Ce 11 décembre 2024, le roi Felipe VI a prononcé un discours historique au palais Montecitorio, la Chambre des députés italienne où étaient aussi réunis les membres du Sénat. Le pape Jean-Paul II est le seul dirigeant étranger de l’histoire à avoir eu le privilège de s’adresser aux deux chambres italiennes réunies.
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Le roi Felipe VI prononce un discours devant le Sénat et la Chambre des députés au palais Montecitorio
Le roi Felipe VI, 56 ans, et la reine Letizia d’Espagne, 52 ans, effectuent une visite d’État en Italie, auprès du président Sergio Mattarella. Ce mercredi 11 décembre 2024, après avoir été accueilli au palais du Quirinal par le président de la République italienne et après avoir rencontré la présidente du Conseil des ministres, Giorgia Meloni, à la villa Doria Pamphilj, le roi Felipe s’est rendu au palais Montecitorio en fin d’après-midi.
Le palais Montecitorio abrite la Chambre des députés, chambre basse du parlement italien. Exceptionnellement, le Sénat, chambre haute du parlement, était également réuni au palais Montecitorio pour une séance extraordinaire. Le parlement italien réunit habituellement ses deux chambres dans un même hémicycle lorsqu’il s’agit d’élire le président de la République et les nouveaux juges de la Cour constitutionnelle. Depuis 2020, la Chambre compte 400 députés et le Sénat compte 200 sénateurs et 5 sénateurs à vie.
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Le roi Felipe est le seul chef d’État étranger après le pape à s’adresser aux deux chambres du parlement italien
Le roi Felipe a eu l’occasion de prononcer discours devant les deux chambres réunies dans l’hémicycle, un privilège qui avait été accordé jusqu’ici qu’au pape Jean-Paul II en 2002. En 1998, le roi Juan Carlos avait effectué une visite d’État en Espagne et avait eu l’opportunité de s’exprimer devant le Sénat et devant la Chambre des députés séparément. Le président italien Sergio Mattarella a accordé ce privilège au roi Felipe, en réponse du privilège qui lui avait été accordé en 2021, lorsque lui-même avait prononcé un discours devant les Cortes Generales, soit les représentants du Congrès des députés et les sénateurs réunis.
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Le roi Felipe a commencé son discours – de 26 minutes – en rappelant que son père est né à Rome et que la famille royale a donc un lien particulier avec ce pays qui a accueilli la famille royale d’Espagne en exil. « Dans cet espace historique, siège de la représentation de la souveraineté nationale, sont projetées les valeurs qui nous définissent : la démocratie, les libertés individuelles, les droits de l’homme et l’État de droit sont affirmés », a déclaré le roi d’Espagne.
« L’Italie et l’Espagne sont unies par un ferme attachement au multilatéralisme, c’est-à-dire à un ordre mondial fondé sur des règles et inspiré par les buts et principes de la Charte des Nations Unies. Nous sommes deux pays de mémoire, avec une conscience claire du passé – en particulier de ce qui ne peut et ne doit pas être répété, même de manière caricaturale – et nous voyons avec une inquiétude logique combien de traités, d’institutions et d’instances multilatérales subissent une érosion accélérée, (…) un glissement dangereux vers quelque chose d’incertain…, et pas du tout lumineux ».
Le roi Felipe a énuméré les conflits en cours, en Ukraine et au Moyen-Orient notamment, pour illustrer combien la paix est fragile. À propos de Gaza et du Liban, le souverain espagnol a déclaré : « Nous condamnons fermement la violence et la terreur dans la région, qui ne peuvent en aucun cas trouver de justification ou de protection, et nous lançons un nouvel appel à parvenir à un cessez-le-feu définitif, à la libération de tous les otages et à un accès massif à l’aide humanitaire ».
Alors qu’en 2026 l’Espagne fêtera ses 40 ans au sein de la communauté européenne, le roi Felipe a consacré une partie de son discours à l’Union européenne et son avenir. « Les défis auxquels l’Europe est confrontée sont complexes et énormes, en termes de sécurité, de crises climatiques, de transition énergétique, de gestion des migrations, ainsi que la croissance économique, la compétitivité industrielle, la durabilité et l’équité de notre bien-être social, voire la gouvernance face à l’élargissement et la cohésion nécessaire face aux situations nationales. Mais il n’existe aucun défi, défi ou menace, aussi grave soit-il, qui justifie que nous nous détournions de notre identité et de notre voie européennes. Le prix que nos citoyens paieraient, celui que l’Europe elle-même paierait et celui que notre civilisation paierait serait inabordable. Ne l’oublions pas. »
Le roi Felipe a ensuite consacré une partie de son discours à l’OTAN, puis à la crise migratoire. « Nous devons, en tant qu’Européens, continuer à accorder aux immigrés le traitement digne qui est dû à tout être humain. Et nous devons nous coordonner toujours plus, pour que la Méditerranée soit un espace ouvert, prospère, pacifique et durable, car c’est là que réside l’espoir pour l’avenir de tous les pays côtiers et, par conséquent, de l’Europe elle-même. »
« Le continent africain est une région soumise à de fortes tensions, avec des conflits déchirants, des famines récurrentes, des déplacements massifs, une expansion du terrorisme et une radicalisation incontrôlée ; et ils sont également fréquemment affectés par la fragilité institutionnelle et l’ingérence d’intérêts géostratégiques et extractifs externes. Bien souvent, tout cela reste loin d’être médiatisé. Mais nous devons aussi voir et apprécier son énorme potentiel, cette richesse culturelle et humaine qui en fait une région clé pour notre avenir. »
Le roi Felipe a terminé son discours en rappelant ce qui unit l’Italie et l’Espagne. « Ce monde de plus en plus complexe, rapide et compétitif continue d’avoir grandement besoin de notre sensibilité méditerranéenne, de notre politique étrangère fondée sur des principes et des valeurs et de notre ferme volonté d’œuvrer pour un avenir meilleur qui profite à tous. Ici, devant ce Parlement, (…) je réitère ma profonde conviction que l’Italie et l’Espagne continueront à cheminer ensemble, dans un profond respect et une profonde amitié, sur les chemins pas toujours faciles du monde du 21e siècle. »
« Et je veux que mes derniers mots soient en mémoire de María Zambrano, l’une des grandes voix de notre pensée, qui a vécu à Rome peut-être les onze années les plus fructueuses de son exil. Zambrano habitait non loin d’ici, sur la Piazza del Popolo et allait chaque matin, ponctuellement, écrire à son Gran Caffé Greco. « Je me sentais au centre de la vie en Italie », a-t-il déclaré un jour. Et comment ne pas ressentir cela, au centre de la vie, dans ce pays fascinant, dont l’histoire est si ancrée dans notre histoire, dont la culture nous tient si à cœur ? »