Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), un organisme new-yorkais qui lutte pour la liberté de la presse et les droits des journalistes, demande au roi Mswati III de l’eSwatini de laisser les journalistes écrire des critiques à son encontre. L’association a été mise au courant d’un raid de police, qui s’est déroulé il y a une semaine dans le pays. Trois journalistes ont été harcelés par la police, interrogés, menacés par la police et leurs matériel de travail confisqué. La police a procédé à ces arrestations musclées à leur domicile, à cause d’articles qui remettait en cause la souveraineté du roi Mswati III.
Le roi de l’eSwatini s’en prend aux journalistes indépendants
Critiquer le roi Mswati III peut être dangereux en eSwatini. Le dernier monarque absolu africain ne supporte pas que son pouvoir soit questionné. Le journal indépendant The Swati Newsweek publie pourtant régulièrement des éditos à charge ou ose critiquer certains agissements du souverain. Depuis quelques semaines, les médias sont la cible du gouvernement, à cause d’articles affirmant que le roi Mswati III était atteint du coronavirus et aux soins intensifs, une information qui a rapidement dépassé les frontières et qui a été démentie par le gouvernement. Malgré les démentis, le roi est bel et bien absent depuis plusieurs semaines, lui qui est habituellement sur tous les fronts dans le pays. Même si c’est le sérieux journal Swazi News qui est à l’origine de cette information, c’est à un petit journal en ligne indépendant et à son rédacteur en chef, Eugene Dube, que la police s’en est prise.
Arrestation au domicile et interrogatoires éprouvants
Le 23 avril, Eugene Dube a vu débarquer chez lui un groupe de policiers, qui a fouillé son domicile, l’a arrêté, placé en garde à vue et emmené dans le commissariat de Nhlangano, capitale du district de Shiselweni. La police s’est emparée de trois téléphones, un ordinateur portable et des documents. Il a été interrogé pendant sept heures, mettant en cause deux articles. Emmené devant un magistrat à la fin de son interrogatoire, il a pu rentrer chez lui mais la police a refusé de lui rendre ses affaires confisquées.
Le lendemain, le 24 avril, le journaliste Mfomfo Nkhambule, auteur d’un des articles mis en cause par les autorités, a à son tour été témoin d’un raid de police chez lui. Selon CPJ, la même chose est arrivée chez Mthobisi Ntjangase, auteur du second article qui dérange les autorités, mais celui-ci est introuvable. Mfomfo Nkhambule a été interrogé pendant deux heures, à propos d’un article titré « Le Roi peu soucieux de la santé des Swazis ». Son collègue n’ayant pas été trouvé, il a aussi été interrogé concernant son article, qui avait pour titre : « Déposer le Roi est possible ». Cet article n’a pas été publié sur le site du journal, mais sur un blog indépendant.
Le Comité pour la protection des journalistes se saisit de l’affaire
« La police swazie devrait cesser de menacer des journalistes comme Eugene Dube et Mfomfo Nkhambule pour avoir critiqué le roi Mswati III, et devrait plutôt défendre leur droit de dénoncer librement », a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ. « L’ère du “roi parfait” fait depuis longtemps partie des annales de l’histoire, et la police devrait plutôt concentrer ses ressources sur la lutte contre les vrais criminels, pas sur la presse. »
Durant l’interrogatoire, la police aurait rappelé au journaliste que le Roi était exempt de toute critique et qu’écrire des choses à son encontre était une entrave à la loi, considérée comme de la trahison. Bien que Dube soit libre, la police l’a menacé de revenir si d’autres articles de ce genre étaient publié. Mfomfo Nkhambule, quant à lui, a été la victime d’un interrogatoire psychologiquement « éprouvant ». Également privé de son téléphone et de son ordinateur portable, on lui a indiqué que cela se reproduirait encore s’il continuait. La police lui a également dit qu’ils pourraient facilement se débarrasser de lui, en le jetant de la fenêtre du deuxième étage, puis qu’ils pourrait dire qu’il a tenté de s’échapper et que ça s’est mal terminé.
Selon le gouvernement, interrogé par l’organisme américain CPJ, ces allégations sont fausses et les interrogatoires n’ont pas eu lieu. Le porte-parole du gouvernement a néanmoins rappelé que les journalistes avaient intérêt à être scrupuleux dans leurs propos, notamment en cette période de crise du coronavirus. Les prix à payer pour les fake news a été augmenté, passant à un an de prison et une amende de 20 000 lilangeni, soit environ 1015 euros.
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