légitime roi d’Espagne. Depuis la mort de Charles-Hugues, le duc de Parme est son fils, Carlos, cousin du roi Willem-Alexander. Une position pour le moins étrange et ambiguë. Le cousin germain d’un chef d’État lorgne d’un œil un trône actuellement occupé par un lointain cousin, celui d’Espagne.
Rares sont les cas où une potentielle revendication pourrait causer des problèmes diplomatiques. En Belgique, le prince Lorenz, né archiduc d’Autriche-Este, est l’époux de la princesse Astrid, fille du roi Albert II et sœur de l’actuel roi Philippe. L’archiduc Lorenz est dynastiquement le chef de la branche Este de la maison de Habsbourg-Lorraine et le potentiel prétendant au trône du duché de Modène. Il n’a toutefois jamais fait état d’une réelle prétention.
Enfin, il y a le cas du prince Joseph Wenzel. Joseph Wenzel de Liechtenstein, 26 ans, est le fils ainé de l’héritier du trône de la principauté de Liechtenstein. Il est donc 2e dans l’ordre de succession derrière son père, le prince héréditaire Alois, qui est l’héritier direct de son propre père, le prince souverain Hans-Adam II. Du côté de sa mère, Joseph Wenzel pourrait aussi hériter de titres et prétentions bien plus insolites. Il pourrait prétendre aux trônes d’Angleterre, d’Irlande et d’Écosse selon les partisans jacobites. De façon plus anecdotique encore, et principalement généalogique plus que dynastique, il sera un jour le descendant ainé le plus direct des ducs de Bretagne.
Le bannissement des catholiques du trône britannique
En 1685, Jacques succède à son frère, Charles II, de la dynastie des Stuart. Le roi Jacques II d’Angleterre et d’Irlande, également connu comme le roi Jacques VII d’Écosse, s’était converti au catholicisme une vingtaine d’années auparavant, suite à des voyages en France. Il avait également épousé Marie de Modène dans cette même foi. À la naissance de leur fils, Jacques François en 1688, les nobles britanniques craignent alors la mise en place d’une dynastie catholique.
Quelques années auparavant, Jacques fut marié à Anne Hyde, déjà décédée lorsqu’il monta sur le trône. Parmi leurs nombreux enfants, seules deux filles, Marie et Anne, ont survécu. Jacques avait accepté, sous la pression, que sa fille Marie soit élevée dans la foi protestante. Pour s’assurer de sa foi, elle fut aussi mariée au prince néerlandais Guillaume d’Orange. Guillaume était par ailleurs le neveu de Jacques II, donc le cousin de son épouse.
En 1688, à la naissance de Jacques François, premier fils issu du remariage de Jacques II, le roi est renversé par un coup d’État. Jacques François devenait l’héritier du roi, la règle de primogéniture masculine le faisant passer devant ses demi-sœurs, Marie et Anne.
Guillaume d’Orange est invité par les Whigs à envahir les îles britanniques. À l’issue de cette Glorieuse Révolution menée par les partisans catholiques du roi contre les troupes néerlandaises de Guillaume d’Orange, ce dernier ressort vainqueur. Jacques II prit la fuite et son neveu et genre le laissa volontairement partir et rejoindre la France. Jacques II fut accueilli par son allié, Louis XIV. Le roi de France autorisa même le roi déchu à installer sa cour au château de Saint-Germain-en-Laye. Les partisans de Jacques II sont connus comme les Jacobites.
Le 11 avril 1689, le Parlement juge la vacance du trône et la fuite du roi comme étant une abdication. Marie, enfant ainée de Jacques II, et son époux Guillaume, gendre et neveu de Jacques II, sont proclamés roi et reine d’Angleterre, d’Irlande et d’Écosse. Marie II et Guillaume III Il sont couronnés conjointement. Il s’agit d’un règne conjoint un peu particulier dans l’histoire de la monarchie britannique. Marie II meurt de la variole à seulement 32 ans, sans enfant, en 1694. Son époux, Guillaume III règne seul jusqu’à sa mort en 1702. C’est ensuite Anne, la deuxième fille du premier mariage de Jacques II, et sœur de Marie, qui lui succède.
