Le 15 août est le jour de la Fête nationale de la principauté de Liechtenstein. La Fête nationale est d’autant plus importante cette année, que ce petit État coincé entre la Suisse et l’Autriche célèbre aujourd’hui ses 300 ans. À cette occasion, le prince héréditaire Alois, en charge du pays depuis 2004, a accepté un long entretien avec deux journalistes suisses du Neue Zürcher Zeitung. Dans cette interview, il a notamment répondu aux questions concernant l’abolition de la loi salique dans son pays. Et sa réponse fut claire à ce sujet…
Le prince Alois de Liechtenstein est aujourd’hui comte de Rietberg, en tant qu’héritier du prince souverain Hans-Adam II, qui lui a confié la régence du pays en 2004. Le prince de Liechtenstein est le souverain européen qui a le plus de pouvoir, ne paie pas d’impôts et bénéficie d’une immunité totale face à la justice. À plusieurs reprises, le peuple s’est prononcé par référendum en sa faveur, exprimant clairement sa volonté de ne pas diminuer son pouvoir et au contraire de le renforcer, comme ce fut le cas en 2003, lors de la modification de la Constitution. Le statut particulier du prince et de sa famille a intrigué deux journalistes suisses qui sont venus l’interroger chez lui, au château de Vaduz.
Le prince Alois interrogé sur les inégalités entre la famille princière et le peuple liechtensteinois
« D’un point de vue républicain, on ne peut parler de démocratie ici. Votre famille a toujours le dernier mot », a déclaré le journaliste un peu provocateur. « En raison de la possibilité d’abolir la monarchie sans le consentement du prince, le peuple liechtensteinois a le dernier mot », a rétorqué le prince Alois. « Je dirais même que le Liechtenstein est beaucoup plus démocratique que de nombreuses républiques à bien des égards. Nous avons des structures décentralisées, beaucoup d’autonomie municipale. Le peuple peut exprimer sa méfiance envers le prince ou abolir la monarchie. Le prince doit donc toujours agir dans l’intérêt à long terme du peuple. »
Le prince de Liechtenstein refuse d’abolir la loi salique dans son pays
Le journaliste a également fait savoir qu’il était étonné que le Liechtenstein soit le seul État souverain en Europe qui n’ait pas aboli la loi salique. À ce sujet, le pays avait déjà été la cible de critiques de la part des Nations unies. Le cas du Liechtenstein a été discuté lors de la 798e réunion du Comité d’élimination de la Discrimination envers les femmes, du 26 juillet 2007. « Il ne serait pas facile de changer un système qui a fait ses preuves depuis des siècles », répond le prince.
« Mais vous vivez dans une monarchie et vous êtes le prince héréditaire. Vous pouvez modifier ces règles si vous le souhaitez », demande le journaliste. Ce à quoi le prince répond : « Non. Un changement de règle interne requiert une majorité des deux tiers de tous les membres de la famille ayant le droit de vote. De plus, l’accession au trône d’une femme signifierait que l’appartenance familiale serait transmise non seulement par l’homme, mais également à travers les membres féminins de la famille. En conséquence, nous serions confrontés au défi des générations et de la croissance exponentielle du nombre des membres de la famille. Ce ne serait pas une bonne chose, car cela affecterait la stabilité qui est si importante pour notre pays. Nous accordons plus d’importance aux aspects de la gouvernance qu’à la problématique hommes-femmes. »
Les arguments du prince Alois en défaveur de la règle de primogéniture peuvent être réfutés
Concernant le premier argument du prince, notons que ce n’est pas toujours le cas ! Ce n’est pas parce que le trône est accessible aux femmes que l’appartenance familiale doit aussi être transmise par les femmes. Certes, c’est le cas dans de nombreuses familles comme en Belgique ou en Suède. Mais ce n’est pas le cas au Royaume-Uni. L’appartenance à la famille ne peut pas se faire via les femmes, malgré que l’accession au trône soit ouverte aux femmes. En effet, une princesse du Royaume-Uni ne peut pas transmettre ses titres et son nom à ses enfants. C’est le cas des enfants de la princesse Anne, par exemple. D’ailleurs, pour que les enfants de la reine Elizabeth puissent devenir princes, le roi George VI a dû modifier des lettres patentes en ce sens et lui en faire cadeau à son mariage. Concernant le deuxième argument du prince Alois, qui concerne l’expansion de la famille, là aussi, il existe des solutions. Lorsqu’une famille royale devient trop importante, il suffit de modifier les règles pour restreindre l’accès au titre. Ce fut le cas en Belgique, il y a quelques années. Depuis 2015, seuls les petits-enfants d’Albert II et ceux de Philippe et de l’héritière peuvent obtenir le titre de prince de Belgique. Les descendants suivants retrouveront leurs titres familiaux ancestraux de princes de Saxe-Cobourg-Gotha et de ducs en Saxe.
Le prince met aussi en évidence qu’il est faux de vouloir parler d’égalité à tous les points de vue, alors que dès le départ, une monarchie héréditaire à pour principe une inégalité. « On ne peut en aucun cas avoir une égalité totale dans une monarchie héréditaire », explique le prince. « De par sa naissance, une personne devient le chef de l’État. » Il faudra donc peut-être attendre que l’héritier du trône, le prince Joseph Wenzel soit au pouvoir pour espérer une égalité.