Le roi Willem-Alexander des Pays-Bas a présenté ses excuses ce samedi pour les actions de son pays, des autorités et des dirigeants lors de la période coloniale. Les Pays-Bas célèbrent en 2023 les 150 ans de l’abolition de l’esclavage dans le royaume. Les excuses du Roi étaient très attendues et en particulier une reconnaissance personnelles concernant l’implication de sa famille.
Les excuses tant attendues du roi des Pays-Bas concernant l’esclavage néerlandais
Remuer de vieux et douloureux souvenirs n’est pas évident. Reconnaître ses erreurs n’est pas évident. Les Néerlandais attendaient au tournant le roi Willem-Alexander ce 1er juillet, alors que le souverain était en charge de prononcer un important discours ravivant les souvenirs du passé colonial et ses dérives, dont l’esclavage.
Le passé colonial était un thème important de la visite du roi Willem-Alexander et de la reine Máxima dans la partie caribéenne du royaume des Pays-Bas avec leur fille aînée, en janvier et février 2023. Ce 1er juillet, une cérémonie commémorative était organisée à l’Oosterpark d’Amsterdam où les souverains ont déposé une couronne de fleurs, en cette journée dédiée à la célébration du 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage aux Pays-Bas.
Le discours du roi Willem-Alexander était l’élément central de la cérémonie. « “Dans la ville d’Amsterdam et sa juridiction, tous les hommes sont libres et aucun n’est esclave.” Tels sont les termes d’une disposition légale néerlandaise de 1644. Nous nous trouvons dans une ville qui, pendant des siècles, a privilégié la liberté par-dessus tout. Dans la capitale d’un pays qui, tout au long de l’histoire, a lutté à plusieurs reprises contre la tyrannie et l’oppression », a rappelé le souverain.
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Une prise de parole acclamée à l’Oosterpark d’Amsterdam
Le roi Willem-Alexander a rappelé que malheureusement, ces principes n’étaient appliqués qu’en métropole. Au-delà des mers, les Néerlandais n’ont pas respecté ces principes. « De toutes les manières dont une personne peut être privée de sa liberté, l’esclavage est certainement la plus douloureuse. Le plus dégradant. Le plus inhumain », explique le chef d’État. « Considérer un autre être humain comme une marchandise, dont on peut faire ce qu’on veut. Pour les utiliser à des fins lucratives, comme une bête de somme, sans volonté propre. Être enchaîné, échangé, marqué, travaillé jusqu’à l’os, puni. Ou même tués en toute impunité. »
Au 17e siècle, période la plus importante du vaste empire colonial néerlandais, les Pays-Bas dominaient, s’étaient installés, avaient des comptoirs ou contrôlaient des territoires sur tous les continents. « Nous savons que plus de 600 000 personnes ont été transportées à travers l’océan Atlantique depuis l’Afrique à bord de navires hollandais, pour être vendues comme esclaves ou mises au travail dans les plantations. Environ 75 000 n’ont pas survécu à la traversée. Nous connaissons également l’importante traite des esclaves vers l’Est, dans les zones contrôlées par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. Et nous connaissons les atrocités commises contre les populations indigènes des colonies. »
Le Roi a reconnu qu’on connaissait à présent les chiffres mais que la souffrance dépasse les faits chiffrés. « Les archives contiennent les chiffres bruts. Ils présentent les faits avec la précision d’un comptable. Mais les voix des esclaves se perdent dans la nuit des temps. Laissant à peine une trace derrière. Il est impressionnant que tant d’entre eux aient trouvé la force de se dresser contre leurs ravisseurs, même s’il s’agissait souvent d’un simple acte de désespoir. »
« L’horrible héritage de l’esclavage demeure avec nous aujourd’hui. Ses effets se font encore sentir dans le racisme dans notre société. Le 19 décembre de l’année dernière, le Premier ministre néerlandais a présenté ses excuses au nom du gouvernement néerlandais pour le fait que, pendant des siècles, au nom de l’État néerlandais, des êtres humains ont été transformés en marchandises, exploités et abusés. Aujourd’hui, je me tiens devant vous. Aujourd’hui, en tant que votre roi et en tant que membre du gouvernement, je présente moi-même ces excuses. Et je sens le poids des mots dans mon cœur et mon âme. »
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En attendant les résultats d’une enquête indépendante, le roi Willem-Alexander a reconnu l’inaction de sa famille par le passe
Le roi Willem-Alexander a également prononcé les mots que tout le monde attendait. Le souverain a admis les erreurs commises par sa propre famille. « L’esclavage et la traite des esclaves sont reconnus comme un crime contre l’humanité. Et les stathouders et les rois de la maison d’Orange-Nassau n’ont rien fait pour l’arrêter. Ils ont agi conformément aux lois qui, à l’époque, étaient considérées comme acceptables. Mais le système de l’esclavage illustrait l’injustice de ces lois. Mais aujourd’hui, en ce jour du souvenir, je demande pardon pour l’inaction manifeste face à ce crime contre l’humanité. »
Le roi Willem-Alexander a rappelé qu’il avait ordonné lui-même, il y a quelques mois, la création d’un comité indépendant en charge d’étudier la question de l’implication personnelle de la famille d’Orange-Nassau durant cette période. Les résultats de l’enquête devraient être présentés l’année prochaine.
Le roi des Pays-Bas a terminé son discours par quelques mots en sranan, un créole parlé au Suriname. « Après la reconnaissance et les excuses, travaillons ensemble pour favoriser la guérison, la réconciliation et le rétablissement. Pour que nous puissions tous être fiers de ce que nous partageons. Pour qu’on puisse dire : Ten kon drai. Les temps ont changé. Den keti koti, brada, sisa. Les chaînes sont brisées, frère, sœur. Ten kon drai. Les temps ont changé. Den keti koti, fu tru ! Les chaînes sont brisées, c’est vrai ! »
Le discours a été prononcé après une procession à laquelle avaient pris part de nombreux manifestants. La procession partait de l’hôtel de ville d’Amsterdam pour rejoindre le monument de l’esclavage dans l’Oosterpark. Les manifestants étaient accompagnés de tambours, d’instruments à vent et clamaient des paroles et des chants traditionnels. Après plus d’une heure de marche, les manifestants se sont assis dans la pelouse autour du monument pour écouter le discours du roi. Une prêtresse winti a ouvert la cérémonie. Le discours du roi a été très applaudi par les manifestants. Selon NRC, le discours et les paroles du roi « ont fait forte impression ».