Le roi Abdallah II restreint les libertés de son frère par un décret royal

Le roi Abdallah II de Jordanie a signé un décret royal sans précédent, qui vient restreindre les libertés de son frère, le prince Hamzah. Ce dernier, ancien prince héritier, était à l’origine d’un acte de sédition en avril 2021. Afin de le mettre en « état de nuire au pays », le souverain jordanien a décidé de lui couper un accès à ses moyens de communication et l’empêche de choisir son lieu de résidence.

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Le roi de Jordanie revient sur le comportement de son frère Hamzah

Dans une très longue lettre adressée au peuple jordanien, le roi Abdallah II, 60 ans, explique les raisons qui l’ont poussé à prendre des mesures radicales à l’encontre de son demi-frère, le prince Hamza, 42 ans. En avril 2021, le prince avait été arrêté et assigné à résidence après avoir fomenté un coup d’État à l’encontre du Roi. Un an après, le prince Hamza, qui entre-temps avait signé une lettre d’allégeance pour se faire pardonner, a envoyé un courrier dans lequel il implorait son pardon à son frère. Malgré les promesses et les excuses, il y a quelques semaines, le prince Hamzah déclarait vouloir abandonner ses titres, en désaccord avec la famille royale hachémite.

Ce 19 mai 2022, c’est au tour du roi Abdallah de s’adresser publiquement à la population. À travers une longue lettre, il s’exprime au sujet de son frère et des raisons qui l’ont poussé à prendre des mesures radicales à l’encontre du prince Hamzah. « Je vous écris dans l’espoir de tourner la page d’un sombre chapitre de l’histoire de notre pays et de notre famille. Comme vous le savez, lorsque les détails de l’affaire de sédition ont été révélés l’année dernière, j’ai choisi de gérer la situation concernant mon frère, le prince Hamzah, dans les limites de notre famille, espérant qu’il réaliserait son erreur, se repentirait et deviendrait un membre engagé de notre famille hachémite », écrit le roi à la population.

Le prince Hamzah ben Hussein et le roi Abdallah II (Photo : Balkis/Abacapress)

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Un problème de comportement qui pose question depuis longtemps

« Mais après plus d’un an durant lequel il a épuisé toutes les opportunités pour se remettre sur le droit chemin, dans la lignée de l’héritage de notre famille, j’en suis arrivé à la décevante conclusion qu’il ne changera pas. Cette conviction s’est approfondie avec tout ce que mon jeune frère, que j’ai toujours traité en fils, a dit et fait. » Abdallah explique que son frère cadet se ment à lui-même et s’autopersuade d’être l’héritier de la famille royale. Pour rappel, le prince Hamzah avait été nommé prince héritier en 1999, lorsqu’Abdallah est monté sur le trône. Titre qui lui a été retiré en 2004, lorsque le roi a choisi de nommer son propre fils aîné, qui venait d’avoir 20 ans, comme son héritier.

« Il continue de vivre dans les limites de sa propre réalité plutôt que de reconnaître la grande stature, le respect, l’amour, et les soins que nous lui avons prodigués. Il ignore les faits, nie les réalités et joue le rôle de la victime », continue le roi qui en veut pour preuves les lettres publiques qu’Hamzah publie de façon fréquente et qui « reflètent l’état de déni dans lequel il vit et son refus d’assumer la responsabilité de ses actes ».

Le roi Abdallah prétend qu’avant son coup d’État en avril 2021, le prince Hamzah était déjà une source de problèmes pour la famille royale, qui tentait de minimiser les faits aux yeux du public. Le coup d’État était le premier acte grave qui a atteint les oreilles du grand public. Le roi Abdallah révèle par exemple que le prince Hamzah a causé des soucis lors de son passage à l’armée. « J’ai reçu des plaintes de la part des dirigeants de l’armée arabe et de ses collègues au sujet de sa conduite arrogante envers ses supérieurs et de ses tentatives de semer le doute sur le professionnalisme et les capacités de nos forces armées. »

« Au cours des dernières années, j’ai exercé les plus hauts degrés de tolérance, de retenue et de patience avec mon frère. J’ai excusé son comportement, espérant qu’il gagnerait un jour en maturité et que je trouverais alors en lui un frère de soutien au service de notre fier peuple et dans la sauvegarde de notre nation et de ses intérêts. J’ai toujours été patient et j’ai été déçu à maintes reprises. »

« Hamzah a affirmé que lui et sa famille étaient depuis longtemps ciblés et persécutés, alors qu’en fait, ils ont toujours eu tous les moyens de confort et de luxe dans tous les aspects de leur vie et dans son palais. Cela a continué même après les événements de sédition; à aucun moment des restrictions n’ont été imposées à sa famille ou à leur accès à leurs propres comptes personnels. »

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Des conséquences pour le prince Hamzah et sa famille

Le roi Abdallah détaille ensuite longuement les différentes rencontres, en présence d’autres membres de la famille, qui ont tenté de raisonner le prince. Celui-ci a à chaque fois fait mine de comprendre et de se ranger mais cela s’est chaque fois conclu par l’envoi de communiqués et de lettres publiques aux contenus déformés. Enfin, cela s’est terminé il y a quelques semaines par un message sur les réseaux sociaux, dans lequel il disait renoncer à son titre de prince, « sachant très bien que l’octroi et le retrait des titres sont une prérogative exclusive du roi, conformément à l’article 37 de la Constitution et à la loi sur la famille royale. » Le roi révèle qu’en même temps, son frère lui a envoyé une lettre privée et confidentielle, « demandant de maintenir les privilèges financiers et logistiques qui accompagnent son titre pendant toute la période à venir. »

« Après avoir épuisé toutes les options pour traiter Hamzah au sein de la famille par des conseils et un dialogue fraternels, je ne vois pas d’autre alternative », continue le roi, qui dit avoir d’autres difficultés et soucis à gérer, que les « comportements erratiques » de son frère. Par conséquent, le roi a décidé de signer un décret royal formulé par le conseil de famille qui s’est réuni et a rédigé les conditions « visant à restreindre les communications, le lieu de résidence et les mouvements du prince Hamzah. Cette recommandation a été formulée le 23 décembre dernier, mais j’avais attendu de l’approuver afin de donner à mon frère Hamzah l’occasion de réfléchir à ses actions et de revenir sur le droit chemin. »

« Nous fournirons à Hamzah tout ce dont il a besoin pour mener une vie confortable, mais il n’aura pas l’espace dont il a autrefois abusé pour offenser la nation, ses institutions et sa famille, ni pour saper la stabilité de la Jordanie. La Jordanie est plus grande que nous tous, et les intérêts de son peuple passent avant ceux de n’importe quel individu. Je ne permettrai jamais que notre pays soit l’otage des caprices de quelqu’un qui n’a rien fait pour servir son pays. En tant que tel, Hamzah restera dans son palais, conformément à la décision du Conseil de la famille royale, et afin d’empêcher la répétition de l’un de ses actes irresponsables, qui seraient traités en conséquence. Quant à la famille du prince Hamzah, elle ne porte pas le fardeau de ses actes. Ils sont ma famille et recevront tous les soins, l’amour et l’éducation dont ils ont besoin à l’avenir, comme ils l’ont reçu dans le passé. »

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr