Catherine la Grande : une impératrice nymphomane ?

Couronnée le 22 septembre 1762, Catherine II  – Catherine la Grande – est considérée comme une impératrice ayant fortement marqué la Russie pendant son long règne qui dura trente-quatre ans. Souveraine cultivée et éclairée, réformatrice, sa vie privée et ses nombreux amants furent toutefois à l’origine de mythes ternissant sa réputation.

Née le 21 avril 1729, Sophie d’Anhalt-Zerbst épousera la tsar Pierre III et lui succèdera en tant que Catherine II. Les rumeurs sur sa nymphomanie sont-elles dues à la misogynie des hommes envers les femmes de pouvoir ? (Photo : Domaine public)

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Une grande amoureuse

Sophie d’Anhalt-Zerbst, mariée en 1745 à Pierre III avec lequel elle aura un fils, le futur Paul Ier, n’a pas une vie conjugale heureuse. Sophie adopte le nom de Catherine Alexeievna lors de son mariage avec Pierre III. Il se dit que son époux joue du violon la nuit et la brutalise… Un de ses premiers amants sera Grigori Orlov, l’un des participants au coup d’état contre Pierre III. Évincé au profit non de son fils, encore trop jeune, mais de sa femme, Pierre III sera tué dans des circonstances étranges. En 1762, Catherine Alexeievna est proclamée « impératrice de toutes les Russies » et est connue comme Catherine II.

Pierre III de Russie a-t-il été assassiné par son épouse Catherine ? (Photo : Domaine public)

Sa relation avec Orlov, dont elle aura deux enfants et qui joua auprès d’elle un rôle politique important, durera dix ans. Plus tard, c’est Grigori Potemkine qui devint son favori mais également son conseiller et un homme politique de premier plan. Elle l’aurait secrètement épousé. De nombreux amants lui succédèrent ensuite, tous plus beaux les uns que les autres et, au fur à mesure que Catherine prenait de l’âge, plus jeunes qu’elle de plusieurs dizaines d’années. Son dernier favori avait trente-huit ans de moins qu’elle…

Le comte Grigori Orlov, l’un des nombreux amants de l’impératrice Catherine de Russie (Image : Domaine public)

Très généreuse avec ses amants successifs, l’impératrice les comblait d’honneurs, de rentes, de propriétés, de cadeaux (le titre de roi de Pologne, par exemple, pour Stanislas Poniatowski, connu comme Stanislas II Auguste). Cela ne manque pas de provoquer et l’irritation de son fils – qui la rend responsable de la mort de son père – et des jalousies. Malgré la place qu’elle accorde à sa vie amoureuse et les privilèges concédés à ses multiples amants, Catherine II ne se laisse pas détourner des devoirs de sa charge qu’elle tient à assumer seule, quitte à bien s’entourer. 

Stanisław August Poniatowski est devenu Stanislas II, roi de Pologne et grand-duc de Lituanie (Photo : Domaine public)

Ses amants, même si certains le seront un temps surtout en raison de leur beauté, auront d’ailleurs souvent un rôle politique ou militaire important à ses côtés. Considérant Pierre Ier comme un modèle, elle poursuit et amplifie l’œuvre de ce dernier sur le plan intérieur – réforme du fonctionnement de l’État, grands chantiers de modernisation, soutien à la littérature, correspondance avec les philosophes français, développement d’une politique éducative et création d’écoles – comme sur le plan international – agrandissement de l’empire par de nombreuses conquêtes.

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Des rumeurs d’obsession sexuelle

De nombreuses rumeurs sont nées et se sont répandues autour de la vie sentimentale de l’impératrice Catherine la Grande. Elle fut ainsi – et est encore – affublée de surnoms tels que « croqueuse d’hommes »,  « impératrice aux mille amants », « Tartuffe en jupons » (dû à Pouchkine un siècle plus tard), « Messaline du Nord ». On lui prête un appétit sexuel démesuré et on appelle ses amants « les éphémères ». On prétend aussi qu’elle exige d’eux la consommation d’aphrodisiaques, consommation à laquelle on impute le décès de l’un de ses favoris.

Une autre rumeur porte sur l’existence de la Chambre des Plaisirs, un cabinet secret installé dans la résidence d’été des tsars, contenant livres et gravures érotiques, meubles aux formes suggestives, cabinet dans lequel l’impératrice aurait donné libre cours à ses fantasmes sexuels. Si ce cabinet a existé – on en a retrouvé des traces ultérieurement -,  rien n’établit qu’il fut créé au temps de Catherine, décidément décrite comme une nymphomane obsessionnelle. Pire, on est même allé jusqu’à lui attribuer des relations zoophiles, laissant penser qu’elle serait morte lors d’ébats avec un cheval.

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Des attaques politiques ?

Catherine II a été une grande amoureuse, l’existence de ses favoris successifs ne pouvant être niée. Mais il est difficile de considérer que des relations, même nombreuses, qui, la plupart, ont duré chacune plus de deux ans, soient le signe d’une sexualité débridée et obsessionnelle. Comment alors expliquer l’exagération et les fausses rumeurs entourant sa vie sentimentale et faisant d’elle une ogresse dépravée ?

Portrait de l’impératrice Catherine par Fiodor Rokotov (1763) (Image : Domaine public)

De Cléopâtre à Catherine de Médicis en passant par Anne Boleyn ou Marie-Antoinette, l’histoire est riche d’exemples de femmes intelligentes en position de pouvoir qui ont inspiré des rumeurs de voracité sexuelle ou ont dû subir des accusations de dépravation en lien avec la sexualité. Ces rumeurs et ces attaques, au-delà de leur dimension culturelle – la misogynie à l’égard de femmes occupant une place éminente et le besoin de les rabaisser – ont été lancées par des opposants, des adversaires ou des rivaux poursuivant un but politique, celui d’attenter à leur légitimité ou de dévaloriser leurs décisions. 

La Révolution française, à laquelle Catherine II s’est opposée malgré son ouverture d’esprit et ses idées réformatrices et éclairé de son règne, vit s’amplifier encore ces rumeurs à travers libelles et caricatures.  Il est regrettable que cette image de Catherine ait ainsi relégué au second plan les apports importants de son règne pour la Russie. 

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Sources : History, Un souffle d’histoires, Le Figaro

Sylviane Lamant

Sylviane est diplômée en Littérature française. Biographe et professeur, elle partage avec Histoires Royales sa passion pour l'histoire.