Le lointain cousin du prince Albert II refait surface. Après une première action déboutée en 2019, le comte Louis de Causans entame une deuxième procédure judiciaire pour réparer le préjudice vécu par sa famille depuis les années 20. Depuis des années, il accuse l’État français d’avoir privé son aïeul du trône monégasque. Si le descendant du prince Honoré III de Monaco a longtemps voulu être reconnu comme le souverain de la Principauté, il semblerait aujourd’hui résolu à simplement demander une indemnité à la France.
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La légitimité de Charlotte de Monaco par son adoption est de nouveau portée devant la justice
Aynard Guigues de Moreton de Chabrillan, fils du 9e maquis de Chabrillan et de la princesse Anne Françoise de Croÿ, a revendiqué le trône monégasque dans les années 20. Aynard Guigues de Moreton de Chabrillan est l’arrière-petit-fils de la princesse Honorine de Monaco (petite-fille du prince Honoré III) et de son époux, René Louis Victor de La Tour du Pin.
Le marquis de Chabrillan dénonçait l’adoption relativement secrète de Charlotte Grimaldi en 1919 par Albert 1e. Le prince Albert 1e n’avait eu qu’un fils unique, Louis, qui n’avait lui-même pas d’enfant à 49 ans. En réalité, il avait une fille, Charlotte Louvet, qu’il avait eue avec Marie-Juliette Louvet, hôtesse d’un cabaret qu’il fréquentait.
Albert 1e a alors adopté légalement la fille illégitime de son fils, et l’a fait devenir princesse de Monaco. Il a suffi de modifier la règle de succession pour que les enfants adoptifs entrent dans l’ordre de succession au trône monégasque et Charlotte est devenue dynaste. Louis II monte sur le trône en 1922, sa fille illégitime (mais légitime de son propre père) devient la princesse héréditaire. L’héritière renonce a ses droits en 1944, à la majorité de son propre fils, Rainier. À la mort de Louis II, en 1949, Rainier III succède à son grand-père.
Si la modification de l’ordre de succession n’avait pas eu lieu en 1919, les Grimaldi se seraient retrouvés sans descendant légitime direct, et il aurait fallu trouver le plus proche parent. Celui-ci aurait été le prince Guillaume d’Urach, duc d’Urach, fils de la princesse Florestine de Monaco. Guillaume était un membre de la famille d’Urach, une branche cadette et déchue de la famille de Wurtemberg, suite à un mariage morganatique. Guillaume avait par ailleurs été brièvement roi de Lituanie sous le nom de règne de Mindaugas III.
Guillaume d’Urach aurait lui-même indiqué renoncer à ses droits à Monaco en 1925, en faveur d’un cousin, un certain Aynard Guigues de Moreton de Chabrillan. Depuis lors, Aynard Guigues crie à la spoliation. À sa mort, sa fille, connue depuis son mariage comme la comtesse Anne-Marie Caumont-La Force, continue les revendications de son père. Aujourd’hui, c’est Louis de Vincens de Causans, descendant d’Aynard Guigues qui revendique sa place. Louis est le fils d’Isabelle de Caumont-La Force, elle-même petite-fille d’Anne-Marie.
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Le comte Louis de Vincens de Causens se tourne vers la justice pour être dédommagé
Les revendications de Louis de Vincens de Causens, né en 1973, sont connues depuis de nombreuses années. Ce 5 août 2021, le prétendant au trône accorde une longue interview au Parisien pour donner des précisions sur ses demandes et en particulier sur la somme de 351 millions d’euros qu’il réclame à l’État français. Il s’agit de 350 millions d’euros d’indemnisation pure, intérêts compris, et d’un million de dommage moral, détaillait Le Soir en 2018.
L’aristocrate, dont la famille était jugée indésirable sur le Rocher après une esclandre de son arrière-grand-mère au Palais princier, dénonce «un tour de passe-passe» qui aurait été «orchestré par la France au sortir de la Première Guerre mondiale». C’est devant la justice administrative, dans le cadre d’une procédure dite de responsabilité civile, qu’il espère obtenir gain de cause.
S’il impute à la France cette «escroquerie», c’est parce que Raymond Poincaré a largement insisté pour que le prince Albert 1e adopte Charlotte. L’ancien président français fut autrefois l’avocat de la famille princière. «C’est lui qui organise à Paris l’adoption de l’enfant naturel. C’est lui qui va faire changer la Constitution monégasque», expliquait Louis de Causans au Soir.
L’accord entre la République française et la principauté de Monaco prévoit que si le trône devait revenir à une famille allemande, la Principauté perdrait sa souveraineté et serait annexée à la France. Or, à la mort de Louis II sans héritier légitime, le trône devait revenir à Guillaume d’Urach… un prince germanique.
Selon le comte Louis de Causans, comme la branche allemande se savait évincée, elle aurait de toute façon abandonné sa prétention au trône en faveur de la branche cousine, celle dont il descend. «En adoptant cette enfant cachée, la lignée a été transformée par la création de toutes pièces d’une nouvelle branche», explique le comte, grand collectionneur de figurines et jouets.
Le Parisien rappelle que le tribunal administratif avait fait barrage à ses revendications «estimant notamment qu’il n’apportait pas suffisamment de preuves de sa filiation». Aujourd’hui, le comte Louis de Causans remet le couvert, interprétant la décision de justice comme «une insulte». Il a été aidé par la généalogiste Anne-Sophie Chevalier pour établir son arbre généalogique, qui ceci dit est assez simple à vérifier. Dans son rapport qu’elle a transmis à la justice, la généalogiste prend partie pour le cousin d’Albert II et souligne qu’il «y a eu un véritable acharnement à légitimer [Charlotte]».
Par le passé, le marquis de Chabrillan avait lui aussi saisi la justice, aidé par un grand avocat, qui avait rédigé un impressionnant rapport, dans lequel on pouvait trouver des documents comme des lettres échangées entre Chabrillan et Albert 1e. Aujourd’hui, pour la première fois, Me Descoubes, qui représente le comte de Causans, pense que «l’affaire a été prise au sérieux».
Louis de Causans ne semble plus directement vouloir revendiquer son trône sur le Rocher mais bien être dédommagé. L’article du Parisien indique que le prince Albert II n’en veut pas à son cousin, ayant même invité ce dernier à assister aux hommages prévus pour le tricentenaire de la naissance du prince Honoré III, dont ils sont tous les deux descendants. Cet événement devait avoir lieu en 2020 mais il a été repoussé en 2022 suite aux mesures sanitaires.