Depuis le toit de la basilique de Superga, on pourrait contempler les Alpes pendant des heures. On y observe aussi l’effervescence de la ville Turin et on comprend rapidement pourquoi les rois du Piémont-Sardaigne ont choisi les entrailles de la basilique comme lieu de dernier repos. Sous la basilique, bâtie sur ordre de Victor-Amédée II en 1717, reposent les souverains de la dynastie de Savoie ayant régné sur les territoires transalpins et sur la Sardaigne. C’est ici que le prince Victor-Emmanuel de Savoie, unique fils du roi Humbert II d’Italie, sera inhumé parmi ses ancêtres, le samedi 10 février 2024.
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La nécropole des souverains de Piémont-Sardaigne surplombe leur capitale
En 1706, alors que la ville de Turin est assiégée par les Français, Victor-Amédée II et son cousin, le prince Eugène de Savoie, gravirent la colline de Superga. Depuis ce point de vue, ils purent observer le théâtre des opérations. Le souverain promit alors d’y élever un lieu de culte dédié à la Vierge Marie, en cas de victoire. Cinq jours plus tard, Turin est libérée et la Maison de Savoie retrouve son territoire. Huit ans plus tard, alors devenu également roi de Sardaigne, Victor-Amédée tint sa promesse et lança la construction d’un édifice religieux, qui sera inauguré par son fils, Charles-Emmanuel III, en 1731.
Les Savoie sont à Turin ce que les Médicis sont à Florence. Les souverains savoyards ont fait de Turin la capitale des États de Savoie au 16e siècle. Au 11e siècle, Turin était devenue, par un héritage, une propriété de la Maison de Savoie. Turin et le Piémont, trop éloignés de la Savoie, intéressèrent peu les souverains. Il faudra attendre le 7 février 1563, pour que le duc Emmanuel-Philibert et sa femme Marguerite fassent une entrée triomphale à Turin. Le souverain choisit d’y établir sa capitale. La capitale des États de Savoie fut transférée à Turin, abandonnant Chambéry, la capitale ancestrale. Chambéry était jugée trop proche de la France ainsi que des puissances protestantes qui s’étendaient sur les territoires suisses.
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Les seigneurs de Savoie, descendants de Humbert aux mains blanches, sont devenus des comtes de Savoie au 11e siècle. Les Savoie sont de redoutables guerriers qui ont conquis, hérité et se sont emparés de territoires de la Savoie jusqu’à Nice. Ils ont été élevés au rang de ducs en 1416. Ils ont traversé les Alpes et sont devenus, en plus, princes de Piémont en 1418. Leurs territoires, nombreux et morcelés, étaient alors appelés les États de Savoie. Par le traité d’Utrecht, le duc de Savoie Victor-Amédée II obtint le royaume de Sicile en 1713. Jugé trop éloigné de ses principaux territoires, il l’échange en 1720 contre le royaume de Sardaigne. Les Savoie sont alors connus comme les rois du Piémont-Sardaigne.
En 1860, le roi Victor-Emmanuel II se sépare de Nice et du territoire d’origine de la Savoie, qu’il lègue à la France, en échange du soutien militaire fourni par Napoléon III. Les Savoie partent alors à la conquête de la péninsule italienne, morcelée en une myriade d’États. En 1861, Cavour et Garibaldi unifient le royaume d’Italie en un seul pays, au nom du roi Victor-Emmanuel II de Sardaigne. Victor-Emmanuel II, son fils, son petit-fils et son arrière-petit-fils ont été rois d’Italie.
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L’essor de Turin : délocalisation de la capitale savoyarde
À partir du 16e siècle, Turin va peu à peu connaître un essor fulgurant. Les ducs de Savoie et princes de Piémont sont aussi des riches mécènes et émulateurs de culture. Par leurs positions stratégiques pour le commerce, grâce à leurs territoires transalpins, les Savoie utiliseront leur immense richesse pour développer leur nouvelle capitale.
La ville de Turin était autrefois peu développée. Une université y avait toutefois été construite dès 1404. Il fallut attendre véritable le 17e siècle pour qu’elle connaisse son essor. Au 19e siècle, elle deviendra le berceau du positivisme italien. Les Savoie ont fait construire des palais pour y installer les institutions de leurs États. Ils ont fait construire des édifices religieux, culturels et ont fait venir les plus grands artistes et architectes dans leur capitale. Turin restera longtemps la capitale des Savoie, y compris lorsqu’ils deviendront rois de Sardaigne. Au début du nouveau royaume d’Italie, Turin reste même la capitale de l’Italie jusqu’en 1865, avant d’être transférée à Florence, puis Rome en 1870.