En 1701, peu de temps avant la mort de Guillaume III, le parlement anglais avait promulgué une loi interdisant à un catholique de monter sur le trône. Cette loi est connue comme l’Acte d’Établissement (Act of Settlement, en anglais). La loi bannissait même de l’ordre de succession un membre de la famille qui épousait un ou une catholique. Les parlements écossais et irlandais n’ont toutefois pas voulu voter la même loi.
En 1707, sous le règne de la reine Anne, le parlement écossais est aboli et l’Angleterre et l’Écosse fusionnent. La Grande-Bretagne est créée. La nouvelle structure politique impose par la force des choses l’adoption de la loi anti-catholique au nouveau trône de Grande-Bretagne et d’Irlande. La loi eut pour conséquence de bannir les descendants catholiques du défunt Jacques II, dont le premier visé était Jacques François.
La reine Anne avait eu 17 grossesses et autant d’enfants morts-nés ou de fausses couches. Elle meurt sans enfant en 1714 à 49 ans. Suite à la promulgation de l’Acte d’Établissement, au moins 54 princes et princesses sont bannis de l’ordre de succession. Sa plus proche parente désignée comme son héritière était une cousine, Sophie du Palatinat, épouse du prince-électeur de Hanovre. Sophie est décédée deux mois avant Anne. Ce sera donc Georges, fils de Sophie, qui succédera à Anne. Georges 1e sera roi de Grande-Bretagne et d’Irlande et roi de Hanovre. Il est le premier roi de la dynastie hanovrienne.
Le mouvement jacobite
Jacques II est mort en exil le 16 septembre 1701, au même moment que la promulgation de l’Acte d’Établissement. Un certain nombre de partisans et soldats avait continué à montrer son allégeance au roi déchu. On estime entre 20 000 et 50 000 Britanniques qui auraient fui les îles pour rejoindre le continent.
Les Jacobites, partisans de Jacques II, refusent de reconnaitre la légitimité du co-règne de Marie II et Guillaume III, montés sur le trône suite à un coup d’État et à l’éviction de l’ordre de succession de Jacques François, héritier privé de son trône suite à la promulgation d’une loi jugée sectaire, puisqu’elle déchoit une personne en raison de sa confession religieuse.
Dans le livre Une élite insulaire au service de l’Europe : les jacobites au XVIIe siècle, l’auteur Guy Chaussinand-Nogaret estime à 2500 personnes le nombre de Jacobites qui vivaient à Saint-Germain-en-Laye, gravitant autour de la cour du roi déchu. Louis XIV, qui avait délaissé Saint-Germain-en-Laye depuis 1673 pour s’installer à Versailles, avait laissé ce château à Jacques II.
Quelques centaines de Jacobites vivaient à cette époque misérablement à Paris, d’autres s’étaient installés dans les régions proches des différents ports européens où ils étaient arrivés après avoir quitté les îles britanniques. On en trouve également dans les Caraïbes.
Les Jacobites tentèrent de récupérer leurs trônes à plusieurs reprises. Jacques François Stuart, considéré par ses partisans comme Jacques III en Angleterre et Jacques VIII en Écosse, tenta de débarquer en Écosse à deux reprises en 1708 et 1719, et avait même lancé une insurrection en 1715. À la mort de Jacques François, son fils, Charles Édouard Stuart lui succède et est considéré par les partisans jacobites comme Charles III.
«Charles III» continue le combat de son père et tente une dernière insurrection en 1745. Il réussira à pénétrer en Angleterre avec ses troupes. Il s’enfoncera jusqu’à 250 km dans les terres et gagnera la ville de Derby. Il finira par capituler et se retirer après une défaite écrasante en Écosse. Depuis lors, les Jacobites sont tapis dans l’ombre et n’ont plus tenté de reprendre le pouvoir.
Charles Édouard meurt en 1788. Il a une fille illégitime, Charlotte, qui meurt quelques mois après lui. C’est Henri Benoît Stuart, frère de Charles Édouard qui lui succède. Henri Benoît est un personnage particulier puisqu’il fut cardinal-duc d’York. Baptisé par le pape Benoit XIII en personne après sa naissance, ordonné prêtre en 1748 puis archevêque de Corinthe en 1758 par Clément XIII, Henri-Benoît continuait à soutenir les prétentions dynastiques de son frère. Quand il lui succèdera, il continuera à prendre au sérieux son héritage et sera connu des partisans jacobites comme Henri IX d’Angleterre et Henri 1e d’Écosse.
