Le comte Jan Bernadotte de Wisborg est décédé ce mercredi 1e septembre 2021 à 80 ans. Le comte Jan Bernadotte s’était autoproclamé « mouton noir » de la famille royale de Suède. Issu de la branche répudiée de la famille royale, l’arrière-petit-fils du roi Gustave V de Suède a donné du fil à retordre à son cousin, le roi de Suède. Connu pour ses nombreux mariages, le comte octogénaire a aussi son passé sombre, ayant notamment avoué une escroquerie à l’adoption. Ses revendications incessantes pour être reconnu comme prince de Suède et sa mésentente avec sa fratrie issue du remariage de son père, font de lui l’un des personnages les plus embarrassants de la famille royale.

Le magazine suédois Svensk Dam a eu la confirmation que le comte Jan Bernadotte s’est éteint subitement la semaine dernière à 80 ans. «Jan Bernadotte était un homme d’affaires, père de famille et excentrique. Mercredi dernier, Jan est décédé après une vie longue et passionnante. Il avait 80 ans», écrit le média local, avant de rappeler l’incroyable vie du comte.
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La famille Bernadotte de Wisborg
En 1888, le roi Oscar II de Suède répudia son fils, le prince Oscar, suite à son mariage morganatique et le priva du titre de prince de Suède pour lui et sa descendance. Les mariages morganatiques, c’est à dire une union inégale entre un membre d’une famille royale et une personne de rang inférieur, étaient sévèrement punis. D’autres princes connurent le même sort, comme le prince Lennart, petit-fils du roi Gustave V, le prince Sigvard et son frère le prince Carl Johann, tous deux fils du roi Gustave VI Adolphe. Une fois exclus de la famille royale, ils perdirent leur position dans l’ordre de succession au trône, et leur titre de prince, pour retrouver le nom de famille civil de Bernadotte, hérité du Français Jean-Baptiste Bernadotte, fondateur de la dynastie actuelle.
Depuis la répudiation du prince Oscar, le souverain luxembourgeois avait pris pour habitude d’offrir un titre de consolation à ces princes exclus de la famille royale de Suède. C’est le grand-duc Adolphe, oncle du prince Oscar, qui lui avait offert le titre luxembourgeois de comte de Wisborg. Plus tard, la grande-duchesse Charlotte attribua aussi ce titre aux trois prochains princes déchus.

Aujourd’hui, toute la descendance de ces quatre princes déchus porte les titres de comte et comtesse de Wisborg, dès leur naissance. La famille Bernadotte de Wisborg, reste très proche de la famille royale de Suède et les tensions sont apaisées entre les deux clans. Toutes les tensions, sauf une… Le comte Jan Bernadotte, fils de l’ancien prince Lennart, a toujours des ressentiments vis à vis de la famille royale. Aujourd’hui âgé de 80 ans, le comte continue à donner du fil à retordre à ses cousins royaux.
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Qui est le comte Jan Bernadotte de Wisborg ?
Jan Bernadotte, comte de Wisborg est né le 9 janvier 1941 à Stockholm. Il a fêté ses 80 ans cette année. Il est le premier fils de l’ancien prince Lennart et de son épouse Karin Nissvandt. Le prince Lennart était lui-même le fils unique du prince Guillaume de Suède et de la grande-duchesse Maria Pavlovna de Russie.

En 1932, le prince Lennart, duc de Småland, perdit tous ses titres lorsqu’il épousa la roturière Karin Nissvandt sans le consentement de son grand-père, le roi Gustave V. Comme ce fut le cas pour le prince Oscar en 1888, le Luxembourg lui octroya en 1951, le titre de comte de Wisborg pour lui et ses descendants.
Jan Bernadotte n’a jamais digéré la répudiation de son père. Il soutient la même thèse que celle du professeur Gunnar Bramstång, qui s’interroge sur la légalité de cette répudiation. Selon eux, aucun texte légal ne permettait au roi de déchoir certains de ses fils ou petits-fils, et que ceux-ci devraient donc légalement toujours être princes.

