Ce mardi, Margareta de Roumanie avait convié le corps diplomatique dans la salle du Trône du palais royal de Bucarest pour sa traditionnelle soirée de fin d’année qui met à l’honneur les représentants des autorités étrangères. Le discours prononcé par la Gardienne de la Couronne est toujours très attendu et cette année en particulier, au vu du contexte politique en Roumanie.
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La Gardienne de la Couronne organise sa réception annuelle pour le corps diplomatique accrédité en Roumanie
La Gardienne de la Couronne, fille aînée du roi Michel 1er, a pour tradition d’organiser une soirée consacrée au corps diplomatique en poste en Roumanie. Cette soirée ouvre les festivités de fin d’année, permettant de consolider le lien important que la famille royale de Roumanie maintient avec le monde diplomatique et les hauts dignitaires étrangers accrédités à Bucarest.
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La soirée est organisée ce 10 décembre 2024 dans l’ancienne salle du Trône du palais royal, l’ancien lieu de travail des rois de Roumanie, aujourd’hui en partie transformé en musée. Ce palais a été « au cœur de l’identité nationale roumaine pendant plus d’un siècle d’existence moderne de la nation », comme l’a rappelé Margareta dans son discours. Margareta de Roumanie était entourée de son époux, le prince Radu, et de l’une de ses sœurs, la princesse Sofia. Un détachement musical du ministère de la Défense nationale a interprété l’hymne royal, avant le discours de la Gardienne de la Couronne. Comme le veut la tradition, le doyen du corps diplomatique est le nonce apostolique, Mgr Giampiero Gloder, qui répond en prononçant son discours au nom de tous les ambassadeurs présents.
La réception annuelle consacrée au corps diplomatique est organisée depuis le 19e siècle, dès le règne du roi Carol 1er. Le roi Michel 1er avait repris cette tradition après la chute du régime communiste et sa fille aînée perpétue aujourd’hui cette tradition. Cette cérémonie se déroule cette année dans un climat politique tendu, quelques jours après l’annulation du deuxième tour de l’élection présidentielle pour suspicion de fraudes au premier tour. Les élections législatives se sont également tenues il y a une dizaine de jours.
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Margareta de Roumanie prononce un discours fort et engagé au lendemain de l’annulation de l’élection présidentielle
« Nous sommes réunis ce soir pour réfléchir sur cette fin 2024, une année pleine de tragédies. Sur le continent européen, l’invasion de l’Ukraine par la Russie s’est poursuivie sans relâche, avec des attaques à la roquette, des bombes et d’autres armes barbares qui s’abattent sur nos voisins », a déclaré la Gardienne de la Couronne. « Je suis fière que mon pays soit resté fidèle à son soutien à l’Ukraine et ait accru son aide militaire et humanitaire. La Roumanie reste déterminée à contribuer encore davantage à la sécurité collective. Je suis également encouragée par les mesures récemment prises par l’Union européenne pour renforcer la coordination de notre politique étrangère et militaire ».
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Comme l’a rappelée Sa Majesté Margareta dans son discours, « le rôle de la Couronne roumaine n’est pas de statuer sur des questions politiques. Mais la mission de la Couronne a toujours été de protéger et de promouvoir les intérêts nationaux ». La Gardienne de la Couronne a ensuite abordé les controverses politiques actuelles dans son pays, rappelant que d’autres pays ont connu récemment des troubles dans le processus électoral. « Ces dernières années, les élections dans de nombreux pays ont été dominées par de vifs différends sur le respect des procédures, des doutes sur la véracité des résultats et des changements d’opinion importants parmi l’électorat par rapport aux partis politiques établis, ainsi qu’une vague mondiale de votes contre les partis politiques actuels. De ce point de vue, la Roumanie ne fait pas exception, bien au contraire, elle reflète une situation souvent rencontrée dans les démocraties contemporaines ».
