Marine Le Pen deviendra-t-elle co-princesse ?

Marine Le Pen pourrait-elle devenir Son Excellence la co-princesse d’Andorre ? La candidate à la présidence de la France pourrait avoir deux records à son actif si elle venait à être élue le 27 avril prochain. Elle deviendrait la première femme présidente de la France et la première femme à la tête de la principauté d’Andorre.

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Marine Le Pen deviendra-t-elle la première femme à la tête de la co-suzeraineté d’Andorre ?

Le dernier sondage Elabe/BFMTV du 5 avril 2022 indique qu’Emmanuel Macron arrive en tête des intentions de vote avec 28% des voix au premier tour de l’élection présidentielle, premier tour qui se jouera ce dimanche 10 avril 2022. Il est suivi par Marine Le Pen avec 23% d’intentions de vote. Si les deux candidats l’emportent, leur face-à-face aura lieu lors du deuxième tour le 27 avril 2022. Pour l’heure, dans ce cas de figure, le président sortant rempilerait pour un second mandat avec 53% des voix contre Marine Le Pen à 47%.

La candidate du Rassemblement National pourrait-elle être appelée Son Excellence Marine Le Pen, co-princesse d’Andorre ? (Photo : Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM)

Loin de nous l’envie de spéculer sur le résultat d’une élection présidentielle. Cet article a simplement pour vocation de s’interroger sur les adaptations nécessaires et la petite révolution qui pourrait avoir lieu dans le cas où une femme venait à gouverner la France. Cette petite révolution se déroulerait en principauté d’Andorre.

Ce pays a deux chefs d’État qui exercent conjointement leurs fonctions. L’un est le chef de la France, l’autre le chef de l’évêché d’Urgell. Ils portent le titre de co-princes d’Andorre. Faudra-t-il parler de co-princesse d’Andorre ? Marine Le Pen souhaitera-t-elle être une cheffe d’État andorrane active ? La question se pose aussi pour Valérie Pécresse, Anne Hidalgo et Nathalie Arthaud, les autres candidates féminines à l’élection présidentielle.

Emmanuel Macron pose à l’Élysée devant le drapeau andorran (Photo : Bastien Louvet/Pool/ABACAPRESS.COM)

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Son Excellence la co-princesse d’Andorre ?

Nombreux l’oublient mais le président de la République française est le chef d’État de deux pays indépendants. L’actuel président français, Emmanuel Macron, est aussi co-prince d’Andorre. En tant que chef d’État andorran, il doit assurer un certain nombre de fonctions officielles en principauté d’Andorre. À fréquence régulière, il reçoit à l’Élysée des représentants andorrans, car c’est depuis Paris qu’il gère les affaires de la principauté. Certains présidents français ont montré que très peu d’intérêt pour le paradis fiscal voisin dont ils avaient la charge.

Emmanuel Macron est le premier président de la République française à avoir fait réaliser un portrait officiel pour ses fonctions de co-prince d’Andorre. Il est le premier président à avoir deux portraits distincts, portant le collier du co-prince et posant devant le drapeau bleu-jaune-rouge, pour la version andorrane. Lorsqu’il se rend à Andorre, Emmanuel Macron, l’évêque d’Urgell ou leurs prédécesseurs sont acclamés par la foule qui scande « Vive le prince ! ».

Emmanuel Macron est le premier président français à avoir deux portraits différents (Photos : Soazig de la Moissonière)

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Le statut nobiliaire du co-prince d’Andorre n’est pas toujours des plus clairs. Andorre, pays constitué de 7 paroisses depuis le 8e siècle, et indépendant depuis ces temps immémoriaux, est un État ayant adopté le régime de monarchie constitutionnelle parlementaire. On parle aussi de dyarchie en raison de ses deux « souverains » à sa tête. Andorre est officiellement l’une des 10 monarchies du continent européen, dont 8 sont des monarchies héréditaires classiques, et 2 ne sont pas héréditaires mais électives : Andorre et le Vatican.

Le co-prince d’Andorre apparaît dans l’Almanach du Gotha, ce qui pour certains prouve que le titre de co-prince à une valeur nobiliaire, cet annuaire faisant figure de référence ultime en matière de noblesse européenne. D’autres disent qu’il n’existe pas de noblesse à Andore. Il existe pourtant un cas unique de noblesse.

Guillem d’Areny-Plandolit, curateur général des vallées d’Andorre et promoteur de la nouvelle réforme de 1866, issu d’une riche famille d’industriel, a bien été anobli dans la Principauté, avec le titre de baron de Senaller i Gramenet. Officiellement, dans les documents protocolaires et diplomatiques internationaux, le co-prince ne porte pas de prédicat d’Altesse. Il porte le prédicat d’Excellence. Le titre officiel actuel est « Son Excellence Emmanuel Macron, co-prince d’Andorre ». Lorsqu’il rédige des documents officiels pour Andorre, figurent sur l’en-tête les armoiries princières, qui comprennent une mitre en référence au prince épiscopal d’Urgell et des vaches du Béarn en référence aux premiers coprinces français du comté de Foix.

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Andorre est-elle prête à accueillir sa première co-princesse ?