L’homme d’Église n’était bien évidemment pas marié et n’avait pas d’enfant. Par conséquent, il n’a pas de descendance et est le dernier descendant en ligne directe de Jacques II. Il est aussi le dernier jacobite à avoir activement prétendu aux trônes britanniques. Il évoquait même son règne potentiel et comment il l’envisageait s’il était appelé à monter sur le trône. Henri avait fait savoir qu’il ne renoncerait pas à sa prêtrise s’il devenait roi. Il usait lui-même du titre de «roi de Grande-Bretagne» dans ses communications officielles.
Son successeur est la personne au lien de parenté la plus proche, un lointain arrière petit-neveu, le roi Charles-Emmanuel IV de Sardaigne. Cette succession est d’ailleurs confirmée par ses dernières volontés inscrites dans son testament.
Les prétendants jacobites et les changements de maisons royales
Les trônes des îles britanniques étant transmissibles aux femmes, tout en appliquant une règle de primogéniture masculine, de nombreux changements de maisons royales ont été constatés au fil des siècles. Le roi Charles-Emmanuel IV a hérité de la prétention au trône jacobite par son arrière-grand-mère, Anne-Marie d’Orléans, qui était la fille de Philippe de France, duc d’Orléans, et d’Henriette Stuart, fille de Charles 1e. Henriette Stuart était la sœur de Jacques II et donc l’arrière-grande-tante d’Henri Benoît Stuart.
Charles-Emmanuel IV, veuf de Clotilde de France et sans enfants, abdique en faveur de son frère, Victor-Emmanuel 1e en 1802 et se retire de la vie publique. Il finit comme simple religieux dans la Compagnie de Jésus en 1815 et meurt en 1819. Charles-Emmanuel n’ayant jamais revendiqué de prétention au trône jacobite, celle-ci passe à son frère à sa mort et non lors de son abdication, qui ne mentionnait pas une abdication de ces droits particuliers.
De la maison de Savoie aux Habsbourg-Lorraine
Victor-Emmanuel 1e abdique à son tour du royaume de Sardaigne en 1821, en faveur de son frère Charles-Félix. Victor-Emmanuel n’avait eu que des filles. Il meurt en 1824 et sa prétention au trône jacobite, bien que jamais revendiquée, passe à sa fille aînée, Marie-Béatrice de Savoie. La prétention jacobite quitte donc le giron de la dynastie de Savoie et du royaume de Sardaigne, puisque Marie-Béatrice avait épousé le duc François IV de Modène, un Habsbourg-Lorraine.
François IV, issu de la maison impériale d’Autriche, régnait sur le duché de Modène et Reggio, le duché de Masse et la principauté de Carrare. À sa mort en 1846, son fils François V, lui succède à la tête de ses territoires. Six ans auparavant, le futur François V avait déjà hérité des prétentions jacobites de sa mère, Marie-Béatrice de Savoie. En 1859, les troupes de Victor-Emmanuel II de Sardaigne envahissent les différents territoires italiens et formeront en 1861 le royaume d’Italie. Le duché de Modène perdit son indépendance en 1859. À cette date, François V devient prétendant au trône de Modène. Il meurt en 1875. Pour boucler la boucle, c’est de ce même duché de Modène que l’archiduc Lorenz d’Autriche-Este, devenu prince de Belgique, est aujourd’hui le prétendant au trône.
Mort sans descendant en 1875, et la prétention jacobite suivant aussi les lignes féminines, la succession jacobite continuera par sa plus proche parente, sa nièce Marie-Thérèse, fille de son frère déjà décédé, Ferdinand-Charles.
Les Jacobites bavarois
Marie-Thérèse d’Autriche-Este, nièce du défunt duc de Modène déchu, hérite donc de la prétention jacobite aux trônes britanniques en 1875. Marie-Thérèse avait épousé le roi Louis III de Bavière. Louis III connait la Première Guerre mondiale et subit le sort réservé aux monarchies de l’Empire allemand vaincu. La monarchie est abolie dans l’ensemble des territoires germaniques en 1918. Louis III perd son trône. Quelques mois plus tard, son épouse Marie-Thérèse meurt. C’est leur fils, Rupprecht qui devient l’héritier jacobite.