La basilique de Superga est l’un des plus beaux témoins de l’influence des Savoie à Turin. Cet édifice religieux a été bâti sur la colline d’où le souverain, Victor-Amédée II, put observer la bataille de Turin en 1706. En 1713, le duc Victor-Amédée II devint le roi de Sicile, par le traité d’Utrecht, royaume qu’il échangea contre celui de la Sardaigne, en 1720. Une fois devenu roi, il honora sa promesse de faire construire une basilique sur la colline de Superga, surplombant Turin, une ville d’environ 90 000 habitants à l’époque, tout juste devenue la capitale d’un royaume européen.
Les rois de Piémont-Sardaigne et leur famille inhumés dans la crypte de la basilique de Superga
Il n’est donc pas étonnant que sous le sol pavé de la basilique se trouve une crypte dans laquelle reposent les souverains savoyards. C’est ici, en plein cœur de leur magnifique capitale dans laquelle ils ont tant investi, que les rois de Piémont-Sardaigne ont établi leur dernière demeure. Dès les premiers plans de l’architecte Filippo Juvarra, dessinés en 1711, apparait un espace dédié à devenir une crypte. Pourtant, celle-ci ne verra le jour que lors de travaux supplémentaires, menés par son neveu, en 1778.
Au centre de la crypte se trouve la salle des Rois. Au centre de cette plus grande salle, repose le tombeau principal. Ce grand tombeau accueillait traditionnellement le dernier souverain, qui rejoignait ensuite un autre emplacement une fois remplacé par le souverain suivant. Le dernier souverain de Piémont-Sardaigne étant Charles-Albert de Savoie, c’est lui repose encore dans le tombeau principal. À l’exception de deux souverains, tous les rois de Piémont-Sardaigne ainsi que leur épouse et membres de leur famille reposent dans un emplacement de la crypte de la basilique de Superga.
Le fils de Charles-Albert, Victor-Emmanuel II est devenu roi d’Italie. À partir des rois d’Italie, il était convenu que ceux-ci reposent au Panthéon à Rome. Finalement, pour différentes raisons, seuls Victor-Emmanuel II, son fils Humbert 1er et sa belle-fille reposent au Panthéon. Victor-Emmanuel III repose avec son épouse au sanctuaire de Vicoforte et Humbert II, dans l’ancestrale nécropole des Savoie, à l’abbaye de Hautecombe, également avec son épouse.
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Le prince Victor-Emmanuel de Savoie rejoint ses ancêtres n’ayant pas régné sur l’Italie
Le prince Victor-Emmanuel de Savoie, duc de Savoie, prince de Naples, dernier prince héritier d’Italie sera inhumé aux côtés de ses ancêtres dans la crypte de la basilique de Superga, après sa crémation qui aura lieu quelques jours après ses funérailles. Ses funérailles seront célébrées à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin, le 10 février 2024. Il ne reposera donc pas à côté de ses parents, le roi Humbert II et la reine Marie-José, qui sont à Hautecombe.
Le prince Victor-Emmanuel avait émis la volonté d’être enterré à Turin afin de reposer aux côtés des membres de la famille de Savoie qui n’ont pas régné sur l’Italie. Tout un symbole. Le prince Victor-Emmanuel est né durant le règne de son grand-père, Victor-Emmanuel III dont il a hérité du prénom. Pendant les neuf premières années de sa vie, il a grandi dans les palais, éduqué pour devenir un jour roi d’Italie. En 1946, son père, le roi Humbert II sera chassé d’Italie et la monarchie sera abolie suite à un référendum controversé.
La crypte des Savoie comprend cinq salles. Certaines étaient à l’origine destinées aux reines, d’autres aux princes. Près d’une cinquantaine de rois, reines et princes sont inhumés dans la nécropole. Le dernier membre de la famille à avoir rejoint la troisième salle, appelé « salle des Reines », est le prince Amédée de Savoie-Aoste, ancien duc d’Aoste descendant d’une branche cousine des derniers rois d’Italie. Le duc d’Aoste est décédé en 2021.
La basilique mesure 51 mètres de long et 65 mètres de hauteur. Le dôme central de l’édifice est entouré par deux tourelles symétriques. L’intérieur de la basilique est principalement de style baroque et elle est richement décorée, notamment par des statues des éléments en stucs. On trouve aussi plusieurs sculptures et statues dans la crypte. Les quatre statues de la salle des Rois représentent la Foi, la Charité, et l’Espérance (les trois vertus théologales) ainsi que le Génie des Beaux-Arts.