Margareta de Roumanie a toutefois tenu à souligner trois aspects qui ne peuvent être ignorés. « Le premier aspect inquiétant est la tendance de certaines personnalités publiques de notre pays à remettre en question les avantages que la Roumanie tire de l’adhésion à l’UE et à l’OTAN. Bien entendu, les questions sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’OTAN et sur la manière dont ces organes pourraient améliorer leur travail constituent des débats politiques légitimes ». À juste titre, la Gardienne de la Couronne a relevé l’idée étrange « que la Roumanie puisse choisir dans quelle mesure elle souhaite s’impliquer dans l’OTAN et l’UE, ou l’argument avancé par certaines voix selon lequel la Roumanie pourrait faire mieux par elle-même, sans faire partie de l’OTAN et de l’Union européenne. »
« Je veux être claire à ce sujet. Jamais dans son histoire moderne la Roumanie n’a bénéficié d’un niveau de sécurité plus élevé et de meilleures conditions de prospérité économique qu’aujourd’hui, en tant que membre à part entière de l’UE et de l’OTAN. Quiconque prétend que nous pourrions faire mieux en devenant les soi-disant « enfants terribles » de l’OTAN ou de l’UE ne comprend tout simplement pas comment fonctionnent ces organisations. Et tout homme politique qui suggère que la Roumanie pourrait prospérer en dehors de ces institutions ne fait que condamner notre nation à la pauvreté et à la servitude. »
La deuxième situation inquiétante soulignée par la Gardienne de la Couronne est l’évidence d’ingérence étrangère dans le processus électoral roumain. « Je le répète, il s’agit d’un phénomène plus vaste, qui ne se retrouve pas seulement en Roumanie. Je salue les initiatives de l’Union européenne visant à renforcer les réglementations concernant les activités menées sur les plateformes de médias sociaux pendant les élections. Tous les gouvernements des pays démocratiques doivent améliorer leurs moyens de contrer de telles déstabilisations avant qu’elles ne surviennent. Ce dont nous avons souffert en Roumanie ces derniers mois est ce que nos frères et sœurs de Moldavie ont enduré pendant des années, de sorte que nous aurions pu tirer les leçons de leur expérience et réagir plus efficacement à de telles menaces. »
« Je dois souligner que l’une des opérations de déstabilisation les plus puissantes menées par des agents étrangers en Europe vise à discréditer le processus électoral lui-même, en jetant le doute sur nos procédures démocratiques. Il est donc essentiel que nos processus électoraux soient aussi transparents que possibles et que nous rejetions les mensonges tels qu’ils sont conçus. » Margareta de Roumanie exhorte de « rejeter catégoriquement » toutes les propositions absurdes dérivées des théories du complot, qui s’immiscerait dans le discours politique. Sa Majesté Margareta n’oublie pas le signal d’alarme des électeurs qui veulent du changement. « C’est un cri du cœur d’électeurs qui se sentent ignorés et négligés par notre système politique actuel ». Margareta souligne l’extrême pauvreté de certains villages et la précarité de certaines couches de la population, dont les retraités.
« Considérons les élections de cette année comme un signal d’alarme. Tous les pays dont l’économie connaît une croissance rapide génèrent des inégalités. Notre responsabilité est de réduire ces inégalités en investissant davantage dans les services sociaux et en développant des politiques spécifiques d’inclusion sociale et économique », explique la Gardienne de la Couronne. « Cela signifie que nous passons tous moins de temps dans les bureaux de Bucarest, isolés de la vie quotidienne de la population du pays. Et en même temps, abordons la relation avec la diaspora roumaine d’une manière différente, plus efficace et plus constante. Il ne suffit plus de leur offrir des services consulaires gratuits et d’oublier les citoyens roumains à l’étranger jusqu’à une semaine avant les élections, lorsque nous leur demandons de voter ».
Pour conclure, la Gardienne de la Couronne a livré quelques mots d’espoir. « Je ne souhaite pas vous laisser l’impression que je suis pessimiste à l’égard de notre nation, bien au contraire. Notre pays reste fort. Même si ses institutions sont remises en question, elles fonctionnent toujours. Notre économie reste attractive pour les investisseurs. Notre pays restera fidèle à ses alliances. Et les Roumains bénéficieront enfin pleinement des accords de Schengen ».
« J’envisage également avec confiance la collaboration de la Roumanie avec la nouvelle administration des États-Unis. La Roumanie vient de signer un contrat d’achat de nouveaux avions de combat, l’une des plus grosses commandes de tous les temps. Et nous espérons que l’accord sur les voyages sans visa aux États-Unis sera conclu avec succès.» Margareta de Roumanie a terminé son discours en évoquant son meilleur souvenir diplomatique de cette année : la sensibilisation des Roumains à la situation en Moldavie. « Les véritables connexions sont toujours mises à l’épreuve en temps de crise, et nos relations à travers le Prut restent les plus vraies ». En s’adressant aux diplomatiques, la Gardienne de la Couronne a déclaré : « La Roumanie reste forte et déterminée à devenir encore plus forte en tant que partenaire et amie de la nation que vous représentez. »