Louis III meurt peu de temps après, en 1921, et Rupprecht devient alors prétendant au trône de Bavière et le chef de la prestigieuse famille de Wittelsbach. À la mort de Rupprecht en 1955, son fils Albert lui succède en tant que chef de famille, emportant aussi avec lui la prétention jacobite. Albert meurt en 1996. Son fils ainé, François est l’actuel prétendant au trône de Bavière.
François de Bavière, titré duc de Bavière, est âgé de 88 ans. Le duc François a fait son coming out en 2021, présentant officiellement son ami Thomas Greinwald comme étant son compagnon. François n’a jamais été marié et n’a pas d’enfant. Depuis toujours, son héritier présomptif est son frère Max Emmanuel.
Quand l’héritier du Liechtenstein devient l’héritier jacobite
Max Emmanuel de Wittelsbach est l’héritier de son frère au trône de Bavière. Il deviendra aussi le descendant le plus direct de Jacques II et sera donc le prétendant au trône jacobite. Max Emmanuel est déjà âgé de 84 ans. Max est marié depuis 1967 à la comtesse Elisabeth Douglas, avec laquelle il a eu 5 filles.
N’ayant que des filles, à la mort de Max, la prétention au trône de Bavière reviendra à son plus proche parent masculin, à savoir son cousin Luitpold, descendant du deuxième fils du roi Louis III. Le prince Luitpold est déjà très actif au sein de la famille de Bavière, ainsi que son propre fils Ludwig.
La succession jacobite étant possible par les femmes, c’est la fille ainée de Max, Sophie de Bavière, qui en héritera. La prétention jacobite connaitra un énième transfert de maison après Sophie de Bavière.
Sophie de Bavière a épousé en 1993 à Vaduz le prince héréditaire Alois de Liechtenstein. Elle est connue depuis lors comme la princesse héréditaire Sophie de Liechtenstein. Au décès de son beau-père, l’actuel souverain Hans-Adam II, son époux Alois deviendra le chef d’État de la principauté de Liechtenstein. Hans-Adam II a déjà transféré la gestion quotidienne de la Principauté à son fils ainé en 2004.
Alois et Sophie sont les parents de quatre enfants : Joseph Wenzel, Marie Caroline, Georg et Nikolaus. Joseph Wenzel, 26 ans, est donc deuxième dans l’ordre de succession au trône de Liechtenstein, derrière son père. Il est appelé à devenir un jour le souverain de ce petit État alpin. Mais il héritera aussi un jour des prétentions jacobites de sa mère, qui elle-même en héritera après la disparition de son oncle ou de son père.
Joseph Wenzel n’est pas encore marié et n’a pas d’enfants. S’il se marie et aura un jour une descendance, la prétention jacobite continuera à travers la famille princière de Liechtenstein. S’il n’a pas d’enfants, c’est actuellement son frère puiné, le prince Georg qui lui succède dans l’ordre de succession au trône. Par contre, Marie Caroline, ainée de trois ans de Georg, héritera de la prétention jacobite. Le Liechtenstein est la dernière monarchie héréditaire du continent européen à interdire aux femmes de monter sur le trône. On assisterait dans ce cas à un nouveau transfert de la prétention jacobite. Et dans le cas où Marie Caroline épouse un roturier, la prétention jacobite passerait même à une famille non noble et finirait peut-être un jour par disparaitre de vue.
Si Joseph Wenzel de Liechtenstein devenait roi d’Écosse…
En 2014, un référendum concernant l’indépendance de l’Écosse a obtenu 55% de voix en faveur du maintien de la nation au sein du Royaume-Uni. Les mouvements indépendantistes écossais ont donné lieu à de nombreuses spéculations quant à l’avenir du pays. Plusieurs pistes ont été envisagées en cas de victoire du «oui» et donc d’une indépendance à préparer.