Jan Bernadotte trouve depuis toujours que cette sanction est injuste par rapport au traitement accordé à d’autres membres de la famille. Par exemple, le prince Bertil, oncle du roi actuel, a longtemps vécu en concubinage avec la roturière Lilian Davies sans se marier, craignant le même sort. Étant le seul héritier du roi jusqu’à la naissance du prince Carl Philip, Bertil avait attendu des années pour se marier. Le roi Carl XVI Gustaf a lui-même épousé la roturière allemande Silvia Sommerlath en 1976, qui deviendra Reine. À partir de cette date, le prince Bertil put lui aussi épouser Lilian sans craindre d’être répudié. Au contraire, Lilian obtint même le titre de princesse. Une injustice de trop pour Jan Bernadotte.
Jan Bernadotte a publié ses mémoires en 2006, se décrivant dans le titre de son livre comme étant le « mouton noir de la famille ». Dans son autobiographie, le comte sulfureux revient notamment sur ses mariages. Celui qu’on appelle l’« Elizabeth Taylor du Gotha » a été marié une première fois, de 1965 à 1967, à Gunilla Stampe. L’année de son divorce, il épouse Anna Skarne. Anna lui donnera une fille, la comtesse Sophia. Ils divorcent en 1970. En 1972, Jan se marie pour la troisième fois, à Annegret Thomssen. Ils auront une fille, la comtesse Cia-Rosemarie. Après deux ans de mariage, le couple divorce et la même année, en 1974, Jan épouse en quatrièmes noces Maritta Berg. Ils resteront le temps record de 13 ans ensemble.
Durant les treize années de mariage avec Maritta Berg, celle-ci lui donnera deux fils, le comte Alexander et le comte Stephan. En 1987, Jan Bernadotte divorce et il attendra 1993 pour épouser sa cinquième femme, Gabrielle Kick. Ils resteront 11 ans ensemble. En 2004, Jan Bernadotte se marie pour la sixième fois. Il épouse Christiane Grandmontagne, connue pour avoir été la compagne du prince Christian-Sigismond de Prusse, avec qui elle a eu une fille. En 2011, Jan Bernadotte souhaite se marier pour la septième fois, avec Gunilla Stenfors. Le mariage devra être annulé dans un premier temps, en découvrant que les papiers du divorce avec Christiane Grandmontagne n’étaient toujours pas en ordre. Une fois la formalité réglée, il épousera finalement Gunilla, en 2012.

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Une escroquerie d’adoption qui fait scandale
Dans ses mémoires publiés en 2006, le comte Jan Bernadotte avoue l’escroquerie à laquelle il a pris part. En plus de ses quatre enfants biologiques, qu’il a eus avec ses deuxième, troisième et quatrième épouses, Jan Bernadotte est aussi devenu père par adoption en 1987.
La famille répudiée de Lennart Bernadotte avait hérité d’un château à Mainau, situé sur une île du lac Constance, à la frontière germano-helvétique, pour redémarrer leur vie loin de la Suède. La famille Bernadotte de Wisborg vivait donc en Allemagne. Après bien de nombreuses péripéties, à découvrir plus loin, c’est là que Jan Bernadotte, âgé de 46 ans, et en procédure de divorce avec Maritta, sa quatrième épouse et mère de ses deux fils, fit la rencontre d’un certain Gerhard. Gerhard, âgé de 34 ans, entra en contact avec le comte.
À l’époque, Jan Bernadotte traversait une période difficile financièrement et se laissa séduire par le juteux marché que lui proposa Gerhard. « On m’a offert 350 000 Deutsche Marks pour que j’adopte Gerhard. Une adoption qui lui donnerait le droit de se faire appeler Gerhard Bernadotte, comte de Wisborg », a expliqué Jan en 2006, interrogé par le journal Afton Bladet à l’occasion de la sortie en librairie de ses mémoires. La somme correspond à environ 180 000 euros.
Pour officialiser l’adoption, Jan et Gerhard ont monté une véritable escroquerie. Comme pour un mariage blanc, ils se sont créés des souvenirs ensemble et une amitié de longue date. Pour que l’administration valide cette adoption entre deux adultes, des vérifications doivent avoir lieu. La loi n’autorise ce type d’adoption qu’à condition que l’on prouve un lien très fort qui unit les deux adultes, comme si des liens filiaux existaient depuis des années. Âgé d’à peine 12 ans de plus que Gerhard, il a fallu beaucoup d’imagination et de mensonges aux deux escrocs pour faire valider légalement l’adoption.
Une fois l’adoption validée en 1987, Gerhard put adopter le nom de famille de Jan et obtint également le titre de comte de Wisborg. Bien entendu, si Gerhard tenait absolument à être adopté par Jan, c’était pour mettre son plan à exécution. Il s’est vite avéré que Gerhard était un beau menteur. Profitant à présent d’avoir un titre de noblesse et d’être apparenté légalement à la famille royale de Suède, il utilisera le titre de prince de Suède pour obtenir des faveurs et tromper de nombreuses personnes partout en Europe.
« Ce qu’il a fait est dégoûtant. C’était incroyablement stupide de ma part d’accepter cela, mais je ne savais pas qu’il s’agissait d’une fraude », avouait Jan Bernadotte. Le comte a fini par avouer cette escroquerie, car le délit est prescrit et il ne peut plus être puni en Allemagne. « Moralement, je suis bien sûr coupable. La seule chose que je puisse faire est d’avouer et d’espérer un jour, d’être pardonné. C’est la pire chose que j’ai faite. »
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Jan Bernadotte à la quête de son titre royal
La vie de la famille de Wisborg est digne d’un roman. Le comte Lennart Bernadotte a déjà vécu une vie étonnante. Né dans la famille royale, répudié par amour, sa première épouse était déstabilisée par cette situation pour laquelle elle se sentait responsable. Ils divorceront après quatre enfants, dont Jan. Lennart se remariera avec Sonja Haunz et auront ensemble 5 enfants.
Jan Bernadotte eut une relation compliquée avec son père et il traça sa propre route grâce à l’argent (un demi-million de couronnes) dont il avait hérité de son grand-père, le prince Guillaume, décédé en 1965. Âgé de 24 ans, l’héritage en poche, Jan Bernadotte brûlera en six mois seulement, l’argent dans les voitures, les motos, les voyages et menant une vie de playboy parmi la jet-set européenne. Sans argent, il vivra de petits boulots, fera la plonge et deviendra serveur. Il eut aussi des missions dans les relations publiques aux États-Unis, en Amérique du Sud et partout en Europe, jouant de ses relations.
En 1990, désargenté, le comte de Wisborg est parti s’installer en Suède, dans la patrie de ses ancêtres. Enfin, il deviendra producteur de vin en Crimée, pour « honorer ses ancêtres russes » (sa grand-mère était la petite-fille du tsar Alexandre II). Comme l’écrivait en 2007 le journal Dagens Nyheter, une fois de plus, ce nouveau business était une « erreur de jugement ». Une prospection dans les vignobles qui fut critiquée par l’ambassade d’Ukraine et les politologues suédois.
Revendiquant toujours le titre royal de prince de Suède perdu par son père, il implore alors son cousin, le roi Carl XVI Gustaf de considérer sa demande. En 2009, en apprenant les fiançailles de la princesse héritière Victoria avec le coach sportif Daniel Westling, qui lui permettra à son mariage en 2010 d’être reconnu comme le prince Daniel de Suède, le comte Jan Bernadotte a écrit une lettre au roi.
« J’ai écrit à propos du mariage entre Daniel et Victoria. Je n’ai rien contre. Au contraire, je pense que c’est génial. Mais avant de donner à Daniel le titre de prince, il faut réhabiliter mon père et tous ceux qui ont perdu leur titre de naissance », expliquait Jan à Afton Bladet. À chacune de ses demandes, la Cour lui renverra une réponse négative ou ne répondra pas. La porte-parole de la Cour répondra aux journalistes en 2009, qu’elle « devait vérifier » où en était sa énième demande tellement il y avait déjà eu de requêtes en ce sens de sa part.
Quand le journaliste demande à Jan ce que l’obtention du titre changerait pour lui, il répond : « Rien. La vie continuera comme avant. Il n’y a pas une grande différence si vous êtes un prince ou un comte mais cela permettrait que papa soit ainsi réhabilité ». À partir de 2009, Jan Bernadotte a chois de se faire appeler « le prince Carl Johann », en attendant qu’on lui fasse une réflexion à ce sujet.
Si Jan Bernadotte souhaite réhabiliter son père, il faut dire que lui-même a beaucoup de choses dont il voudrait se faire pardonner. La relation entre Jan et Lennart a toujours été conflictuelle. Depuis qu’il avait lapidé l’héritage du prince Guillaume, Lennart s’était éloigné de son fils. Karin Nissvandt, la première épouse de Lennart, mère de Jan, avait très mal vécu d’être la cause de la répudiation, et ils avaient fini par divorcer. Lennart, âgé de 65 ans, avait alors épousé la Sonja Haunz, 28 ans, qui était la fille du jardinier du château de Mainau. Cette relation controversée éloigna encore plus Lennart de ses premiers enfants, qui prirent la défense de leur mère, contrainte de quitter le château de Mainau pour s’installer dans une villa à Constance. Karin pensait que son ex-époux ne vivait qu’une passade avec la jeune femme. Mais la comtesse Sonja lui donna encore 5 enfants.