Dans un micro-État à l’histoire millénaire et au goût prononcé pour le conservatisme, comment sera accueillie sa première « cheffe » d’État et co-princesse ? Si ce n’est pas Marine Le Pen, le cas devrait tout de même se produire un jour… Ces nouvelles dénominations risquent de bousculer les habitudes dans ce pays où l’un des deux chefs d’État est un évêque !

Après tout, Andorre a bien accepté d’abandonner la famille royale française lorsque la France a aboli la monarchie, et lorsqu’elle a imposé, par la force des choses, son nouveau chef d’État… un président. Les Andorrans accueilleront-ils leur co-princesse éventuelle ? Par le passé, Nicolas Sarkozy, qui a mené une politique de réformes sévères en Andorre, n’avait pas reçu un accueil chaleureux lors de sa visite de moins de trois heures à Andorre-la-Vieille, en 2016. Les Andorrans portent plus de sympathie à leur deuxième co-prince, l’évêque d’Urgell, actuellement Joan-Enric Vives i Sicília, dont ils se sentent plus proches. Ils partagent la même langue, la culture catalane et la ville d’Urgell est située à 130 km d’Andorre, bien plus proche que les 900 km qu’il faut parcourir pour rejoindre Paris.

Le co-prince Emmanuel Macron préside une session du Conseil général, le parlement andorran, à Andorre-la-Vieille (Photo : Jean-Marc Haedrich/Pool/ABACAPRESS.COM)

La principauté d’Andorre est un territoire composé de 7 paroisses, qui est reconnu depuis l’an 780. Le principe de paréage entre la France (comté de Foix) et l’Espagne (évêché d’Urgell) a été mis en place en 1278. Le pays compte près de 80 000 habitants. Avec ses 468 km2, Andorre est plus grande que Malte.

C’est l’article 43 de la Constitution d’Andorre, qui confère « à titre personnel et exclusif » à l’évêque d’Urgell et au président de la République française le titre de coprinces, une « institution issue des Paréages et de leur évolution historique ». Après avoir juré d’exercer leurs fonctions conformément à la Constitution, « leurs pouvoirs sont égaux et procèdent de la présente Constitution ».

Selon la constitution, « les Coprinces sont le symbole et les garants de la permanence et de la continuité de l’Andorre ainsi que de son indépendance et du maintien du traditionnel esprit de parité et d’équilibre dans les relations avec les États voisins. » Ils représentent aussi le pays à l’international.

Les pouvoirs du co-prince ne sont pas négligeables. Le co-prince a le droit d’accorder sa grâce, à titre personnel. Il a également un pouvoir au niveau judiciaire, puisqu’il nomme les membres du Conseil supérieur de la justice ainsi que les membres du Tribunal constitutionnel.

L’archévêque d’Urgell et le président français sont aujourd’hui respectivement coprince épiscopal et coprince français, par la volonté de poursuivre un compromis qui a débuté au 13e siècle. En 988, les vallées andorranes devinrent la propriété de l’évêque d’Urgell. L’évêque céda le territoire au 11e siècle aux seigneurs Caboët, une seigneurie qui sera plus tard héritée par un mariage avec la famille du comte de Foix. L’évêque d’Urgell, insatisfait de la propriété revendiquée par le comte de Foix, impose sa suzeraineté. En 1278, un accord est trouvé suite à l’intervention du roi d’Aragon, qui trouve la solution du compromis en instaurant un paréage. Autrement dit, une co-suzeraineté partagée entre l’évêque d’Urgell et le comte de Foix.

Comment Andorre est-elle devenue co-suzeraine de la France ? Par un jeu d’héritages. En 1441, la reine Blanche 1e de Navarre décède. Son époux lui succède à la tête du royaume, jusqu’en 1479. Leur fille, Éléonore 1e succède pendant 24 jours à son père et meurt à son tour. Éléonore avait épousé Gaston IV, comte de Foix. Le fils ainé d’Éléonore et Gaston étant déjà mort en 1472, c’est leur petit-fils, François-Fébus qui devint le roi de Navarre. Il était déjà comte de Foix à la mort de son père. À partir de cette date, le titre de comte de Foix appartiendra au roi de Navarre, et par conséquent, le roi de Navarre sera aussi co-prince d’Andorre.

En 1584, le roi Henri III de Navarre devint l’héritier de France lorsque le roi Henri III de France le confirma à ce titre. Le roi de France n’avait pas d’enfant et son frère, François d’Anjou, est mort sans héritier. La couronne de France revint donc au roi de Navarre, plus proche descendant mâle Bourbon, qui fut connu comme Henri IV, à la mort de son cousin, Henri III, en 1589. C’est ainsi que le roi de France devint également co-prince d’Andorre. Par la suite, la constitution d’Andorre reconnaîtra le chef d’État français comme le co-prince d’Andorre et non plus l’héritier dynastique des rois de France. Par conséquent, Andorre reconnaît le chef d’État français comme le sien.

C’est Charles de Gaulle, qui en 1967 fut le premier président français à se rendre à Andorre-la-Vieille pour assurer une visite dans la Principauté. Depuis lors, tous les présidents, sauf Pompidou ont honoré cette visite.

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Nicolas Fontaine

Rédacteur en chef

Nicolas Fontaine a été concepteur-rédacteur et auteur pour de nombreuses marques et médias belges et français. Spécialiste de l'actualité des familles royales, Nicolas a fondé le site Histoires royales dont il est le rédacteur en chef. nicolas@histoiresroyales.fr