Le Scottish National Party avait fait savoir qu’en cas de victoire et d’indépendance, il n’était pas immédiatement envisagé de remplacer le chef d’État. Elizabeth II aurait pu être considérée comme la reine d’Écosse, au même titre qu’elle est reine du Canada. D’autres envisageaient un avenir républicain à l’Écosse, à l’instar de ce qui a fini par se passer après la séparation de l’Irlande.
Mais l’existence du mouvement jacobite n’a pas échappé à la presse, qui a également écrit quelques articles à ce sujet. Plusieurs nostalgiques des Stuart ont envisagé la possibilité qu’il y ait une perpétuité dynastique en appelant sur le trône le descendant le plus direct de Jacques II (Jacques VII d’Écosse).
L’idée peu sembler étonnante mais elle n’est pas si insolite non plus. On a pu observer dans d’autres parties du monde que lors de prises d’indépendance de certaines régions, les mouvements identitaires créent des symboles à ces nouveaux États. Souvent, un rappel à l’histoire est nécessaire, histoire qui est d’ailleurs bien souvent à l’origine de la scission et de la prise d’indépendance elle-même. Rappeler un Stuart (ou son héritier généalogique) sur le trône, serait un retour à la monarchie en l’état où elle était avant son jumelage à l’Angleterre.
Les Stuart sont originaires de Bretagne. D’abord intendants de l’évêché de Dol en Bretagne, ils rejoindront l’Angleterre puis migreront vers le nord, au service des rois d’Écosse. Leur patronyme est d’ailleurs tiré de leur fonction de grand intendant (steward en anglais) du roi d’Écosse. Le nom sera ensuite transcrit Stuart. Nous vous conseillons cet article pour lire l’histoire complète des Stuart depuis leur départ de Bretagne jusqu’à l’accession au trône d’Écosse puis d’Angleterre.
Notons que depuis la mort d’Henri Benoît Stuart et la dernière insurrection de son frère en 1745, les héritiers jacobites n’ont pas revendiqué le pouvoir en Écosse ou en Angleterre. Peut-être aussi parce qu’après Henri Benoit, l’héritier direct appartenait à la maison royale de Savoie, une famille régnant sur le royaume de Sardaigne. Il n’est pas spécialement bon diplomatiquement parlant d’être à la fois le chef d’État d’un pays souverain et prétendant au trône d’un autre royaume actif.
Pour être complet, les fantasmes jacobites se sont intensifiés au mariage de Max Emmanuel de Bavière avec la comtesse suédoise Elisabeth Douglas. Elisabeth est la fille du comte Carl Ludvig Douglas, ambassadeur de Suède au Brésil. Bien que suédois de nationalité, comme leur nom l’indique, la famille Douglas est originaire d’Écosse. La famille est bien connue dans la noblesse européenne pour ses mariages intéressants. Par exemple, l’oncle de Carl Ludvig a épousé la reine Augusta-Victoria, veuve du roi Manuel II de Portugal. La famille Douglas avait par le passé obtenu le titre de comte de Mülhausen dans le grand-duché de Bade.
Si on remonte plus loin dans l’histoire, on dit que la famille descend du clan écossais bien connu des Douglas. La branche dont il est question descendrait de James Douglas, 1e baron de Dalkeith, mort au 15e siècle. Sophie de Bavière, fille ainée de Max et Elisabeth, puis son fils Joseph Wenzel auraient donc des appartenances à l’un des plus anciens clans traditionnels écossais, de quoi renforcer le mythe identitaire. Mais ce n’est pas tout ! Et si Joseph Wenzel régnait sur la Bretagne ?
Qui serait le duc de Bretagne aujourd’hui ?
Quel est l’héritier des ducs de Bretagne ? Qui pour régner sur la Bretagne si elle prenait son indépendance ? Ces questions sont bien sûr de l’ordre de la provocation et ont simplement pour vocation d’aborder la descendance d’Anne de Bretagne.
Si la prétention jacobite n’est déjà pas toujours clairement revendiquée, celle au trône de Bretagne l’est encore moins. Il s’agit plus d’un héritage généalogique que dynastique. D’un point de vue généalogique, François de Bavière est le plus proche descendant en ligne directe d’Anne de Bretagne. Depuis Victor-Amédée 1e, roi de Sardaigne, la prétention au duché de Bretagne est entrée dans la famille royale de Savoie. Les successions au duché de Bretagne et aux anciens trônes britanniques suivant les mêmes règles, depuis lors, les deux prétentions se confondent.