Le comte Lennart et sa deuxième épouse retrouveront quelque peu leur place auprès de leurs cousins royaux et les tensions entre la famille royale et la famille de Wisborg s’apaisèrent. Alors qu’au contraire, les tensions entre la famille royale et Jan Bernadotte s’intensifièrent. À chaque scandale de Jan, et en particulier à partir du moment où son fils adoptif se faisait passer pour le prince Gérard de Suède, la famille royale était très remontée et appelait chaque fois le comte Lennart pour qu’il règle la situation. Lui-même en froid avec son fils, cela ne faisait que renforcer les tensions.
En 2004, le comte Lennart est décédé à 95 ans. La mort de l’ancien prince, redevenu ami avec la famille royale, fut le dernier événement qui marqua définitivement le clivage entre les deux camps. La comtesse Sonja n’a pas appelé pas certains enfants du premier mariage de son époux pour annoncer sa mort. Comme le déploraient Jan et sa sœur Celia à l’Expressen, ils n’ont pas été autorisés à enterreur leur père. « Nous avons été appelés par un neveu qui nous a dit que mon père était décédé. Ce n’est pas Sonja qui a appelé, ce qui nous a rendus très tristes. Pourtant, Sonja a appelé la famille royale de Suède ».
La comtesse Sonja est morte en 2008, à 64 ans. Elle a pendant toute sa vie d’épouse été la directrice du château de Mainau et a beaucoup œuvré à l’entretien des lieux et à développer ses activités commerciales. La comtesse Bettina, première enfant du remariage de Lennart et Sonja, est aujourd’hui une femme d’affaires, notamment active sur le domaine de Mainau. Elle entretient de bonnes relations avec la famille royale. La comtesse Bettina est présidente de la fondation Mentor Allemagne, la branche allemande de l’association fondée par la reine Silvia de Suède.