Anne de Bretagne (1477-1514) est considérée comme la dernière souveraine indépendante de Bretagne. La duchesse avait contracté trois mariages qui lui permirent d’être la reine consort de territoires intéressants. Elle épousera d’abord Maximilien 1e et deviendra reine des Romains, un mariage annulé car il ne respectait pas les traités français. En 1491, elle devient reine de France en épousant Charles VIII pour assurer la paix entre le duché de Bretagne et le royaume de France. Suite aux conquête de Charles VIII, elle devient aussi reine de Naples et de Jérusalem. Charles VIII meurt à 27 ans d’un accident.
Elle épouse Louis XII en 1499, qui lui reconnait sa totale souveraineté sur le duché de Bretagne. De son premier époux, elle n’eut aucun enfant. De Charles VIII, elle eut de nombreuses fausses couches ainsi que six enfants. Tous moururent en bas âge. Avec son troisième époux, Louis XII, la reine de France eut de nombreuses fausses couches, plusieurs enfants morts en bas âge, et deux filles survivantes, Claude et Renée. Par sa fille Claude continue la transmission du trône de Bretagne. Le trône, appartenant autrefois à la dynastie de Montfort, passe à la dynastie des Valois-Orléans.
Après des alliances matrimoniales de la duchesse Anne mais aussi de sa fille Claude de France, la Bretagne demande le 4 août 1532 à Vannes à François Ier, époux de Claude, l’union perpétuelle au royaume. Le même jour est publiée la lettre de Vannes par laquelle le roi fait connaitre son accord. Les règles de succession de Bretagne parfois plus floues s’intègrent à celle de France, comme l’indique l’édit de Nantes du 13 août 1532 enregistré par la Parlement de Bretagne le 21 septembre 1532.
Le fils ainé de Claude de France, François III, meurt jeune et avait eu le temps d’être couronné duc de Bretagne, le 13 août 1532. Son frère, Henri II, lui succède au trône de France mais il ne sera pas couronné duc de Bretagne. À vrai dire, il n’y eut plus aucun couronnement. Trois fils succédèrent à Henri II, dont l’un, Charles IX, eut une fille, Marie, qui selon les règles de succession aurait été duchesse de Bretagne. Morte sans enfant en 1578, la question de la succession ne fut pas posée.
À la mort d’Henri III, en 1589, la prétention revint à sa nièce, Isabelle-Claire de France. Après plusieurs tentatives manquées de s’imposer en Bretagne, elle est la dernière prétendante au trône de Bretagne revendiquée. Morte sans enfant, le plus proche descendant ainé d’Anne de Bretagne est le fils de sa sœur, le duc Victor-Amédée 1e de Savoie. Les ainés de la famille étant des garçons pendant plusieurs générations, le descendant ainé sera le chef de la famille de Savoie, devenu roi de Sardaigne, pendant plusieurs décennies. Avec Victor-Emmanuel 1e, qui récupère en même temps le royaume de Sardaigne et la prétention au duché de Bretagne, les deux sont liés. Au même moment, le roi de Sardaigne est aussi désigné comme le prétendant au trône jacobite. Depuis lors, suivant les mêmes règles de succession, le prétendant jacobite et aussi le descendant ainé direct du trône de Bretagne.
Par conséquent, comme vu précédemment pour les prétendants au trône jacobite, les prétendants au trône de Bretagne (même s’ils ne sont pas revendiqués), sont les membres de la famille royale de Savoie, jusqu’à Marie-Béatrice qui épouse le duc de Modène (de la famille de Habsourg-Lorraine). Leur fils François V lui succède, puis sa nièce, Marie-Thérèse, épouse du roi Louis III de Bavière. Depuis lors, le duché de Bretagne reviendrait au prétendant au trône de Bavière, François. Ses successeurs sont son frère, Max Emmanuel, puis sa nièce Sophie, elle-même suivie par son fils, Joseph Wenzel de Liechtenstein. Le duché de Bretagne ayant perdu sa souveraineté et annexé à la France, il existe plusieurs prétendants aux titre de duc de Bretagne, y compris dans la maison royale de France.